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Stargate
Année : 1981
Système : Arcade ...
Développeur : Williams
Éditeur : Williams
Genre : Shooter
Par Jean-Christian Verdez (26 avril 2010)

Ceux parmi vous qui fréquentent le forum de Grospixels auront peut-être remarqué que régulièrement depuis 2002, j'évoque de façon assez floue deux jeux qui m'ont beaucoup marqué au début des années 80, sur Apple II. "Floue" car malheureusement, le temps ayant fait son office, impossible de me souvenir des titres des jeux concernés, ni d'en faire une description assez précise pour que d'autres membres du forum puissent m'aider dans mes recherches visant à retrouver ces productions perdues... Pensez donc, pour l'un d'eux ça donne plus ou moins : "un shoot'em up, en apparence un clone de Defender, mais qui se paye le luxe de sublimer son modèle, et dont l'un des ennemis portait le nom d'un poisson exotique (le Guppy)". Sur une machine où seuls les clones de Missile Command et Space Invaders peuvent probablement se vanter d'être plus nombreux que ceux de Defender, cette description n'est pas des plus idéales pour trouver le jeu correspondant... Et puis, tout récemment, en relisant l'article du site dédié à Defender, remis à jour il y a peu de temps, une photo a attiré mon attention, révélant à terme que la solution était évidente depuis le début :

Là ! Là ! Derrière Eugène Jarvis et Larry DeMar ! Mais pourquoi posent-ils devant une borne qui n'est pas celle de "Defender" ? Zoomons un peu...

Tout d'abord désireux de découvrir un titre que je pensais n'avoir jamais pratiqué, le premier essai sous MAME ne laissa pas de place au doute : le nombre des ennemis ainsi que leur nom, les options de téléportation et d'invisibilité... Le schmilblick Apple qui me fascinait il y a 25 ans, c'était tout simplement le portage de Stargate, un jeu aujourd'hui caché dans l'ombre de Defender mais qui s'avère en réalité n'être ni plus ni moins que la suite du célèbre hit arcade de 1980.

Bon sang mais c'est bien sûr ! Lorsqu'un jeu supplante un tel chef-d'œuvre, quoi de plus logique que d'y retrouver à nouveau Eugène Jarvis et Larry DeMar au développement ! D'ailleurs, pour des raisons de droits et probablement aussi de marketing, Stargate s'est par la suite largement plus répandu sous le nom de Defender II (un nom qui ne m'a, paradoxalement, jamais attiré. Eh oui, tout petit déjà je me méfiais des titres trop orientés dans la logique de "suite de...", mais Stargate arrive à se démarquer aussi sur ce point). C'est d'ailleurs sous cette appellation qu'on le trouve dans les adaptations et compilations sur nombre de consoles, notamment Williams Arcade's Greatest Hits ou encore Midway Arcade Treasure. Mais n'allons pas trop vite...

Stargate, la borne des étoiles

Après la sortie de Defender en 1980, Eugene Jarvis s'impose en un seul jeu comme un développeur de génie, particulièrement en avance sur son temps. Le maniement de Defender est, comparé aux autres jeux sortis en même temps, très déconcertant et difficile : un scrolling permettant de se déplacer à volonté vers la gauche ou la droite, à différentes vitesses, le tout dans un univers qui ne se résume pas à ce que l'on voit à l'écran mais qui "vit" véritablement dans une zone plus vaste. Par la suite, Jarvis et son compère Larry DeMar quittent l'entreprise Williams afin de fonder une société de développement indépendante baptisée Vid Kidz. Leur premier jeu sera donc Stargate, dont la version arcade sort en 1981.

À première vue, Stargate propose un gameplay très similaire à Defender : vous dirigez un vaisseau à la surface d'une planète attaquée par de méchants extra-terrestres. En vous déplaçant plus ou moins vite vers la droite ou vers la gauche (le scrolling change de direction en conséquence), vous devez éliminer toute menace ennemie et protéger les dix humanoïdes qui se déplacent à la surface accidentée de la planète que vous survolez. En effet, si plusieurs adversaires n'auront d'autre but que d'essayer de vous détruire, certains mutants tentent de kidnapper les humains ! S'ils parviennent à les emmener jusqu'en haut de l'écran, ils les transforment en Mutants. Et si par malheur les 10 humains de la vague en cours sont éliminés, la surface de la planète explose ! (le monde et ses habitants ne seront restaurés que toutes les cinq vagues). Une fois éliminés tous les ennemis d'une vague, vous passez à la suivante, plus dangereuse... Bien que le compteur semble boucler à la vague 100 (en passant de 99 à 0), le jeu comporte au total 255 vagues différentes avant de revenir à la première. Ceci dit, cette suite de Defender étant probablement plus difficile que son modèle, peu de gens au monde peuvent se vanter d'avoir fait "le tour du jeu".

