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Dark Souls
Année : 2011
Système : Windows, Playstation 3, Xbox 360
Développeur : From Software
Éditeur : Namco Bandai
Genre : Action / RPG / Aventure
[voir détails]

- L'Humanité au quotidien

Le héros alterne entre deux formes : humain et carcasse. Lorsqu'il est une carcasse il ne devient pas dément, contrairement à ses congénères, car il est le "chosen undead", mais son aspect physique est tout de même celui d'un zombie. Pour redevenir humain, il doit consommer des Humanités, fragments de ténèbres que le Pygmée a disséminées par milliers dans le royaume. On en obtient en tuant des boss ou certains ennemis, sur le corps d'aventuriers décédés ou par diverses actions multijoueurs. Une fois mort, on retrouve l'état de carcasse, les invasions et invocations sont désactivées, mais la barre de vie reste pleine contrairement à la forme d'âme de Demon's Souls. La forme humaine est indispensable si on désire être connecté à d'autres joueurs mais elle a d'autres effets bénéfiques plus discrets (et mal documentés), notamment une légère augmentation du paramètre de chance associé à certains événements.

L'introduction des feux de camp entraîne de nombreux changements dans le gameplay. Les soins se font désormais avec une "fiole d'Estus" que l'on peut boire un certain nombre de fois avant de devoir la recharger en se reposant près d'un feu, ce qui fait également renaître les ennemis de la zone. On a donc en toute circonstance le même potentiel de survie, qu'il faut correctement exploiter pour naviguer d'un feu à un autre ou vaincre un boss. Idem pour la magie : la barre de mana est remplacée par un nombre de lancements associé à chaque sort, selon le même principe que la fiole d'Estus. Enfin, tous les feux de camp permettent de faire grimper le niveau et les compétences du personnage, sans que la présence d'un NPC soit requise. Des actions de forge basiques et le stockage d'objets y sont aussi possibles, et le tableau est complet lorsque la téléportation est débloquée.

Les feux de camp donnent, ainsi, une très grande autonomie. Même si le Sanctuaire de Lige-Feu finit par devenir un bivouac peuplé de marchands, il n'est que rarement nécessaire d'y retourner. L'exploration en devient plus libre, proche de ce qu'offrent les jeux modernes, avec de longues périodes sans changer d'endroit qui renforcent l'immersion et mettent en évidence la cohérence remarquable de Lordran, où chaque lieu a une fonction en rapport avec ce qu'on sait de ce monde. Il est également possible, pour ne pas dire prévu, de "farmer" des compétences en tuant en boucle quelques ennemis aux abords d'un feu de camp. Dark Souls tombe un peu trop dans cette dérive des RPG... L'épisode suivant corrigera le tir.

Le système de forge a également été revu. Tout est toujours très cadré, mais les menus donnent suffisamment d'explications pour s'en sortir. Les bonus liés à des compétences sont plus nombreux et variés, et il convient de bien appréhender le système pour ne pas se retrouver avec une arme qui fait moins de dégâts alors qu'on pensait l'avoir améliorée.

Du côté de la magie, on note que les pyromancies sont traitées à part : leurs dégâts ne sont pas conditionnés par les compétences Intelligence et Foi, mais par l'amélioration d'un "gant de pyromancie" qui s'équipe comme une arme. Cela signifie que n'importe quel personnage peut les utiliser à pleine puissance, même un pur guerrier qui n'a investi que dans la Force et la Dextérité. En contrepartie, elles finissent par plafonner. D'une aide précieuse tant que le jeu n'est pas terminé, elles deviennent progressivement inutiles si on cumule les New Game+. Les sortilèges et miracles, quant à eux, sont si nombreux que les collecter tous est une quête de grande ampleur qui nécessite de boucler le jeu dans tous les sens. À noter que l'utilisation de la magie ne consomme pas du tout d'endurance, avantage quelque peu abusif (notamment en PvP).

