Bonjour à tous ! Ma récente excursion grammairienne en forum HS m'a donné envie de vous proposer ce rapide quiz. Comme ça, chboum. Il m'avait d'ailleurs semblé le faire à l'époque... Baste. Bref, le principe : 10 citations issues d'un peu de tout, il vous faut retrouver l'auteur et l'œuvre dans l'idéal. Bien entendu, on ne google rien ! Celui qui en aura le plus se devra de proposer 10 autres citations et ainsi de suite. Zim boum, on y va. Précisions : il n'y a là que des auteurs français, pour ne pas avoir le biais d'une quelconque traduction. Je mets les indices en gras au fur et à mesure des trouvailles.
Score :
Al-Kashi : 4
chatpopeye : 3
Bonaf : 1
1.
Un jour, dans le Portique, on demandait : quelle déesse voudriez-vous voir nue ? Platon répondit : Vénus. Socrate répondit : Isis. Isis, c’est la Vérité. Isis, c’est la Réalité. Dans l’absolu, le réel est identique à l’idéal. Il est Jéhovah, Satan, Isis, Vénus ; il est Pan. Il est la Nature. La nature est toute en doubles-fonds. Elle est dédaléenne et mêle tous les réseaux de toutes les voies.
2.
Poète, prends ton luth ; le vin de la jeunesse
Fermente cette nuit dans les veines de Dieu.
Mon sein est inquiet ; la volupté l’oppresse,
Et les vents altérés m’ont mis la lèvre en feu.
Ô paresseux enfant ! regarde, je suis belle.
Notre premier baiser, ne t’en souviens-tu pas,
Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile,
Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ?
Ah ! je t’ai consolé d’une amère souffrance !
Hélas ! bien jeune encor, tu te mourais d’amour.
Console-moi ce soir, je me meurs d’espérance ;
J’ai besoin de prier pour vivre jusqu’au jour.
3.
Vous souvient-il du soir où
Christian vous parla
Sous le balcon ? Eh bien toute ma vie est là :
Pendant que je restais en bas, dans l’ombre noire,
D’autres montaient cueillir le baiser de la gloire !
C’est justice, et j’approuve au seuil de mon tombeau.
Molière a du génie et Christian était beau ! (
Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand. Indice : Christian est, bien entendu, l'amant de Roxane, trop timide pour se déclarer et que Cyrano va aider dans la fameuse scène du balcon.)
4.
Mais ici il me faudrait chercher le style épique : où trouver des couleurs pour peindre les torrents d’indignation qui tout à coup submergèrent tous les cours bien pensants, lorsqu’on apprit l’effroyable insolence de cette illumination du château de Sacca ? Il n’y eut qu’un cri contre la duchesse ; même les libéraux véritables trouvèrent que c’était compromettre d’une façon barbare les pauvres suspects retenus dans les diverses prisons, et exaspérer inutilement le cœur du souverain. Le
comte Mosca déclara qu’il ne restait plus qu’une ressource aux anciens amis de la duchesse, c’était de l’oublier. Le concert d’exécration fut donc unanime : un étranger passant par la ville eût été frappé de l’énergie de l’opinion publique. Mais en ce pays où l’on sait apprécier le plaisir de la vengeance, l’illumination de Sacca et la fête admirable donnée dans le parc à plus de six mille paysans eurent un immense succès. Tout le monde répétait à
Parme que la duchesse avait fait distribuer mille sequins à ses paysans ; on expliquait ainsi l’accueil un peu dur fait à une trentaine de gendarmes que la police avait eu la nigauderie d’envoyer dans ce petit village, trente-six heures après la soirée sublime et l’ivresse générale qui l’avait suivie. Les gendarmes, accueillis à coups de pierres, avaient pris la fuite, et deux d’entre eux, tombés de cheval, avaient été jetés dans le Pô. (
La chartreuse de Parme, Stendhal. Indice : évidemment, un roman qui se passe à Parme avec le comte Mosca, on peut difficilement se tromper...)
5.
— « Écoute ! — Écoute ! — C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
» Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.
» Écoute ! — Écoute ! — Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne. »
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
6.
Il était, depuis des années, habile dans la science du flair ; il pensait que l’odorat pouvait éprouver des jouissances égales à celles de l’ouïe et de la vue, chaque sens étant susceptible, par suite d’une disposition naturelle et d’une érudite culture, de percevoir des impressions nouvelles, de les décupler, de les coordonner, d’en composer ce tout qui constitue une œuvre ; et il n’était pas, en somme, plus anormal qu’un art existât, en dégageant d’odorants fluides, que d’autres, en détachant des ondes sonores, ou en frappant de rayons diversement colorés la rétine d’un œil ; seulement, si personne ne peut discerner, sans une intuition particulière développée par l’étude, une peinture de grand maître d’une croûte, un air de Beethoven d’un air de Clapisson, personne, non plus, ne peut, sans une initiation préalable, ne point confondre, au premier abord, un bouquet créé par un sincère artiste, avec un pot-pourri fabriqué par un industriel, pour la vente des épiceries et des bazars.
7.
Ciel ! rien de plus cruel peut-il être inventé,
Et jamais cœur fut-il de la sorte traité !
Quoi ! d’un juste courroux je suis ému contre elle,
C’est moi qui me viens plaindre, et c’est moi qu’on querelle !