En outre, Stargate apporte aussi son lot de nouveautés, qui non seulement occasionnent plus de diversité dans le déroulement du jeu, mais permettent aussi plusieurs subtilités pour les adeptes du scoring. Tout d'abord, le nombre d'ennemis différents a été revu à la hausse, et passe de 6 à 14.

Lander (150pts) - Monstres de base. Ils vous tirent dessus, mais surtout ils attrapent les humains, s'envolent avec eux à la verticale afin d'en faire des Mutants. À vous de détruire le Lander puis d'attraper au vol l'humain ainsi libéré avant qu'il ne s'écrase au sol...
Mutant (150pts) - C'est sous cette forme que les humains vous attaqueront une fois transformés. En outre les mutants remplacent les Landers s'il n'y a plus d'humain à capturer. Les Mutants sont beaucoup moins avares en munitions.
Baiter (200pts) - Ennemi très rapide, plus que votre vaisseau, qui apparaît si vous mettez trop de temps à terminer une vague. Sa précision de tir est diabolique.
Bomber (250pts) - Les Bombers se déplacent assez lentement, mais ne relâchez pas votre surveillance car en contrepartie ils abandonnent des bombes que l'on a tôt fait de percuter.
Pod (1000pts) - L'ennemi qui rapporte, et de loin, le plus de points. En apparence, il n'est pas dangereux car très lent, mais en explosant, il laisse derrière lui un nombre variables de Swarmers.
Swarmer (150pts) - Assez vifs, les Swarmers vont vous tournent autour dangereusement, à la manière d'insectes désireux de vous piquer. Ici, bien sûr, la piqûre est mortelle.

À ces six adversaires déjà croisés dans Defender s'ajoutent huit nouveaux ennemis :

Firebomber (250pts) - Le Firebomber, lorsqu'il vous repère, vous lance un paquet de Fireballs. Ce phénomène peut devenir un véritable souci lors des vagues contenant plusieurs de ces bombardiers. Fuyez-les s'ils sont en groupe.
Fireball (100pts) - Les Fireballs, projectiles des Firebombers (étonnant non ?), sont heureusement destructibles ! Elles n'en restent pas moins dangereuses car extrêmement rapides !
Yllabian Space Guppy (200pts) - Le fameux Guppy ! Rapide, dangereux, c'est l'adversaire au comportement le plus souple. Pour l'anecdote, "Yllab" est l'inverse de Bally, le grand adversaire de l'éditeur Williams à l'époque.
Dynamo (200pts) - Se déplaçant de manière erratique, ne vous approchez pas trop pour éviter de le percuter lors d'un changement brutal de direction de sa part. Le Dynamo largue régulièrement des Space Hums (encore un jeu de mots, cette fois basé sur une musique de Franck Zappa "Dinah-Moe Humm").
Space Hum (100pts) - Le Space Hum est lent, ne tire pas, mais s'approche inexorablement de vous. Vous pouvez aisément le distancer, mais ce sera pour mieux le retrouver plus tard, accompagné d'autres de ses camarades...
Phred (200pts) - À l'image du Baiter, le Phred est ultra rapide et débarque souvent en fin de vague. Sa grande taille le rend cependant un peu moins fatal. En mouvement, sa machoire lui confère un côté "Pac-Man carré" rigolo.
Big Red (200pts) - Tout comme le Baiter et le Phred, le Big Red est plus rapide que vous. La meilleure stratégie pour ces 3 ennemis est de changer brutalement de direction, afin qu'ils vous dépassent, puis de les prendre à revers...
Munchies (50pts) - Plus petits et moins rapides que les Phreds, les Munchies n'en sont pas moins véloces et un peu plus difficiles à toucher, vue leur taille un peu réduite.

Mais ce n'est pas tout. Stargate puise son nom dans un ajout déterminant pour la stratégie de sauvetage des humains capturés. En effet, à un endroit de la carte se situe cette fameuse stargate (ou "porte des étoiles" comme dirait Roland Emmerich). Lorsque vous la franchissez, vous êtes automatiquement téléporté à l'endroit où un humain vient d'être capturé. Cette possibilité permet d'être bien plus efficace pour sauver les malheureux habitants sans défense. De plus, si vous franchissez la stargate alors qu'aucun humain n'est en danger, vous êtes simplement téléporté à l'autre bout de la planète. Et un petit secret pour terminer : lorsque vous détruisez un Lander ayant attrapé un humain, ce dernier tombe, et il vous faut l'attraper au vol pour qu'il ne s'écrase pas. Vous pouvez ensuite le reposer au sol, ou bien continuer à voler en altitude pour tenter de sauver d'autres êtres capturés. Sachez que si vous attrapez 4 humanoïdes puis que vous franchissez la stargate, celle-ci fait alors office de warp zone, et vous fait avancer de trois vagues d'un seul coup ! Accessoirement, chaque humain encore vivant lors d'un passage en warp zone rapporte 200 points !