- Carcasses assermentées

La moralité du personnage, qui cette fois n'a pas d'effet direct sur la difficulté du jeu, est mesurée par une valeur de "pêché". Celle-ci augmente sensiblement lorsqu'on tue un NPC. Il est également possible de dénoncer des joueurs qui ont en ligne un comportement inadapté, auquel cas leur valeur de pêché grimpe en flèche. On peut se faire absoudre auprès d'un certain personnage (si on ne l'a pas tué...), ce qui met aussi fin à l'hostilité des NPC qu'on aurait attaqué par erreur, mais le coût en âmes est élevé.

Les Tendances de Demon's Souls ont été remplacées par un système de factions plus classique appelé "serments". Afin de profiter de contenus spécifiques et pratiquer le jeu de manière plus cadrée, le joueur peut prêter serment auprès de certains NPC, après quoi il devra s'en tenir à un certain comportement dans diverses phases de jeu. S'il fait correctement le travail qui lui est demandé, il prendra du grade : chaque serment possède trois degrés d'implication qui débloquent des récompenses en rapport avec la nature du clan auquel on a juré fidélité (sortilèges, miracles, armes, pyromancies, attaques spéciales...).

Le joueur s'apprête à prêter le serment des Guerriers Solaires. Il devra revenir ici régulièrement pour rendre compte de ses activités (mieux vaut avoir débloqué la téléportation) .

Le système de serments est très souple, on peut l'ignorer totalement ou changer de clan n'importe quand sans être rétrogradé ni puni, et on peut en mener à terme la plupart dans une même partie. La finalité d'un serment est d'exploiter au maximum une facette du gameplay, solo ou multijoueur, coopératif ou PvP. Il en existe 9 dont certains sont bien cachés (le personnage auprès duquel on prête serment n'apparaît que sous certaines conditions) :

- Guerriers solaires (coop) : serment dédié à l'assistance d'autres joueurs. On devient un spectre doré, plus facilement invoqué qu'un spectre blanc car sa marque au sol est affichée en priorité chez les joueurs connectés.

- Gardiens de la princesse (coop) : les membres sont capables de soigner à distance les joueurs qui les ont invoqués, ce qui en fait des compagnons très appréciés.

- Voie de la lumière (coop + solo) : les membres ont tendance à être connectés entre eux pour affronter les boss et sont rarement envahis même sous forme humaine.

- Chevaliers sombres (PvP) : les membres rejoignent les troupes du Pygmée. Lorsqu'ils envahissent un autre joueur, ils peuvent lui infliger une étreinte qui absorbe ses humanités, et utiliser un bouclier de ténèbres bloquant tout type de dégât.

- Protecteur de la forêt (PvP) : les membres peuvent porter un anneau qui fait que lorsqu'un joueur sous forme humaine pénètre la forêt de Noiresouche dans sa propre partie, ils sont envoyés sur les lieux (souvent par groupe de deux ou trois) pour le tuer. L'endroit où ils sévissent est un passage obligé de l'aventure.

- Voie du dragon (PvP + solo) : les membres laissent des marques de duel qui ont un aspect particulier. S'ils sont invoqués et l'emportent, ils débloquent progressivement la capacité de se transformer en homme-dragon. Les invoquer et les battre est le meilleur moyen de collecter des écailles de dragon, qui servent à améliorer certaines armes.

- Lames de la Lune Noire (PvP) : les membres peuvent demander à envahir les joueurs qui ont une forte valeur de pêché, sous la forme d'un esprit justicier de couleur bleue. Sachant que tuer des NPC est souvent un moyen simple et rapide d'obtenir quelque chose, il y a toujours des pêcheurs à punir.

- Serviteurs du Chaos (solo) : ce serment renforce la pyromancie en donnant accès à des sorts et objets avancés. Pour obtenir certains d'entre eux, il faudra en plus se faire infecter (mais c'est réversible) par un parasite qui loge sur le crâne du héros. La scène est hilarante et la bestiole peut même être upgradée pour effectuer des coups spéciaux.

