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Westone
L'histoire romancée du fameux studio, d'avant sa naissance et la rencontre de ses créateurs à sa triste fin...

HAL, est-ce que tu me reçois ?

MOUSER

Septembre 1982. Au terme de ses deux mois d'exil dans l'usine d'assemblage de Chiba, Ryuichi Nishizawa voit enfin la lumière : des collègues de Tehkan restés en contact avec leur ancien employeur, Universal, viennent d'apprendre la création d'une filiale dénommée Universal Play-Land (UPL), en pleine phase de recrutement.

La seule raison qui retient Ryuichi de se précipiter immédiatement sur cette bouée de sauvetage est l'éloignement des bureaux d'UPL, situés tout comme ceux de la maison mère dans la préfecture de Tochigi. En revanche, lorsqu'il apprend que le développement des jeux doit s'effectuer sur Tokyo, il n'a plus la moindre hésitation et adresse sa candidature à UPL en prenant soin de présenter sa brève expérience chez Tehkan sous le meilleur jour possible, quitte à « gonfler » quelque peu son CV. En y pensant, Ryuichi trouve qu'il y a là une certaine forme d'ironie dans l'issue de secours dessinée par UPL : pour s'en sortir, il va devoir aller à contre-sens du courant dominant, celui-là même qui a entraîné les talents d'Universal vers Tehkan...

Sa candidature acceptée, c'est avec un certain soulagement qu'il quitte Chiba. UPL est alors en plein emménagement et les locaux destinés au développement ne sont pas prêts : le tout premier projet de la filiale voit le jour dans un minuscule appartement de Kudanminami (arrondissement de Chiyoda), situé tout près d'un lycée de jeunes filles, vision ô combien rafraichissante pour Ryuichi après un isolement forcé de plusieurs mois au milieu de bois inhabités...

Le projet Mouser dont les contours ont été prédéfinis par la direction, consiste en un jeu de plate-forme à progression verticale. Son originalité repose sur le choix du héros, largement inspiré du cartoon Tom & Jerry et de son renversement des rôles prédateur/proie ; le joueur y incarne en effet le chat Mouser, persécuté par une bande de souris belliqueuses dont le dernier forfait en date est le kidnapping de sa fiancée, retenue prisonnière dans le grenier d'une vieille demeure piégée de fond en comble. Mouser va devoir franchir les étages de la maison, survivre aux embûches tendues par les souris et capturer ces dernières afin de faire apparaître les barreaux de l'échelle menant au grenier.

Lors de la présentation du projet, il a été beaucoup question de Donkey Kong. Dans un premier temps, Ryuichi croit comprendre que Mouser sera pour l'essentiel un clone de ce hit, mais il réalise de quoi il retourne exactement lorsque ses supérieurs lui demandent de soumettre à l'analyseur logique le code source dudit Donkey Kong : le premier jeu d'UPL va être un hack pur et dur de la création de Nintendo ! Adoptant profil bas, il ne va pas s'aventurer à demander à la direction comment elle s'y est prise afin de mettre la main sur pareil trésor.

Falcon, partenaire commercial du moment, y est pour beaucoup. Ce co-contractant de Nintendo a obtenu le droit de créer et commercialiser un clone de Donkey Kong tout ce qu'il y a de plus légal, à destination des marchés sud-américains et européens, alors royalement ignorés par la firme de Kyoto. Le nom de la chose : Crazy Kong, aussi connu sous l'appellation Crazy Kong – Part II (pour l'anecdote, notre Jeutel national, fidèle à lui-même, s'est empressé d'en tirer son propre bootleg...).

Crazy Kong Part II : un copier-coller pour le moins rentable, à défaut d'être imaginatif...

Seulement, Falcon va s'avérer être un partenaire peu scrupuleux : constatant que Nintendo peine à répondre à la forte demande de Donkey Kong (Nintendo of America est alors en pleine restructuration, déménageant de New-York à Redmond pour se rapprocher du Japon et écourter ainsi les délais de livraison des bornes et composants), la société va céder à la tentation en distribuant Crazy Kong sur le territoire nord-américain et — pourquoi s'arrêter en si bon chemin — revendre le code source du jeu. UPL fait ainsi partie des heureux acquéreurs. Tandis que les foudres judiciaires de Nintendo s'abattent sur Falcon, UPL garde par devers soi sa récente acquisition. Et si elle entend bien en retirer un profit, la société juge plus prudent de procéder à un important travail de refonte, histoire de ne pas attirer à son tour l'attention de Nintendo. C'est ainsi que le premier job de Ryuichi pour le compte d'UPL va consister à réécrire les graphismes de Donkey Kong en Mouser.

