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Civilization
Année : 1991
Système : Amiga, Atari ST, Mac, Windows
Développeur : Microprose
Éditeur : Microprose
Genre : Stratégie
Par Djib (13 novembre 2002)

N.B. : Vous trouverez sur ce site un dossier sur Sid Meier mentionnant notamment Civilization. Cet article se concentre plus précisément sur ce titre et sa nombreuse descendance. Civilization IV et ses add-ons sont traités à part, dans cet article.

Alors que Civilization 3 est sorti depuis quelques mois aux États-Unis, il ne sera distribué en Europe qu'en mars 2002. Consolez-vous avec cette rétrospective :

Civilization est l'un des plus grands jeux de tous les temps. Le meilleur dans le domaine de la gestion / stratégie, celui qui contribuera à faire de son auteur, Sid Meier, l'un des grands gourous du monde des jeux-vidéo.Le succès considérable de ce titre, sa déclinaison dans différents univers sont basés sur une richesse de jeu rarement égalée. Civilization est l'un de ces titres qui ont fait passer de longues nuits blanches à des milliers de joueurs à travers la planète.

Images de la version Mac sur un LC-630

Au départ, l'idée de Microprose et de Sid Meier est d'adapter le très populaire jeu de plateau du même nom. Microprose achète donc les droits à l'éditeur Avalon Hill et le génial Sid Meier épaulé par son équipe se met au travail. Mais loin de réaliser une bête adaptation du jeu de plateau, les auteurs rompus à l'art de la programmation parviennent à exploiter toute la richesse de calcul des ordinateurs pour créer un nouveau jeu, de nouvelles règles et un véritable gameplay novateur propre aux possibilités offertes par l'informatique. Sid Meier avoue s'être inspiré, outre du jeu de plateau, de Sim City (le premier brouillon de Civ y ressemblait fort selon ses dires), de Empire (un wargame édité par Interstel) et de son précédent jeu Railroad Tycoon. Civilization mélange avec bonheur ces différentes influences.

Le jeu sort en 1991 et est adapté sur plusieurs supports (Atari ST, Amiga, PC et Mac).

Civilization est un jeu de stratégie au tour par tour (sa filiation avec les jeux de plateau est évidente). Ce principe est l'un des plus stratégiques et réfléchis des systèmes de jeux : comme aux échecs, il convient d'anticiper et de prévoir les actions des adversaires. Il s'agit de gérer une civilisation en partant de ses origines (3500 ans avant J.-C.) pour la mener à une civilisation futuriste (vers 3100 après J.-C). Le tout bien sur, en étant en concurrence avec d'autres civilisations gérées par l'ordinateur. Votre objectif : mener votre civilisation à son apogée à travers les siècles. Pour cela il vous faudra mener une véritable course au progrès pour faire évoluer vos unités et vos villes. Au commencement, le joueur ne dispose que d'un simple colon, à la surface d'une planète de type terrestre, à la géographie inconnue. Il doit explorer les environs à la recherche d'un lieu proposant des ressources naturelles propices à la fondation de son premier village. Une fois "sédentarisé", la véritable prise en main de sa civilisation va débuter. Le joueur devra tout d'abord entamer des recherches scientifiques, qu'il orientera suivant ses motivations (progrès culturel, guerre, économie...) et déterminer la politique de son gouvernement. Il devra ensuite répartir la population dans différentes catégories, pour avantager la croissance démographique, la recherche, la production de nouveaux bâtiments ou d'unités, le commerce ou les loisirs. Au bout de quelque temps, le village deviendra ville, et il pourra supporter la création d'un nouveau colon qui s'en ira fonder un autre village un peu plus loin. Et ainsi de suite... Il développera sa civilisation et la rendra prospère. Il combattra les autres civilisations ou au contraire, il entrera dans un jeu de négociations et préservera la paix. Les combinaisons possibles sont d'une richesse incroyable. C'est d'ailleurs cet élément qui a fait de la série Civilization une série "culte". Les parties, aussi longues soient-elles, ne se ressemblent pas. En outre, Civilization est un jeu qui flatte nos instincts mégalomanes, on y règne en despote sur tout un peuple et à chaque clic de souris on modifie le cours de l'histoire : passionnant et accrocheur....

Deux ans après sa sortie, Civilization est adapté pour Windows, puis Microprose propose en 1995 une version multijoueurs destinée à jouer sur le web : Civnet qui n'est pas une franche réussite. Des graphismes plutôt laids ainsi que de nombreux bugs de fonctionnement en réseau (corrigés par d'inévitables patches) et une sortie juste avant Civ 2 ont beaucoup déplu aux nombreux fans.

