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Paperboy
Année : 1984
Système : Arcade
Développeur : Atari
Éditeur : Atari
Genre : Action
Par François (12 janvier 2009)

1984 est une année noire pour Atari : mise à genoux par le récent crash survenu au marché occidental des jeux vidéo, la société se retrouve éclatée en plusieurs entités. Tandis que le secteur déficitaire des micros et consoles est vendu à Jack Tramiel (qui procède aussitôt à une restructuration aussi douloureuse qu’efficace), la Warner conserve la propriété de la division arcade, encore rentable à cette époque et renommée pour l’occasion Atari Games. Simple coïncidence ou signe de l'adaptation à ces temps difficiles, l'un des titres Atari qui marque le plus les esprits cette année-là ne propose au joueur ni de sauver le monde ni de pulvériser des records sportifs, mais tout simplement de bosser : il s’agit de Paperboy.

La genèse de Paperboy a fait couler beaucoup d'encre durant les année 80 : officiellement, les auteurs crédités (John Salwitz, Dave Ralston et Russel Dawe) ont été eux-mêmes livreurs de journaux dans leur enfance et se seraient inspirés de l'expérience acquise dans ce job pour concevoir le jeu. Toutefois, en 1986, le quotidien Mercury News fait état de poursuites lancées contre Atari par deux adolescents, Mark Caesar et Robin Hallingstad. Réclamant un million de dollars de dommages-intérêts, plus une participation aux profits liés à l’exploitation de la licence Paperboy, les plaignants accusent la société de leur avoir volé une idée qu’ils lui avaient auparavant soumise sous forme de proposition détaillée en 1983.

Atari coupable de plagiat, pourquoi pas ? Le hic c’est que nos redresseurs de tort sont respectivement âgés de 14 et 16 ans au moment du dépôt de la plainte : retirez-leur encore 3 ans et la crédibilité de leurs allégations en prend un sacré coup. Quoique. Il est arrivé par le passé qu'Atari organise des concours de game design destinés à repérer les jeunes talents, avant de recruter les meilleurs d'entre eux, tel Mark Cerny, concepteur surdoué de Marble Madness à seulement 17 ans. Et si, dans l'affaire qui nous occupe, l'absence de preuves matérielles d’un éventuel plagiat a entraîné le rejet de la plainte, il est permis de conserver un doute quant à la véritable parenté du jeu...

Paperboy = garçon de papier ?

Dans Paperboy, le joueur incarne un livreur de journaux chargé de réaliser à bicyclette sa tournée quotidienne, le long des trois parcours que propose le jeu, du plus simple (Easy Street) au plus difficile (Hard Way), en passant par un niveau de difficulté intermédiaire (Middle Road). Est-ce bien la peine de le préciser, la mention « Easy » dans un jeu d’arcade du début des années 80 doit être prise avec des pincettes. Quant aux routes "Middle" et "Hard", elles donnent l'impression d'avoir été conçues à destination des joueurs à fort penchant masochiste : bah, il en faut pour tous les goûts... Après avoir sélectionné un parcours et avant que l'action ne débute pour de bon, le plan du quartier choisi s'affiche à l'écran en distinguant les maisons des abonnés de celles des non-abonnés

La borne d'arcade comporte un dispositif de contrôle original, clin d’œil humoristique au volant des jeux de course autant qu'un moyen efficace de faciliter l’immersion du joueur ; l'idée d'intégrer un guidon est en effet partie du simple constat qu'un jeu en 3D isométrique n'était pas évident à maîtriser avec un joystick traditionnel : Zaxxon et son altimètre infernal, à l'origine de nombreuses crises de nerfs, sont une bonne illustration du problème... Les premiers essais alternatifs ont été effectués avec les commandes d'une borne Star Wars (commandes qui s’avèrent elles-mêmes inspirées du jeu Battlezone). Autre héritage de Star Wars, des voix digitalisées parsèment le jeu, sauf qu’ici vous n’aurez pas droit aux répliques d'Obi Wan Kenobi mais aux commentaires nasillards du directeur marketing d’Atari.

Le guidon servant à contrôler votre course pivote sur son axe et peut être incliné vers l’avant ou l’arrière pour accélérer ou freiner. De plus, chaque poignée inclut un bouton servant au lancer de journaux : encore faut-il savoir où envoyer ces derniers...

Les maisons de vos clients sont reconnaissables entre toutes grâce à leur façade de couleur vive et joyeuse ainsi qu’une belle boîte aux lettres rouge prête à recevoir un exemplaire du précieux Daily Sun. Si vous êtes un as du lancer, tentez donc d’atteindre la boite aux lettres pour obtenir un super-bonus ; si vous êtes du genre à louper un éléphant dans un couloir, cantonnez-vous à viser le paillasson jaune situé devant la porte d’entrée. Dans tous les cas, prenez garde à ne pas endommager la propriété d’un client durant la tournée, sinon celui-ci résilie son abonnement ; évitez également de gaspiller votre stock de journaux, limité en nombre : des piles de quotidiens disposées tout au long du parcours permettent heureusement de refaire le plein de "munitions".