Tandis que Mouser pourchasse une vile souris, ses complices passent à l'acte : le jeu débute alors.

A ce stade, Ryuichi n'est « que » le simple assistant graphiste d'un programmeur soi-disant chevronné et recruté lui aussi de fraîche date. Donnant dans la quarantaine, le type ne semble pas très à l'aise avec les outils mis à sa disposition — notamment une version récente du CP/M — pas plus qu'avec les jeux vidéo d'une façon générale. Quand il n'est pas absorbé par son travail de refonte des sprites et du level design, Ryuichi s'intéresse de près à la besogne de son collègue. Et là, il se rend compte que ce dernier est complètement dépassé par les événements ; la direction d'UPL ne tarde pas à faire le même constat et vire sans ménagement l'employé inapte.

Ryuichi se retrouve alors seul à la manœuvre : puisqu'il s'est vendu comme programmeur compétent, UPL le considère comme tel et lui donne un délai d'un peu moins de six mois pour boucler le projet Mouser par ses propres moyens. Challenge considérable pour quelqu'un qui n'a que la bande-son d'un jeu à son actif ! Pourtant, il se sent prêt à relever le défi : lui qui ne demandait qu'à faire ses preuves, le voilà servi bien au-delà de ses espérances. D'un autre côté, s'il se plante sur Mouser, ce sera pour de bon la fin de ses aventures dans le petit monde des jeux vidéo...

Dès les premiers tableaux, Mouser s'avère aussi difficile que son illustre modèle.

Achevant la refonte des graphismes par l'écran-titre ainsi que la courte cinématique ouvrant chaque partie, Ryuichi s'attaque aussitôt à la reprogrammation des effets sonores, à ses yeux la tâche la plus aisée : de son expérience sur Swimmer il n'a rien oublié des leçons données par son ami Michishito sur le bon usage de la puce PSG (Programmable Sound Generator). Cette partie bouclée, vient alors le gros œuvre : la reprogrammation des ennemis dans leurs apparitions, déplacements et attaques. Un long marathon qui va lui prendre la majeure partie du temps alloué, avec de fréquentes et pénibles séances de debugging pour s'assurer que le jeu tienne la route.

Quand approche l'échéance fixée par la direction, Ryuichi boucle rapidement la bande-son, n'hésitant pas à piocher dans le répertoire classique pour pallier son manque d'inspiration, notamment lorsqu'il lui faut illustrer une séquence enchaînant la victoire de Mouser parvenu jusqu'au grenier (Marche nuptiale de Mendelssohn) et le nouvel enlèvement de sa belle par le chef des souris (Marche funèbre de Chopin). Ryuichi termine le développement du jeu sur les rotules mais Mouser est prêt en temps et en heure. Il a remporté son pari, il a su se débrouiller seul, sans appeler quiconque à l'aide, et c'est déjà en soi une petite victoire. Il a maintenant hâte de voir sa création côtoyer les bornes des plus prestigieux éditeurs dans les game centers. Qui sait, peut-être que Mouser va faire un carton ? Peut-être que pour son premier jeu il a donné naissance à un hit digne de Donkey Kong

Plus on avance dans Mouser, plus il laisse transparaître ses origines...

Février 1983. Dans le vacarme assourdissant d'un game center d'Akihabara, Ryuichi est en proie au doute. Tout a commencé avec la tournée des arcades de Kudanminami, où il s'attendait raisonnablement à croiser une borne ou deux de Mouser. Quelques nouveautés étaient bien au rendez-vous, mais de Mouser point question. Histoire d'en avoir le cœur net, il effectue le trajet jusqu'à Akihabara. Et là... toujours pas de Mouser. Aucun. Zéro.

Sueurs froides. Se pourrait-il que son jeu soit un bide monumental à ce point ? Les semaines passent et le verdict tombe depuis la direction d'UPL : Mouser...(roulements de tambour)...a obtenu des résultats satisfaisants aux USA, son marché prioritaire ; les premiers retours du distributeur américain, Cosmos, sont positifs. Ce que Ryuichi ignorait, c'était que son jeu était surtout destiné à l'exportation : produit en très peu d'exemplaires sur le territoire nippon, il n'est pas étonnant qu'il ne l'ait aperçu nulle part. UPL en profite pour rassurer son poulain : il a fait du bon boulot, a passé avec succès l'épreuve du feu et n'est pas près de chômer pour les mois, voire les années à venir, s'il continue à ce rythme.