- Serviteur des tombes (PvP) : permet de persécuter d'autres joueurs pour les forcer à un duel. Le Serviteur lance une malédiction qui frappe un joueur se trouvant à ce moment, dans sa partie, dans la même zone. La victime voit soudain la difficulté du jeu augmenter. De nouveaux ennemis très retors le pourchassent, affichés comme des spectres sombres. Pour mettre fin à cette malédiction il doit localiser la position du Serviteur, indiquée par une marque au sol qui s'actualise toutes les dix secondes, puis l'invoquer et le battre (ou perdre).

- La version PC et l'extension Artorias of the Abyss

Vous laisserez-vous tenter par les ténèbres ? Ca vous coûtera votre âme. Et 15 euros.

Réclamée à grands cris par les joueurs PC, la version Prepare to Die a beaucoup déçu dans un premier temps. From Software a transposé tel quel le jeu développé sur Xbox 360 et PS3, avec ses textures et sa résolution d'écran en 1024x700. Sur console ce n'est pas un problème car le léger flou dû à l'upscaling en 720p sied plutôt bien à la direction artistique du jeu. Mais sur PC, avec un moniteur de résolution native nettement supérieure, la perte de netteté par rapport à ce que la machine affiche le reste du temps est presque insupportable. De plus, cette version est limitée à un rafraîchissement d'image de 30fps, pour lequel le jeu a été codé, et ne propose que très peu d'options graphiques.

Un modder nommé Durante en a profité pour accéder à la célébrité en programmant un patch salvateur, le DS Fix. Il permet de jouer à Dark Souls en 1080p, améliore les textures, débloque des effets graphiques et accélère notablement le démarrage du jeu, le tout sans bugs ni risque qu'il soit identifié comme une version pirate par le service Games for Windows Live utilisé. L'animation peut aussi être portée à 60 fps si le PC peut suivre, mais comme on pouvait le craindre cela provoque quelques bugs.

Le contenu supplémentaire de cette version, vendu aux joueurs Xbox 360 et PS3 sous forme d'extension, est remarquable : trois zones, quatre boss, toute une batterie d'items, une nouvelle école de magie fondée sur les ténèbres, et pour la première fois dans la série une arène de PvP. Pour y accéder, il faut un personnage d'un niveau assez élevé car les ennemis sont musclés. Les développeurs ont donc rendu obligatoire la possession d'un objet qui ne s'obtient que vers la fin du jeu. Mais ça ne s'arrête pas là : il faut en plus se rendre à plusieurs reprises dans un endroit isolé, qu'on peut très bien avoir raté, pour qu'enfin apparaisse l'entrée des nouvelles zones. La marche à suivre n'est indiquée nulle part ! C'est complètement fou quand on pense que les joueurs ont dû acheter cette extension en tant que DLC. Certes ils sont habitués à partir à la pêche aux infos, mais tout de même, on se demande comment Sony et Microsoft ont laissé un produit se vendre dans de telles conditions sur leurs plateformes.

Artorias of the Abyss est un voyage dans le passé. On découvre Oolacile, région qu'un personnage nommé Manus a offerte aux ténèbres. Il est possible que Manus soit en réalité le Pygmée dont, rappelons-le, on ne sait pas ce qu'il est advenu, mais ce n'est jamais dit clairement, pour ne pas priver la communauté du plaisir de spéculer. La princesse Brunante d'Oolacile a été capturée et les derniers habitants sains d'esprit du coin demandent au joueur d'aller la libérer. On a déjà rencontré celle-ci dans le cours normal du jeu, donc il est établi qu'elle s'en est sortie, mais nul ne sait comment. L'histoire avait retenu qu'un chevalier nommé Artorias avait été envoyé par Gwen en Oolacile pour éliminer Manus, mais il n'est jamais revenu de cette mission. Cette quête additionnelle éclairera quelques zones d'ombres : c'est en fait votre personnage qui a extrait la princesse des griffes de son ravisseur, et en cours de route il a dû vaincre un Artorias devenu fou, possédé par le mal qu'il croyait combattre.