Sauver les humains n'est pas le but ultime de Stargate puisque s'ils sont tous transformés, la planète explose mais le jeu continue. Toutefois, plus il en restera en vie à la fin de chaque vague, plus vous marquerez de points bonus (de 100 à 500 points selon les vagues). En outre, si chaque humain attrapé en vol vous apporte 500 pts, continuer à en attraper d'autres sans poser les précédents octroie un bonus allant jusqu'à 2000 points par humain supplémentaire. Revers de la médaille, si vous êtes détruit, tous les humains accrochés à votre vaisseau périront avec vous...

Outre la satisfaction de faire un bon score, tout ce système de points a un autre intérêt de taille : à chaque palier de 10.000 points, vous gagnez une vie supplémentaire, une smart bomb (destruction de tout ennemi à l'écran), et du temps d'invisibilité supplémentaire. Car oui, figurez-vous que vous pouvez aussi devenir invisible quelques secondes, pendant tout le temps que vous appuyez sur le bouton correspondant et dans la limite de l'énergie disponible. Dans ce mode 'inviso', vous disparaissez de l'écran ce qui est certes embêtant pour savoir exactement où vous vous situez, mais la contrepartie de taille, c'est que tout ennemi qui vous percute est aussitôt détruit ! Idéal pour prendre rapidement l'avantage sur un groupe d'ennemis serrés en leur fonçant dedans. Notez enfin la présence d'une ultime option, puisque vous avez aussi la possibilité de passer en hyper-espace (téléportation instantanée à un point aléatoire de la carte). À n'utiliser qu'en cas d'extrême urgence lors de situations désespérées, car l'hyper-espace à un effet néfaste potentiel : lorsque vous réintégrez l'espace "normal", il arrive que votre vaisseau se reforme sur un ennemi, voire explose de lui-même ! Ben oui, c'est qu'il ne s'agirait pas de rendre les choses trop faciles hein, on est quand même dans la suite de Defender et de sa réputation de jeu à la difficulté corsée.

Stargate chez soi

À gauche, la brillante version Apple II. A droite, la bien plus dispensable version NES (Defender II)

Tout comme son aîné, Stargate a eu droit a des adaptations sur consoles et micro-ordinateurs. Aucune version ne peut prétendre rivaliser visuellement avec l'originale, mais à mon humble avis celle qu'il faut retenir, c'est l'excellente version Apple II de 1983, signée Atarisoft. C'est l'adaptation qui propose de loin le radar le plus fin et lisible, ainsi que le plus grand nombre d'ennemis simultanés à l'écran... Le comportement de ceux-ci a d'ailleurs été encore amélioré, notamment au plan de la vitesse maxi et de la manière bien plus réaliste et fluide de se déplacer, par exemple pour ralentir et faire volte-face. On ressent pleinement les sensations de traque et de poursuite contre les adversaires des niveaux plus avancés. C'est un vrai régal de laisser les infâmes Guppies (plus jolis sur Apple II que sur arcade) virevolter juste derrière vous sans pouvoir vous rattraper, puis ralentir d'un seul coup pour les laisser vous dépasser, et enfin les détruire d'un coup tandis qu'ils amorcent leur demi-tour ! Le jeu restitue très bien les sons, notamment le fait que des événements se déroulent hors de l'écran. Il faudra être attentif au bruit spécifique indiquant qu'un humain vient d'être kidnappé quelque part sur la carte... Des sonorités percutantes et très caractéristiques (le bruit de destruction du vaisseau est inoubliable) incitant à jouer aussi à l'oreille.

À l'inverse, l'opus Famicom a gagné quelques musiques (qui seront partiellement réutilisées des années plus tard dans un certain Punch Out avec aussi quelques bruitages) mais est bien limité dans son gameplay, ne serait-ce que par le nombre de boutons de la manette : 2, alors que la borne original en comptait 6. Exit donc les modes inviso et hyper-espace, seul subsistent les smart bombs. Quant aux ennemis, ils adoptent un comportement vraiment trop simpliste...

La version Atari 2600, qu'on croise aussi sous le nom Defender II.

En conclusion, les puristes préféreront sans doute les boutons 'Reverse' et 'Thrust' de la borne originale, au maniement avec les 4 flèches directionelles des différentes conversions. Ceci dit, l'adaptation Apple II n'usurpe pas le slogan d'arcade à la maison, et sublime encore un peu plus un Stargate arcade qui transcendait déjà son modèle (Defender). Autant dire que Stargate est une vraie petite bombe de shooter à l'ancienne !

Jean-Christian Verdez
(26 avril 2010)
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