Quant à Avalon Hill, l'éditeur du jeu de plateau, profitant de ses succès dans le domaine des adaptations de ses wargames en jeu vidéo, il décide de développer sa propre version de Civilization. Ce jeu baptisé Advanced Civilization est très fidèle au jeu de plateau original (même carte représentant la Méditerrannée), un peu austère dans sa réalisation, il ne séduira que les puristes lors de sa sortie en 1996 (édité par Alsyd Multimédia en France). Il ne concurrencera d'aucune façon la sortie la même année de la suite officielle de Civilization.

En effet, après l'extraordinaire succès des différentes versions de Civilization, Sid Meier et son équipe se sont mis à travailler sur un second volet sobrement baptisé Civilization 2.Le jeu propose plus de civilisations à jouer, plus d'unités, de nouveaux graphismes, sons et animations. L'IA retravaillée (notamment la diplomatie) est plus performante et l'arbre technologique très bien agencé. Les nouveautés sont plus cosmétiques que véritablement indispensables mais le jeu est encore plus passionnant. Le succès est alors au rendez-vous. Cependant, peu après la sortie du second, Sid Meier se fâche avec le reste de l'équipe et part alors pour créer Firaxis Game. Il n'a cepandant pas manqué d'intenter un procès à son ancienne équipe, concernant les droits de Civilization...

Le résultat de cette embrouille juridique autour des droits est que les joueurs PC se retrouvent avec deux jeux dérivés de Civilization : Sid Meier's Alpha Centauri (l'usage du titre Civilization lui étant momentanément interdite), comme son nom l'indique développé par le Maestro, et Civilization : Call to Power, développé par l'ancienne équipe de Civilization, et dont le projet était dirigé par Cecilia Barajas, ancienne directrice sur Zork Nemesis. Le procès a en effet accordé à Sid Meier l'exclusivité de son interface (on clique sur les villes par ex.) tandis que Activision conserve les droits concernant le titre Civilization. Durant la gestation de ces deux projets concurrents, MicroProse commercialisera de nombreux add-ons, exploitant alors le filon. C'est ainsi qu'un premier add-on, comprenant des scénarios, sort quelques mois après Civ2. Puis viendront un add-on composé de mondes fantastiques afin de proposer un environnement différent des civilisations historiques, et enfin en 1998 une version multijoueurs.

En 1999, c'est l'année "civ" : 3 éditeurs en sortent une version différente. Tout d'abord Hasbro tente un coup un peu tordu en reliftant légèrement Civ2 (dont il dispose des droits) et en le baptisant Civilization II: Test of time. Le résultat n'est pas franchement convaincant, les graphismes restant d'un autre âge et le principe du jeu quasiment inchangé. Il est difficile de considérer Test of Time comme un jeu à part entière et seuls ses scénarios bien fichus le sauvent de la catastrophe. En bref, Test of Time est totalement anachronique pour 1999. Puis c'est au tour des deux suites officielles et officieuses de sortir : Sid Meier et Firaxis Game avec Alpha Centauri et Activision avec Civilization: Call to Power.

Avec Alpha Centauri, Sid Meier plonge les joueurs dans le futur. Alors que le premier Civ prenait fin avec la colonisation d'Alpha du Centaure, ce nouveau jeu commence à ce moment. C'est en ce sens qu'il est la suite directe de Civ. Lors de sa sortie une mauvaise surprise attendait les joueurs de l'époque : le jeu n'était pas une franche réussite ; ce n'est qu'une variation sur le gameplay de Civ2 avec un thème de science-fiction (très inspiré de la trilogie des romans de K. Robinson Mars la Rouge...). Peu d'innovation était au rendez-vous et la réalisation était absolument catastrophique ! Les graphismes étaient tout simplement honteux. Toujours est-il que les inconditionnels de Sid lui réservèrent un accueil chaleureux (certains magazines lui décernant le prix du "The Best Strategy Game Ever Created").

