Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Dans le numéro 82 du regretté Métal Hurlant, Philippe Manoeuvre nous propose les interviews de Steven LISBERGER, réalisateur de Tron, et de Jean "MOEBIUS" GIRAUD, qui a travaillé sur de nombreux aspects du film. Voici, grâce à la gentillesse de Markadet, la transcription des 12 pages qu'il a scannées. Ici, vous trouverez la seconde partie du dossier TRON : l'interview de Steven LISBERGER. Elle triomphe !Qui ça ? La science-fiction ! Ne venez pas me parler des chiffres de vente cancéreux des collections spécialisées. Oubliez la mort des revues dédiées au genre. Ouvrez les yeux ! Elle est dans la rue, la SF ! Sur les affiches de cinéma, dans les jouets de Noël de ton petit frère, partout, encore, la revoilà ! Ce qui est d'autant plus comique que l'intelligentsia se gargarise de polars ("duchesse, saviez-vous que la série noire numéro 62 n'était pas cartonné ? Aaahh !") au moment précis où un extra-terrestre hideux (mais sympa) devient la star de cinéma la plus adulée dans le monde ! Vous lisez bien, et ce n'est pas un canular : au hit-parade des mioches, l'extra-terrestre "E.T." a détrôné Mickey Mouse. J'exagère pas. Vous me connaissez, pas mon genre. Chez Disney, on voyait le coup venir, oh oui. Ça fait quatre ans, depuis "Star Wars" en fait, que le département marketing avait tiré la sonnette d'alarme : les coccinelles et autres "Aristochats" avaient fait leur temps. No offense ! Mais les kids, ces satanés nouveaux dépenseurs d'argent de poche, ils s'ennuient à nos films. Se sentent à l'étroit sur notre planète. Réclament du cosmos. Des étoiles, des robots et des fusées. Sitôt diagnostiqué, sitôt tourné, "le Trou Noir" reste, dans mes annales, un des seuls films que personne, jamais, nulle part, n'a essayé de défendre. Le bide encaissé par les descendants de Walt fut si phénoménal qu'il entraîna un certain nombre de remaniements en haut-lieu. Il fallait donc chercher des gens de la SF en dehors de la famille ! On recruta derechef un réalisateur jeune (Steven Lisberger) qui proposait une idée tellement folle, que si elle aboutissait, elle marquerait une étape dans l'histoire du genre. On le laissa recruter ses graphistes favoris (Moebius et Syd Mead) et "Tron" est né de cela. "Tron" ? Deux heures de jamais vu. De l'inouï en celluloïd, des effets fulgurants, une fresque électronique à se faire imploser les neurones, un vertige de sons, un feu d'artifice d'extravagances clignotantes, le tout cavalant sur un écran géant. TRON. Comme dans élecTRONique. Et ça marche ! Tron est numéro un au hit des entrées au... Japon (mais aussi en Angleterre). On le ressort aux USA, et, en France, il est attendu avec infiniment plus d'impatience que le dernier Spielberg. Car enfin, ce film-là, c'est un peu celui de notre Moebius, non ? Bloody DionnetJean-Pierre Dionnet boit un bloody-mary au bar du George V où je le rejoins ce jour-là, vers midi. Dehors, la pluie, les bourrasques. Je m'écroule à ses côtés et lui offre une cigarette. Dionnet ne fume pas, et comme tous les jours depuis sept ans, il la refuse. Mais le coeur n'y est pas. Dionnet est... heu... quelque chose comme impressionné. Pensez : nous sommes ici pour rencontrer Steven Lisberger, le réalisateur miracle, le boy wonder qui vend son premier film à l'une des plus grosses boîtes de production du monde, parvient ensuite à le mener à terme dans un climat d'épouvante totale ("ils disaient qu'on n'y arriverait pas, que ça ne pouvait pas être réalisé, que nous ne le terminerions jamais") et jette sur un marché surchargé et presque encombré un des rares must de 1982. Car bientôt la France sera divisée en deux : ceux qui ont VU "Tron" et les autres.ConcepteurLisberger est barbichu, maigre et affable. Il nous invite à nous asseoir sur un de ces maudits fauteuils Louis XV et s'exprime à bâtons rompus... Réalisateur d'un dessin animé maudit ("Animal Olympics") il a conçu le scénario de Tron en grand secret. Je vous le livre abrupto tant il est vrai que le narrer n'ôtera rien au choc des effets spéciaux : il était une fois deux mondes parallèles. le nôtre, et à côté celui qui palpite à l'intérieur des ordinateurs, des vidéo-games. C'est le monde des programmes. Et parce que les programmes ont été créés par des hommes (les concepteurs), les hommes font un peu partie de ce monde. Qu'arrive-t-il quand un concepteur traverse l'écran et passe de l'autre côté ?STEVEN LISBERGER : Nous sommes donc arrivés chez Disney et on se sentait là-dedans comme des kids en grandes vacances. On côtoyait le staff de Disney, mais on n'était pas vraiment intégrés à eux... Tous les vendredis, on les voyait partir en week-end... Pas nous. On bossait samedis, dimanches, la nuit... MÉTAL HURLANT : Ils y croyaient, au film ? MÉTAL HURLANT : On ne nous ôtera pas de l'idée que ce Steven Spielberg a fait une rencontre du troisième type et qu'il est en train de préparer mentalement les blaireaux de base à l'arrivée des extra-terrestres ! "Tron", par contre, parle des nouvelles technologies, et surtout de ces vidéo-games qui font fureur aux États-Unis. On vous a reproché de glorifier ces jeux, de brancher la jeunesse mondiale sur de diaoliques machines mutantes... MÉTAL HURLANT : Vous aimez jouer ? MÉTAL HURLANT : Il y en a combien sur le marché américain ? MÉTAL HURLANT : La musique de "Tron" est confiée à Wendy Carlos et il y a un morceau rock de Journey. Pourquoi pas une bande plus rock, plus sauvage ? MÉTAL HURLANT : Puis-je parler très personnellement ? La seule chose qui m'ait gêné dans "Tron", c'est la séquence finale. Bon, Flynn a gagné, il arrive en hélicoptère, c'est lui qui est devenu le grand manitou, il sourit de toutes ses quenottes, il est affable, le bien règne, le mal est vaincu... Tout seul dans mon fauteuil, j'ai pesté... C'est Disney qui vous a imposé ce post-scriptum digne de "Bambi" ? Parce que là, soudain, on revient sur le plancher des vaches et on s'écrie : WALT DISNEY ! MÉTAL HURLANT : Une dernière question... Avez-vous l'intention de récidiver ? De faire une autre extravagance cinématographique bourrée d'effets spéciaux ? MÉTAL HURLANT : Au revoir... et au fait, Moebius, pourquoi avoir engagé Moebius sur ce film ?
Des graines, des animaux, des livres...MÉTAL HURLANT : Supposons que c'est la fin du monde... Ça s'effondre partout. Heureusement, tu as une fusée, mais tu ne peux emmener que trente kilos de bagages... Que prends-tu avec toi ? Pas de vidéo-games ?STEVEN LISBERGER : Non. Je suis optimiste. Je ne crois pas qu'on va détruire cette planète. Je ne crois pas qu'on va partir en fusée. Je crois qu'on apprendra à envoyer nos cerveaux dans l'espace. Ce corps que nous avons, c'est lui l'ultime vaisseau spatial. Apprenons à l'expédier là-haut. MÉTAL HURLANT : Tu crois en Dieu ?
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