Les locaux et le bureau des ventes sont bientôt prêts à accueillir le personnel : Ryuichi quitte Kudanminami et se rend à Ueno, située dans l'arrondissement de Taitô. À ce moment, le département du développement se compose de lui-même, d'un assistant programmeur (compétent celui-là !) et d'une jeune designer, Hiromi Suzuko. À la tête de cette équipe réduite, il va enfin pouvoir débuter pour de bon sa carrière de game designer...

NOVA 2001

Tandis qu'il cherchait en vain Mouser dans les game centers, Ryuichi n'a pas manqué de tomber sur le hit du moment, Xevious. Le chef-d'œuvre de Masanobu Endo fait alors figure de révolution dans le registre du shoot'em up, bouleversant les règles du genre tant sur la forme (arrière-plan tour à tour bucolique et mystérieux avec ses lignes de Nazca, ennemis au rendu métallique recourant pour certains à la technique du palette-shifting), que sur le fond (réticule de visée, patterns d'attaque individualisés, tours d'observation à détruire avant qu'elles ne donnent l'alerte, ...).

Succès instantané dès sa sortie, Xevious engendre un culte parmi la communauté des joueurs nippons, bien loin de l'accueil tiède qui lui sera fait en Occident. Ce n'est certes pas le tout premier shmup à scrolling vertical ou à distinguer les cibles terrestres des cibles aériennes, mais le jeu regorge de secrets et propose un univers unique. Ryuichi n'échappe pas à la déferlante : lui aussi veut être le premier à découvrir l'un des précieux bonus cachés et il prend part à l'incontournable course au highscore sous le pseudonyme de Bucha — qui va devenir son nom de guerre en tant que game designer — passant chaque jour des heures rien que sur ce seul titre, motivé par la perspective d'atteindre la mythique barre des dix millions de points, scellant la fin de la partie et du jeu, puisque ce dernier bogue alors.

Avec ses graphismes époustouflants, Xevious illustre la domination écrasante de Namco sur l'arcade japonais.

Dans ces circonstances, rien d'étonnant à ce que pour son second projet, UPL lui demande de concevoir un jeu à la Xevious. Plus facile à dire qu'à faire. Les obstacles ne manquent pas : comment réaliser un jeu « à la Xevious » lorsqu'on ne dispose ni du hardware ni du staff d'une grande maison telle que Namco ? Il y a certes eu quelques améliorations au niveau des outils informatiques lors de l'emménagement à Ueno : Ryuichi travaille désormais sur un Fujitsu FM-8 aux capacités pour le moins impressionnantes, avec ses deux processeurs Motorola 6809 ; à l'autre bout de la chaîne, le nouveau système d'arcade employé, reposant sur un double processeur Z80, est lui aussi plus performant. Reste que la tâche de créer un clone de Xevious n'est pas loin de s'apparenter à une mission impossible. Il va falloir ruser... S'ensuit un intense brainstorming sur le moyen de satisfaire à la demande de la direction tout en contournant le double obstacle matériel et humain.

En premier lieu, Ryuichi réalise qu'il lui faut un concept de jeu plus simple à mettre en œuvre que le complexe scrolling vertical de Xevious et son armada d'ennemis aux différents patterns. Il réfléchit à partir des possibilités du hardware : ce dernier permet l'affichage simultané à l'écran de nombreux sprites sans le moindre ralentissement ou clignotement. Quel jeu déjà existant sur le marché serait le plus à même de mettre en valeur cette capacité ? Ryuichi n'a pas à chercher bien loin, se remémorant presque aussitôt un titre sur lequel il a passé pas mal de temps au Shinjuku Sports Land. Un jeu passionnant, à l'action frénétique, étranger qui plus est : il s'agit de Robotron 2084, que certains considèrent, peut-être à juste titre, comme le meilleur jeu d'arcade ayant jamais vu le jour. L'idée fait son chemin : le croisement du concept de Robotron avec les sprites de Xevious. Ryuichi visualise déjà le type d'action que cela pourrait donner, une horde composite de robots et aéronefs futuristes encerclant le vaisseau du joueur, s'abattant sur lui en vagues successives, sans lui laisser le moindre répit. Pas de patterns d'attaque compliqués à mettre en œuvre. Pas besoin non plus d'arrière-plan très élaboré. Oui, c'est tout à fait faisable.