Quant à Civilization: Call to Power,c'est un jeu complexe, difficile à assimiler, même pour les joueurs aguerris de Civilization 2. Il faut savoir que la décision juridique a permis à Sid Meier d'emporter avec lui son système de jeu. Activision a donc du repenser totalement l'interface et le système du jeu, qui avaient pourtant été remaniés et optimisés à travers les deux premiers épisodes. Le premier contact avec le jeu est donc plutôt rude, et ce malgré une aide intégrée copieuse et bien présentée. Mais une fois apprivoisé, Call to Power est une bonne surprise, souple et présentant toujours le savant mélange de stratégie et de gestion qui permet d'offrir au joueur un jeu rythmé ne lui laissant jamais aucun répit. En ce qui concerne la réalisation, les efforts d'Activision sont conséquents et laissent loin derrière Alpha Centauri en termes de graphismes.

Enfin, en 2000, Activision perd les droits sur le titre Civilization au profit de Firaxis (ah les joies des querelles juridiques !) et c'est donc sous le titre de Call to Power 2 que sort leur nouvelle version. Quelques améliorations dans la jouabilité, notamment l'interface bien plus pratique, de nouveaux scénarios et un habillage quasi identique en sont les caractéristiques. Les reproches concernent le rythme du jeu : assez lent, la gestion des villes : peu claire, et le manque de souffle épique qui caractérisait les premiers volets. Call to Power 2 reste un produit de fanatiques prêts à s'investir de nombreuses heures pour faire parvenir leur civilisation au firmament.

En décembre 2000 Firaxis se retrouve dans le giron d'infogrammes (suite au rachat de Hasbro par le géant Lyonnais) mais avec à nouveau la licence de Civilization, interface et titre. Tout est alors réuni pour la sortie de Civilization III, réalisé sous la direction de Sid Meier. Cette fois la réalisation est très soignée, Infogrammes ayant imposé que le jeu puisse toucher un public plus large que les inconditionnels d'Alpha Centauri et le système de jeu tout en étant proche de Civ1 & 2 innove largement. Des nouveautés apparaissent comme la notion de "culture" qui représente l'influence qu'exerce une civilisation sur le monde, et qui donc influence les actes des autres civilisations qui se montreront plus amicales avec la civilisation dominante. En outre le système de commerce est beaucoup plus complexe (mais simple dans sa mise en œuvre) et il influe sur la diplomatie. Les frontières sont désormais matérialisées (une excellente idée qui permet de faire des provocations en massant ses troupes à des frontières). La diplomatie est largement améliorée et plus fine.

Cependant, une constatation s'impose : Civilization III est beaucoup moins customisable que son prédécesseur, à savoir Civilization II voire Call To Power II ! Ceux-ci avaient en effet bénéficié d'un support de fans très nombreux proposant de nombreux ajouts aux titres originaux. Il semblerait que Firaxis a volontairement privé les joueurs de ces options de customisations afin de vendre plus tard des add-ons apportant des scénarios et les options multiplayers (absentes elles aussi du jeu). L'industrie des jeux vidéo est désormais mature... Civ 3 est donc une belle réussite. Le jeu est enrichi sans être pour autant confus ou trop complexe et les longues nuits blanches sont de retour.

MAJ : l'histoire continue en 2005 avec la sortie de Civilization IV, suivi de deux add-ons. Voir cet article.

Petite Chronologie de la série :

  • Sid Meier's Civilization 1991 MicroProse
  • Civilization for Windows 1993 MicroProse
  • Sid Meier's CivNet 1995 MicroProse
  • Sid Meier's Civilization II 1996 Activision, Inc., MicroProse
  • Sid Meier's Civilization II : Conflicts in Civilization Scenarios 1996 MicroProse
  • Civilization II Fantastic Worlds 1997 MicroProse
  • Civilization II: Multiplayer Gold Edition 1998 Hasbro Interactive
  • Civilization II: Test of Time 1999 Hasbro Interactive
  • Civilization: Call to Power 1999 Activision, Inc.
  • Sid Meier's Alpha Centauri 1999 Electronic Arts
  • Sid Meier's Alien Crossfire 1999 Electronic Arts
  • Call to Power II 2000 Activision, Inc.
  • Sid Meier's Civilization III 2001 Infogrames
  • Sid Meier's Civilization IV 2005 2K Games

Outre ces suites officieuses ou officielles, Civ a inspiré quelques clones plus ou moins réussis :

Colonization reprend le principe pour l'appliquer à une période historique plus courte : de 1492 au XVIIème siècle. Votre but est de fonder une colonie et de la conduire jusqu'à l'indépendance. Si l'arbre technologique y est moins présent, le jeu demeure une expérience vraiment passionnante compte tenue des rebondissements en cours de partie. La réalisation était pour l'époque de qualité et quelques innovations sympathiques bien présentes (personnellement j'ai un petit faible pour ce clone de Civ, les parties ressemblant à une relecture de l'Histoire à chaque fois).