On pousse ma douleur et mes soupçons à bout,
On me laisse tout croire, on fait gloire de tout ;
Et cependant mon cœur est encore assez lâche
Pour ne pouvoir briser la chaîne qui l’attache,
Et pour ne pas s’armer d’un généreux mépris
Contre l’ingrat objet dont il est trop épris !
Ah ! que vous savez bien ici contre moi-même,
Perfide, vous servir de ma faiblesse extrême,
Et ménager pour vous l’excès prodigieux
De ce fatal amour né de vos traîtres yeux !
Défendez-vous au moins d’un crime qui m’accable,
Et cessez d’affecter d’être envers moi coupable.
Rendez-moi, s’il se peut, ce billet innocent ;
À vous prêter les mains ma tendresse consent.
Efforcez-vous ici de paraître fidèle,
Et je m’efforcerai, moi, de vous croire telle. (Molière,
Le Misanthrope. Indice : les deux phrases en gras sont parmi les plus célèbres de la pièce, très représentatives de l'œuvre. On peut entendre cet extrait à la fin du film
L'étudiante avec Sophie Marceau avec un commentaire... totalement faux et dévié du sens original de l'extrait, pathétique au combien. Les vrais héros ne sont pas, bien sûr, Alceste et Célimène [les vers sont prononcés par le premier] mais bien Philinte, l'homme mesuré et sage par excellence.)
8.
Des Anges au Chaos allaient puiser des mondes.
Passant avec terreur dans ses plaines profondes,
Tandis qu'ils remplissaient les messages de Dieu,
Ils ont tous vu tomber un nuage de feu.
Des plaintes de douleur, des réponses cruelles,
Se mêlaient dans la flamme au battement des ailes.
« Où me conduisez-vous, bel Ange ? — Viens toujours.
— Que votre voix est triste, et quel sombre discours !
N'est-ce pas Éloa qui soulève ta chaîne ?
J'ai cru t'avoir sauvé. — Non, c'est moi qui t'entraîne.
— Si nous sommes unis, peu m'importe en quel lieu !
Nomme-moi donc encore ou ta sœur ou ton Dieu !
— J'enlève mon esclave et je tiens ma victime.
— Tu paraissais si bon ! Oh ! qu'ai-je fait ? — Un crime.
— Seras-tu plus heureux ? du moins es-tu content ?
— Plus triste que jamais. — Qui donc es-tu ? — Satan. »
9.
Wallas introduit son jeton dans la fente et appuie sur un bouton. Avec un ronronnement agréable de moteur électrique, toute la colonne d'assiettes se met à descendre ; dans la case vide située à la partie inférieure apparaît, puis s'immobilise, celle dont il s'est rendu acquéreur. Il la saisit, ainsi que le couvert qui l'accompagne, et pose le tout sur une table libre. Après avoir opéré de la même façon pour une tranche du même pain, garni cette fois de fromage, et enfin pour un verre de bière, il commence à couper son repas en petits cubes. Un quartier de tomate en vérité sans défaut, découpé à la machine dans un fruit d'une symétrie parfaite. La chair périphérique, compacte et homogène, d'un beau rouge de chimie, est régulièrement épaisse entre une bande de peau luisante et la loge où sont rangés les pépins, jaunes, bien calibrés, maintenus en place par une mince couche de gelée verdâtre le long d'un renflement du coeur. Celui-ci, d'un rose atténué légèrement granuleux, débute, du côté de la dépression inférieure, par un faisceau de veines blanches, dont l'une se prolonge jusque vers les pépins — d'une façon un peu incertaine. Tout en haut, un accident à peine visible s'est produit : un coin de pelure, décollé de la chair sur un millimètre ou deux, se soulève imperceptiblement. (
Les Gommes, Alain Robbe-Grillet. Représentant par excellence du "Nouveau Roman", la scène de la tomate, abondamment commentée par tous, de Genette à Sartre en passant par Roland Barthes, est considéré comme le triomphe du réalisme et de la psychologie objective et scopique qui prend le pas sur le fantasque. Alain Robbe-Grillet se portera en faux contre cette assertion, avec raison : car la tomate, à l'échelle du livre, n'est jamais qu'une métaphore du crâne de Wallas, héros du roman et qui a échoué à un test de phrénologie car ayant la tête trop petite. Comme l'auteur le déclarera : "Mes romans parlent de l'Homme." Et des
Gommes aux
Hommes, il n'y a jamais qu'une lettre...)
10.
Rien de plus auguste et de plus intéressant que cette étude des premiers mouvements du cœur de l’homme.
Adam s’éveille à la vie, ses yeux s’ouvrent : il ne sait d’où il sort. Il regarde le firmament ; par un mouvement de désir, il veut s’élancer vers cette voûte, et il se trouve debout, la tête levée vers le ciel. Il touche ses membres, il court, il s’arrête ; il veut parler, et il parle. Il nomme naturellement ce qu’il voit, et s’écrie : " O toi, soleil, et vous, arbres, forêts, collines, vallées, animaux divers ! " et les noms qu’il donne sont les vrais noms des êtres. Et pourquoi
Adam s’adresse-t-il au soleil, aux arbres ? " Soleil, arbres, dit-il, savez-vous le nom de celui qui m’a créé ? " Ainsi, le premier sentiment que l’homme éprouve est le sentiment de l’existence de l’Etre suprême ; le premier besoin qu’il manifeste est le besoin de Dieu ! Que Milton est sublime dans ce passage ! Mais se fût-il élevé à ces pensées s’il n’eût connu la religion de Jésus-Christ ?