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Powerslide
Année : 1998
Système : Windows
Développeur : Ratbag
Éditeur : GT Interactive
Genre : Jeu de Course
Par Barbo (22 mai 2003)

« Powerslide est le premier jeu de Ratbag. Pour cette raison, il n'a fait l'objet de quasiment aucun support marketing dans certains pays. Le jeu est inconnu de la majeure partie du public. Si vous appréciez Powerslide et voudriez jouer à d'autres jeux signés Ratbag, parlez de ce jeu autour de vous. Parlez-en à vos amis. Postez des commentaires dans des newsgroups et des sites webs. Nous avons besoin de votre aide pour faire de Powerslide un succès ». (extrait du fichier Readme de Powerslide)

Parmi les divers Pod-like commercialisés entre 1997 et 1999, Powerslide a tiré habilement son épingle du jeu, en misant en premier lieu sur le gameplay plutôt que sur un design ultra-stylisé. Etant donné que ce dernier critère est caractéristique de la majorité des jeux de course futuriste, Powerslide s'est surtout distingué par une jouabilité qui n'a laissé personne indifférent, en bien (PC Team, 88%) comme en mal (PC Fun, 8/20). Pour vous donner une idée, je dirais que Powerslide est une sorte de Screamer 2 futuriste (bien que les développeurs prétendent s'être essentiellement inspirés de Stunt Car Racer), une vision de ce que pourrait être la course de rallye de l'an 3000.
En fait, on repassera pour l'an 3000, car Powerslide est sensé se dérouler à l'aube du vingt-et-unième siècle, suite à la destruction de la couche d'ozone qui engendra une pandémie décimant la plupart des Terriens (Eh oui, un scénario nihiliste de plus...). Résultat : les riches (ici appelés Corporatistes) se réfugient sous la surface terrestre et créent d'énormes cités autosuffisantes, tandis que les autres, refusant le totalitarisme qu'imposent de telles organisations, survivent comme ils peuvent et n'hésitent plus à tuer leur prochain pour obtenir de la nourriture, denrée de plus en plus rare. Quelques uns de ces rebelles décident un beau jour de remettre en état de marche plusieurs voitures abandonnées en surface et d'organiser des courses au volant de ces véhicules, courses auxquelles certains Corporatistes ont décidé de participer, et ce bien que cette activité appelée Powersliding ait été déclarée illégale par les Corporations, probablement à cause des voitures rafistolées des rebelles qui font office de derniers témoins d'une ère que les nantis renient fermement désormais. Vous êtes l'un des participants à ces courses, aussi vous ferais-je grâce de l'objectif que vous devrez atteindre.

À gauche une voiture Rebelle, à droite une voiture Corporatiste.

Je vous affirmais au début que le gameplay de Powerslide était plus travaillé que son design. C'est vrai, pourtant l'une des originalités de Powerslide réside bel et bien dans l'univers qu'il propose : le nihilisme a en effet la particularité d'être un prétexte à certains délires donnant au jeu un côté décalé, contrairement par exemple à Pod, dont l'intro montrant la lente extinction de la planète Io expose les faits sur un ton très solennel, nous faisant clairement comprendre que l'heure est grave. Ainsi, outre l'ignoble cynisme avec lequel est conté dans la notice du jeu le cataclysme qui eut raison de 99% des habitants de la Terre, il faut noter les récompenses promises aux vainqueurs des championnats (des fruits à conserver dans votre réfrigérateur !) et les tronches de malades mentaux shootés à l'Uranium 238 de la plupart de vos adversaires, donnant ainsi au monde miséreux du jeu une touche d'humour fort appréciable qui n'est pas sans rappeler cette formidable réflexion de Pierre Desproges selon laquelle on peut rire de la mort puisque la mort elle-même se rit de nous.
Au final, tout cela confère à Powerslide une réelle personnalité. En comparaison, un jeu tel que Dethkarz propose un univers bien travaillé dans la forme mais assez vide dans le fond (les courses de Dethkarz sont le sport préféré du public, etc., enfin, pas etc., en fait car il n'y a pas grand-chose d'autre :) ), ce qui bien entendu n'enlève rien à l'excellence de ce dernier.

Des adversaires mignons tout plein, n'est-ce pas ?

Powerslide propose quatre modes de jeu solo (contre-la-montre, course simple, championnat et handicap, ce dernier consistant en une course simple où vous donnez un certain nombre de secondes d'avance à vos concurrents au départ) et autant de niveaux de difficulté (Débutant, Avancé, Expert et Suicidaire) ainsi qu'un mode multi-joueurs. Avant de faire le plein de fruits, un petit tour s'imposera dans le mode contre-la-montre afin de cerner le gameplay particulier du jeu.

Si vous avez lu l'article consacré aux Screamer (en tant qu'auteur de cet article, je n'en doute pas un seul instant :) ), vous aurez constaté qu'il y est question entre autres de la jouabilité d'un certain Screamer 2, inspirée d'un certain Sega Rally, jouabilité que personnellement je ne cesserai jamais d'idolâtrer. Il y est aussi écrit que Powerslide repousse les frontières du gameplay en question. Effectivement, la maniabilité est telle que lors d'un virage, les voitures ne roulent presque plus, elles glissent (ce qui est déjà plus ou moins le cas dans Screamer 2, soit dit en passant), d'où le nom Powerslide (au fait, to slide veut dire glisser en anglais ; ben oui si on ne le sait pas on ne comprend pas grand-chose...).
Ainsi vous devrez conduire tout en braquages anticipés et dérapages gigantesques sous peine d'aller faire la bise aux murs très régulièrement et ainsi vous couvrir de ridicule auprès de vos potes si ces derniers vous regardent jouer. Même les habitués de Screamer 2 et Screamer Rally devront s'entraîner un peu au début.