Master of Magic change l'univers historique pour un monde d'heroic fantasy. Le principe de Civ est respecté et la qualité globale du titre lui assura un certain succès auprès du public.

Master of Orion et Master of Orion II sont un peu les précurseurs en terme d'univers d'Alpha Centauri mais la gestion y est beaucoup plus large, le joueur ayant l'univers entier comme terrain de jeu. Assez difficile et exigeant, la série des Master of Orion, développée par MicroProse (un troisième volet est actuellement en développement) a réussi à trouver son public d'irréductibles fans de science-fiction et rêvant de domination planétaire...

À noter qu'un clone de Civ développé par une équipe internationale de fans et baptisé Freeciv ("parce que Civilization devrait être gratuit") est disponible sur le net. Il permet de jouer en réseau ou en solo et d'opter pour les règles de Civ 1 ou 2, la réalisation étant très proche de Civ2. Vous pouvez le trouvez à cette adresse : http://www.freeciv.org/

Ci dessous, un message posté sur notre forum le 10 janvier 2002, par TLG.

A l'origine de Civilization, on trouve Hartland Trefoil Ltd. la compagnie britannique qui développe le jeu de plateau en 1980. Quelques années plus tard, Avalon Hill obtient la licence pour distribuer le jeu de plateau sur le marché américain. Fort du succès du jeu, Avalon Hill décide de lancer une suite nommée Advanced Civilization, toujours sous forme de jeu de plateau.

En 1991, sous la férule de Sid Meier, Microprose lance Civilization, la version informatique que tout bon gamer connait. L'arrangement fait à l'époque entre Avalon Hill et Microprose reste méconnu mais il semble que les deux compagnies aient conclu un accord à l'amiable, ainsi Microprose inclua dans la version américaine un encart publicitaire promouvant le jeu de plateau. Il faut ensuite attendre quatre ans pour entendre de nouveau parler de Civ quand Avalon Hill sort le très sobre Advanced Civilization sur PC qui ne fera pas d'ombre au Civilization II de Microprose sorti quelques mois plus tard.

L'entente cordiale entre Avalon Hill et Microprose prend fin en 1993 quand Microprose se fait racheter par Spectrum Holobyte. Activision approche Avalon Hill pour obtenir la licence pour les jeux video ; l'accord est rapidement conclu. Les ennuis commencent alors pour Microprose qui se voit menacé de poursuites judiciaires par Activision lors du lancement du deuxième add-on pour Civilization II. Bien décidé à ne pas en rester là, Microprose rachète Hartland Trefoil pour s'assurer la légitimité du nom et assigne dans la foulée Activision devant les tribunaux !

L'affaire est réglée durant l'été 1998, le tribunal accorde à Microprose l'exploitation du nom Civilization et Avalon Hill est sommé d'abandonner tous les droits sur la marque. Parallèlement Microprose et Activision s'arrangent, ce dernier obtient le droit de vendre son Civilization sous le nom "Civilization: Call To Power", de le porter sur console (ce qui n'a jamais été fait à ma connaissance) et devient même le distributeur de la version Playstation de Civilization II. La licence sur le nom sera toutefois à titre unique, ce qui explique l'absence du nom Civilization dans Call to Power II.

Pour finir, voici comment Sid Meier a pu récupérer la licence de Civilization. Retournons en 1996, Spectrum Holobyte prend le contrôle de Microprose, Sid Meier, Jeff Bridges et Brian Reynolds partent alors fonder Firaxis. Deux ans plus tard, Hasbro Interactive rachète coup sur coup Microprose et la division jeu de Avalon Hill. Entre temps, le nom de Spectrum Holobyte disparaît, toute l'entreprise passant sous la bannière Microprose par stratégie commerciale. Firaxis, faute de licence, ne peut pas s'attaquer directement à un Civilization III qui permettrait à coup sûr d'accélérer sa renommée. Pour ne pas laisser tout le marché à Activision, Firaxis aura son civ-like mais dans l'espace : Sid Meier's Alpha Centauri (février 1999). Trois mois plus tard, Firaxis conclu un accord avec Hasbro Interactive pour distribuer ses jeux et négocie la licence Civilization. Civ 3 est né.

NB : Désormais c'est Infogrames qui a la licence suite au rachat de Hasbro Interactive effectué début 2001.

Djib
(13 novembre 2002)
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