Robotron 2084 : Eugene Jarvis au sommet de son art.

Le rapprochement des deux jeux est d'autant plus pertinent qu'ils partagent une thématique similaire. Qu'il s'agisse des robots tueurs de Robotron ou de l'ordinateur GAMP de Xevious, c'est à chaque fois la même dystopie qui revient à la charge : celle de l'intelligence artificielle dépassant son créateur, telle que popularisée par le film 2001 et l'ordinateur HAL9000, suffisamment évolué pour développer un instinct de survie ainsi qu'une paranoïa meurtrière à l'encontre de l'équipage dont il a la charge.

Ryuichi ne peut ainsi s'empêcher de scénariser son propre jeu au titre de travail évocateur, Nova : il le pense comme une suite spirituelle, aussi bien à Xevious que Robotron. Une suite pessimiste : les machines ont triomphé et règnent en maître sur un univers dépeuplé, où toute forme de vie organique a été annihilée. Sur les vestiges de l'ancien monde, elles ont bâti une gigantesque citadelle technologique à l'architecture froide, démesurée, hostile : la citadelle Nova. Surgi d'une autre dimension, un vaisseau piloté par un humain se retrouve prisonnier de cet univers hostile et est aussitôt assailli par des vagues incessantes d'ennemis. Les jeux de l'époque sont conçus comme étant sans fin et Ryuichi intègre cette donnée à son scénario : l'appareil perdu dans les méandres de la citadelle Nova finira immanquablement par succomber sous les assauts successifs des robots et aéronefs. Il pense son jeu comme une sorte d'affrontement ultime, désespéré, à l'issue inévitablement tragique.

Ne vous fiez pas aux écrans chargés en sprites : les premières vagues sont à la porté de tous.

Ryuichi charge sa jeune collaboratrice, Hiromi Suzuko, de produire une bibliothèque de sprites s'inspirant aussi bien du style graphique de Xevious — avec un emploi similaire des nuances et dégradés pour donner aux appareils leur aspect futuriste — que de celui de Robotron où l'apparence d'un ennemi est déterminée par sa fonction (voir le grand écart esthétique entre les imposants Hulks dédiés à l'extermination des humains et les rapides Enforcers se focalisant sur l'élimination du joueur). Hiromi conçoit ainsi toute une série de vaisseaux et androïdes sur papier quadrillé, dont l'appareil du joueur inspiré du Kappi de Xevious ; les premières ébauches sont transformées en données numériques et le rendu graphique peut bientôt être contemplé à l'écran. Le travail d'Hiromi s'avère des plus convaincants même si, rivalité de designer oblige, Ryuichi a un peu tendance à le regarder de haut. Elle s'attelle ensuite à créer l'architecture de la citadelle Nova, un agglomérat de superstructures abstraites, d'inspiration industrielle..

Alors que le projet Nova prend forme, Ryuichi va apporter trois innovations décisives. La première d'entre elles est la possibilité de contrer les tirs adverses, le game designer estimant que l'avalanche d'ennemis à l'écran constitue en soi un handicap suffisant. La seconde idée tire son inspiration de l'imposant Andor Genesis de Xevious : il existe un ennemi similaire dans Nova, à ceci près que son apparition est conditionnée par le passage à l'écran préalable d'un petit satellite éclaireur. Aisé à neutraliser lors des premières vagues, l'éclaireur devient de plus en plus rapide tandis que le joueur a de moins en moins l'opportunité de l'abattre ; vient alors le moment fatidique où le vaisseau mère va faire son apparition, occupant l'écran de toute sa démesure et de ses nuées de projectiles. Le troisième et dernier ajout est cette fois inspiré de Robotron : dans le titre de Williams, le joueur est encouragé à prendre des risques insensés pour sauver les derniers humains, allant jusqu'à s'engouffrer de lui-même dans les rangs des robots exterminateurs. Cette idée est l'une des préférées de Ryuichi, de par le stress qu'elle occasionne et le fait qu'elle repose sur le libre arbitre du joueur, pouvant préférer se concentrer sur sa propre survie. Dans Nova, pas de sauvetage possible, puisque tout le monde est déjà mort : comment alors restituer cet élément de gameplay ? Il visualise l'action du jeu, jusqu'à tenir son idée : chaque adversaire abattu va laisser place à un bonus représentant également la carcasse de l'appareil détruit, à même de stopper les tirs du joueur et protéger ainsi les autres ennemis dans leur progression. Le joueur aura donc tout intérêt à se précipiter sur ces bonus, sous peine de voir la portée de ses tirs de plus en plus restreinte.