Les non-abonnés (maisons grises) font l’objet d’un tout autre traitement : puisque ces misérables cloportes refusent de lire la prose sublime de votre divin patron, qu’ils crèvent ! Brisez leurs vitres, saccagez leurs plates-bandes et maltraitez leurs occupants à grands coups de journaux dans la figure. Pendant que vous y êtes, jouez donc les profanateurs de sépulture en dégommant les pierres tombales – ornement du dernier chic dans les banlieues pavillonnaires ? - ça peut rapporter gros : une centaine de points selon le Code Atari, trois ans de prison selon le Code Pénal.

Vous aurez remarqué dans les différentes captures d'écran qu'à aucun moment on ne voit le livreur accomplir le geste du lancer de journaux ; et pour cause, le mouvement n'a pu être implémenté de façon satisfaisante dans les délais du développement. Les designers ont donc dû se résoudre à faire "jaillir" les journaux de la tête de Paperboy : c'est le genre de détail peu glorieux qu'il est généralement préférable de passer sous silence, sauf chez Grospixels où l'on vous dit tout et où l'on ne vous cache rien (pas même le fait que nombre d'infos émaillant cet article ont été piquées à l'excellent magazine Retrogamer, hum...). Pendant que nous sommes au stade des critiques, autant pointer du doigt un autre défaut : le déplacement de Paperboy n'est pas tout à fait parallèle au défilement du décor, il a tendance à se déporter légèrement vers la droite, obligeant le joueur à corriger régulièrement sa trajectoire. On peut en déduire : a. que Paperboy picole pendant les tournées ; b. qu'il vote républicain ; c. que même les grands jeux comportent leur lot de petites erreurs.

La tournée de Paperboy est régulièrement perturbée par la présence d'obstacles mobiles (voitures, chiens, chats, tondeuses en folie, sportifs du dimanche et autres poivrots) ou immobiles (poubelles, plaques d'égouts, bouche d'incendie, ...). Certains d'entre eux peuvent être neutralisés par un lancer de journaux, les autres sont à éviter et tous deviennent plus nombreux au fil des 7 stages (un pour chaque jour de la semaine) que compte le titre. Chaque fois que le joueur se paie un obstacle, cela fait une vie de moins au compteur : de quoi l'inciter à adopter une allure d'escargot, mais c'est sans compter la présence du traditionnel timer, revêtant pour l'occasion l'aspect d'un essaim d'abeilles vous pourchassant dès que vous roulez trop lentement.

À la fin de chaque journée, un petit parcours du combattant vous permet d'aiguiser vos réflexes et de gagner quelques précieux points supplémentaires. Par ailleurs, réaliser un "perfect delivery" (c'est à dire satisfaire la demande de tous les abonnés), rapporte un bonus substantiel tout en faisant gagner un client parmi les non-abonnés. Lorsque la totalité des maisons du quartier se sont inscrites au Daily Sun, le joueur remporte la partie. À vrai dire, cet objectif est assez difficile à atteindre mais ne constitue pas tellement une fin en soi. La fonction scoring de Paperboy - testée et approuvée par la Grospixels Arena - constitue le véritable coeur du jeu : on apprécie ce titre à sa juste valeur dès l'instant où l'on s'efforce de faire tomber le record en cours.

De l'Arcade à la maison

Gros succès en salle d'arcade, Paperboy doit en partie sa renommée à des graphismes splendides en haute résolution : l'Atari System 2 a su se distinguer des autres hardwares en s'appuyant sur un CPU maison (le T11), au lieu du traditionnel Z80 alors en vogue. Ce choix a permis d'assurer un affichage en 512 x 384 pixels, là où la plupart des jeux sortis en 1984 se cantonnent au mieux à du 256 x 256 (tel l'illustre Kung-Fu Master). La prouesse technique est restée une exclusivité de l'arcade, toutefois certaines conversions s'avèrent particulièrement réussies. Paperboy a eu droit à une fournée consistante d'adaptations micros et consoles, dont voici quelques morceaux choisis :

Adaptations micro :

Version ZX Spectrum (1986)
Version C64 (1986)
Version DOS (1988)
Version Atari ST (1989)

Les autres adaptations sur micros et PC : Tandy Color Computer (1985, "Paper Route") ; Commodore 16 (1986) ;Amstrad CPC (1987) ; Commodore Amiga (1989) ;PC [CD-ROM] (1998, "Arcade's Greatest Hits : The Atari Collection 2") ; PC [CD-ROM] (2004, "Midway Arcade Treasure").

Adaptations console :

Version Nes (1988)
Version Master System (1990)
Version Game Boy (1990)
Version Game Gear (1992)

Les autres adaptations sur consoles : Atari Lynx(1990) ;Sega Mega Drive (1990) ; Sony PlayStation(1998, "Arcade's Greatest Hits - The Atari Collection 2") ; Nintendo Game Boy Color (1999) ; Sega Dreamcast (2000, "Midway's Greatest Arcade Hits Volume 2") ; Sony PlayStation 2 (2003, "Midway Arcade Treasure") ; Nintendo GameCube (2003, "Midway Arcade Treasure") ; Microsoft XBOX (2003, "Midway Arcade Treasure") ; Sony PSP (2005, "Midway Arcade Treasures - Extended Play") ; Nintendo Game Boy Advance (2005, "Paperboy / Rampage") ; Microsoft XBOX 360 (2007, "Xbox Live Arcade").

Merci aux participants du défi Highscore dédié à Paperboy pour leurs infos et anecdotes ^^

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