Cette thématique de ténèbres omniprésentes permet l'introduction des maléfices, sorts utilisant une énergie noire très puissante, et les dernières zones se déroulent dans un souterrain très sombre rempli d'Humanités, transformées en ennemis pour l'occasion (d'où l'idée que le Pygmée est impliqué dans l'histoire). Les deux boss principaux, Artorias et Manus, sont au sommet de la hiérarchie aussi bien par leur difficulté que leur charisme. On aura aussi l'occasion de combattre un dragon nommé Kalameet, une manticore échappée de l'atelier de Ray Harryhausen, et une bonne dizaine d'ennemis inédits.

- On résume

Dark Souls est beaucoup plus copieux que son prédécesseur. En venir à bout prend entre 60 et 90h selon qu'on a déjà ou pas pratiqué un Souls, et ce n'est qu'un début. Les modes en ligne fonctionnent en peer-to-peer et non sur un serveur dédié, donc seul un arrêt des plateformes online concernées pourrait empêcher les joueurs de s'invoquer. Cela s'est produit sur PC avec la fermeture de GWFL, mais le jeu a depuis été transféré sur Steam. Pour le PSN et le Xbox Live il n'y a guère à s'inquiéter.

Objectivement, il est tentant de présenter Dark Souls comme le meilleur épisode de la série. Il regorge de bonnes idées et ses meilleurs moments n'ont pas d'équivalent : les zones imbriquées façon Metroid, la rupture de ton lorsqu'on découvre Anor Londo, les Abysses, les NPC et leur histoire, les serments... Tout ceci est d'une ingéniosité incroyable, d'une ambition folle, et le jeu laisse un très grand souvenir.

Ce qui coince, ce sont les problèmes techniques :

- Le jeu saccade en permanence dans certaines zones, sans doute à cause de leur étendue. C'est dans le Hameau du Crépuscule que le phénomène est le plus marqué : on n'y dépasse jamais les 15fps et ça peut durer de longues heures. La version PC n'étant pas concernée, les joueurs finiront par s'y établir définitivement.

- L'absence de serveurs dédiés a du bon, mais du coup les invocations et invasions échouent assez souvent. Des patches ont amélioré les choses, mais il aura fallu beaucoup de temps.

- Il y a de sérieux soucis avec les contrôles de jeu lorsque l'action devient très intense. Etant donné que les animations sont assez longues et pas toujours interruptibles, les commandes de jeu sont stockées dans une mémoire-tampon en attendant que le personnage puisse les effectuer. Lors d'un combat tendu, quand le joueur envoie beaucoup d'informations contradictoires, cette mémoire tampon a des bugs qui aboutissent parfois à des décalages invraisemblables entre ce qu'on veut faire et le comportement du personnage. Il arrive par exemple qu'on presse le bouton pour boire le fiole d'Estus et que le personnage ne le fasse que 5 ou 6 secondes plus tard, alors qu'on a changé de tactique en voyant, justement, que la commande ne répondait pas... Comme par hasard ça n'arrive que face aux boss les plus rapides et imprévisibles (comme Gwen). Là encore un patch a officiellement corrigé le problème (preuve qu'il n'est pas imaginaire) mais la chose se produit encore de temps en temps, sur toutes les versions.

- Toute la partie souterraine qui conduit à Izalith est moche. Les textures sont boueuses, les boss bâclés ou recyclés, et le rendu de la lave est atroce avec une couleur orange très brillante qui torture les rétines. Le boss "puzzle" qui conclut cette section est un calvaire à cause de mécanismes très mal réglés, à tel point que les développeurs ont inclus des sauvegardes intermédiaires pendant le combat.

Il fallait que ce soit dit. Dans plusieurs interviews, Hidetaka Miyazaki a reconnu ces problèmes et s'en est excusé. Heureusement, la sortie sur deux consoles et le succès très probant de la version PC (les joueurs ont beaucoup râlé mais tenu parole quant à leur intention d'achat) ont permis à From Software et Namco Bandai de développer Dark Souls II avec des moyens bien supérieurs, pour un résultat nettement plus stable.

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