Quand le vaisseau mère M-1 apparaît, le Game Over n'est pas loin...

La genèse de Nova se démarque de Mouser par la liberté laissée à Ryuichi dans le soin de mener sa barque aussi bien que par le soutien de ses collaborateurs. Veut-il visualiser une idée à l'écran ? Aussitôt Hiromi et le programmeur s'exécutent, tant et si bien qu'il n'a plus lui-même à mettre les mains dans le cambouis : fini, les séances de debugging à rallonge. Aussi, le développement de ce jeu fait figure de croisière au long cours en comparaison avec son aîné.

Sorti au mois de Novembre 1983 sous le titre définitif Nova 2001 (hommage de dernière minute à l'un des films cultes de Ryuichi, assumé jusque dans le tableau des highscores où figure un certain HAL), la borne essaime dans les salles d'arcade où elle rencontre un succès quasi-instantané. De quoi engendrer une première communauté de fans, que Ryuichi entretient d'autant plus qu'il renouvelle sa tournée des arcades d'Akihabara pour juger sur pièce de l'impact de sa création. Et ce qu'il voit le rassure amplement : Nova 2001 a été conçu avec suffisamment de diligence pour se distinguer de la masse des clones de Xevious sortis au même moment.

A cette époque, Ryuichi vit du côté de Sumida-Ku, en colocation avec Michishito Ishizuka. Ce dernier n'a pas chômé : collaborateur de Michitaka Tsuruta sur Guzzler (un maze game déjanté mettant en scène une petite créature alcoolique, capable d'éteindre les incendies en leur vomissant dessus !), il embraye sur Senjyo (simulation de tour d'artillerie futuriste dont on retiendra surtout le scrolling parallax donnant une saisissante impression de profondeur), où il est en charge de la programmation des sprites. Senjyo est l'occasion d'une double rencontre pour Michishito : d'abord avec sa future femme, Rie Yatomi, en charge du background design sur le jeu ; ensuite avec un jeune programmeur inexpérimenté, musicien autodidacte à ses heures et bombardé de ce fait à la bande-son : Shinichi Sakamoto. Quand bien même les quelques bips-bips disgracieux de Senjyo ne préjugent en rien des capacités de compositeur de Shinichi, Michishito le prend sous son aile et demeure en contact avec lui, bien après son départ pour NMK, un sous-traitant de Jaleco.

Les deux amis d'enfance ont déjà parcouru un important chemin depuis l'époque du lycée, ont chacun eu l'occasion de s'aguerrir dans le milieu des jeux vidéo, et Michishito n'est pas étonné le moins du monde lorsque Ryuichi lui fait part de son envie de fonder sa propre société : en dépit de la liberté dont il bénéficie désormais au sein d'UPL, Ryuichi ne tolère plus la simple idée d'avoir à rendre des comptes à un supérieur hiérarchique. Cette contrainte lui pèse et c'est pourquoi il veut partir, débordant de confiance en lui-même et dans l'avenir. Michishito ne serait-il pas tenté de participer à cette nouvelle aventure ?

L'intéressé réfléchit. La proposition a beau être séduisante, les obstacles à la création d'une entreprise ne manquent pas et il les énumère l'un après l'autre, quitte à réfréner l'enthousiasme excessif de son ami : il faut amener un capital, louer des locaux, recruter du personnel, décrocher des contrats auprès des éditeurs, sans oublier tout un tas de formalités administratives, comme le dépôt des statuts. Une somme de contraintes à laquelle Ryuichi n'a tout bonnement pas pensé, emporté qu'il était par son rêve de liberté absolue. S'il fait preuve de tempérance, Michishito n'en n'est pas moins acquis à l'idée. Il faut juste prendre le temps. Le temps de se faire un nom, de se construire un carnet d'adresses, de mettre assez d'argent de côté. Alors seulement ils pourront passer à l'étape supérieure et voler de leurs propres ailes : le chemin est encore long jusqu'à Westone...

A suivre...

François
(16 décembre 2013)
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