Certains virages donnent lieu à des glissades totalement démesurées.

Une fois la barrière de la jouabilité franchie, vous pourrez donc constater que Powerslide offre de sacrées sensations, lesquelles sont accentuées par l'autre gros point fort du jeu : son moteur 3D, le Difference Engine. Celui-ci fait preuve d'une fluidité exceptionnelle dans l'animation et d'une remarquable gestion des collisions : les réactions des véhicules lors d'un tonneau ou d'une rencontre avec un obstacle sont étonnamment crédibles (même si elles ne reflètent guère la réalité) et ont visiblement fait l'objet d'un travail rigoureux. Pour vous donner une idée, le moteur était à l'époque d'une telle qualité que Microsoft a utilisé Powerslide lors de deux conférences de presse aux États-Unis afin de montrer ce dont DirectX et Direct3D étaient capables.
Powerslide propose au total douze circuits (dont deux réservés au multi-joueurs) et sept véhicules, le tout se débloquant au fur et à mesure des victoires remportées en mode Championnat. Et c'est là qu'intervient le gros défaut du jeu : la difficulté est énorme. La victoire finale est certes abordable en niveau Débutant et Avancé, mais à partir du niveau Expert, cela relève selon moi de l'impossible (si vous l'avez fini, manifestez-vous dans le forum du site, car vous faites certainement partie d'une élite). Les adversaires ont en effet une vitesse de pointe un peu plus élevée que la vôtre, et ce quel que soit le véhicule choisi. On peut bien les rejoindre lorsqu'ils se cognent entre eux, mais cela n'arrive que très rarement. Résultat, certains circuits cachés le restent toujours (cela dit et si mes souvenirs sont bons, on peut tout de même débloquer neuf des dix pistes solo une fois le championnat Avancé terminé avec succès).

L'autre principal défaut de Powerslide concerne curieusement sa jouabilité. S'il est incontestable que le jeu garantit de grosses sensations en jouant à fond (vraiment à fond !) la carte du gameplay façon Sega Rally ou Screamer 2, on se rend compte à l'usage que le feeling est assez aléatoire. Les voitures dirigées par l'ordinateur ont souvent tendance à prendre les virages par l'extérieur, alors que la trajectoire idéale qu'utilise tout joueur un tant soit peu expérimenté consiste généralement à aborder un virage par l'extérieur pour ensuite le prendre par l'intérieur afin de réduire sa vitesse le moins possible et réaccélérer rapidement en sortie. Pourtant, dans Powerslide, les adversaires virtuels semblent toujours accélérer fortement en sortie de virage même si la trajectoire qu'ils choisissent n'est apparemment pas la plus appropriée.
De ce fait, on prend les virages sans jamais vraiment savoir si on les prend bien, en faisant simplement en sorte d'éviter de se cogner aux parois. Cela est probablement dû (en partie tout du moins) à la largeur parfois importante de certains tracés : dans Screamer 2, les tracés des circuits, plus étroits, sont d'une grande précision, incitant clairement à travailler ses trajectoires. Pour donner un exemple plus proche de la réalité, le circuit de F1 de Sepang en Malaisie propose un tracé très large et plusieurs pilotes de F1 ont affirmé ne pas toujours savoir comment aborder certains virages du fait de cette largeur.

Un exemple de la largeur de certains circuits (on est en plein virage...).

Pour le reste, les Australiens de Ratbag ont fait du bon boulot, notamment sur le plan de la réalisation : le Difference Engine n'est pas seulement un modèle de fluidité, il affiche aussi des graphismes aussi superbes que variés qui défilent sans sourciller sur un bon vieux K6-2 (pour anecdote, Powerslide fut l'un des rares jeux optimisés pour le jeu d'instructions 3Dnow!, la fameuse réponse d'AMD au MMX d'Intel). Les bruitages sont satisfaisants, par contre les musiques sont pour la plupart insupportables de mon point de vue. C'est à mon avis le dernier point noir de Powerslide.
Je n'ai aucune information précise concernant le succès de Powerslide, mais gageons que celui-ci fut tout à fait satisfaisant puisque Ratbag est toujours en activité et développe des jeux PC sur la base de versions améliorées de son Difference Engine, notamment des jeux de course avec la série Dirt Track Racing ou encore Leadfoot. Il est vrai que le prix du jeu lors de son lancement (environ 30 euros) était attractif. Peut-être que l'appel lancé dans le Readme.txt a bel et bien porté ses fruits...

Pour son premier jeu, Ratbag a frappé fort, avec un gameplay osé servi par une technologie de pointe (pour l'époque) autour d'un univers plus original qu'il n'en a l'air à première vue. Powerslide est un jeu réellement important car il représente dans une certaine mesure l'aboutissement d'un type de gameplay initié par Sega Rally et poursuivi par Screamer 2 et Screamer Rally, démontrant ainsi les formidables vertus de ce genre de gameplay, mais aussi ses limites. Devant un tel constat, il semble logique que l'on ne verra plus de jeu de course proposant des sensations aussi démesurées (à part les suites de Sega Rally). Finalement, avec son design décalé et ses airs de course de rallye futuriste, Powerslide n'a presque rien d'un Pod-like... Un excellent jeu, en tout cas.

Barbo
(22 mai 2003)
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