Bon, ben vous allez dire que c'est cool d'avoir eu la parole, mais quand même...
Pour info, l'auteur de cet article m'a contacté par e-mail pour une interview. Il m'a envoyé la liste des questions, et je lui ai envoyé les réponses une douzaine d'heures plus tard. Je me suis bien appliqué à faire passer le plus d'idées possible dans mes réponses, et à présenter mes propos comme ceux d'une communauté, et non ceux d'une personne. Je me doutais que ces réponses seraient raccourcies, mais en découvrant cette version finale de l'article, je dois dire que j'ai eu un choc. Pas plus de 5% de ce que j'ai écrit n'apparait, et encore il a fallu que le gars me fasse dire ce que je n'avais pas dit "Laurent Roucairol
s'agace de la récupération commerciale...", "le
fondateur de Grospixels"...
Je vous donne la version complète de l'interview, histoire que je ne me sois pas embêté pour rien, vous saurez à vous attendre si la même chose vous arrive. Notez que je trouve globalement l'article très bon, c'est juste que j'aurais aimé être informé de sa structure.
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Qu'avaient ces jeux que les jeux actuels n'ont pas ? Y a t il (performance technique mise à part) une baisse de la qualité des jeux récents ?
Il y a plusieurs raisons qui poussent à s'intéresser aux jeux vidéo anciens, plusieurs profils de retro-gamer. Certains, comme moi, sont des trentenaires qui ont connu l'avènement commercial des jeux vidéo à la fin des années 70, et ont conservé une passion pour ce média qui ne s'est jamais éteinte. D'autres se penchent sur le passé des jeux vidéo pour étudier leur évolution. D'autres, plus rares, sont des passéistes qui pensent que le jeu vidéo est mort lorsqu'il s'est ouvert au grand public. Et puis il y les collectionneurs, qui traquent les anciennes consoles et les micro-ordinateurs des années 80 pour en remplir leur garage ou même leur appartement, les recenser, apprendre à les réparer, établir des fiches techniques... Le phénomène du retro-gaming est né, tout comme le jeu vidéo lui même, aux Etats-Unis. Là-bas, contrairement à chez nous, il est normal de considèrer la culture populaire récente comme un patrimoine qu'il faut conserver et étudier avec le plus grand sérieux, sur le long terme et pas simplement le temps d'un « revival ».
Il serait très réducteur de dire que les jeux étaient meilleurs autrefois. En revanche, il est évident qu'ils s'adressaient à un public plus restreint, plus assidu, et leurs coûts de développement étaient bien moindre. Les gens qui les développaient avaient donc plus de champ pour innover, prendre des risques, travailler dans tous les styles possibles. Aujourd'hui la technique leur permet d'aller plus loin dans leurs ambitions artistiques, mais d'un autre côté ils doivent à tout prix créer des produits rentables. Certains réussissent à concilier les deux (très peu en France, hélas), et d'autres font de la « soupe », des jeux peu aboutis mais qui se vendent en exploitant des phénomènes de modes. Ce sont ces derniers, et le fait regrettable que les jeux vidéo expérimentaux qu'on voyait autrefois sont en voie de disparition, qui donnent à certains le sentiment que les jeux vidéo baissent en qualité, mais le problème est bien plus complexe. Les jeux vidéo sont de manière générale un domaine complexe, qui n'est apprécié à sa juste valeur que par très peu de gens en France.
Que pensez-vous des rééditions de vieux jeux sur des consoles modernes ? (cf 20 ans de la NES, réédition de 8 jeux sur Game Boy Advance)
Au départ, la démarche pour s'adonner au jeu vidéo rétro passait soit par l'utilisation d'une machine ancienne, soit par l'émulation, technique qui permet sur les micro-ordinateurs modernes de faire fonctionner tels quels des jeux vidéo prévus pour d'autres systèmes. Techniquement, c'est très au point, on retrouve totalement les sensations de jeu et la représentation graphique est excellente. Dans les deux cas, tout se passait dans un total amateurisme. Les rééditions officielles de jeux rétro sont donc une récupération commerciale d'un phénomène qui a mis des années à se développer, et mobilisé des milliers de bénévoles inconnus (et qui le resteront).
Au sein de l'équipe de Grospixels, les opinions sont partagées à ce sujet. Disons que pour l'instant nous avons pratiquement toujours trouvé que ces rééditions étaient vendues trop cher. Leur principal intérêt serait de faire découvrir aux jeunes joueurs des jeux anciens, mais pour ce faire il faudrait d'une part les attirer en vendant ces compilations à bas prix, d'autre part y inclure une documentation historique, soit sur support papier soit sous forme de pages à consulter dans le jeu entre deux parties. Jusqu'à présent ça n'a pas été fait.
Pour Nintendo les choses sont plus complexes. Le fait de perpétuer ses propres standards est légitime de la part de cet éditeur, car depuis 25 ans ses jeux procèdent d'une démarche créative cohérente et sourde aux tendances du moment. En revanche il est dommage qu'il en ait profité pour transformer ses jeux rétro en objets de luxe.
Quelle différence y a t il (là encore technologie mise à part) entre les bornes d'arcade, les consoles et les jeux PC ?
Techniquement, les trois sont très proches. La différence est dans la manière dont les joueurs les utilisent et les considèrent.
Il faut savoir que les tout premiers jeux vidéos commercialisés, au début des années 70, l'ont été sous forme de borne d'arcade. Leur but était de divertir pendant quelques minutes, mais de manière suffisemment sophistiquée pour que l'on ait envie d'y revenir. La borne d'arcade est donc l'essence même du jeu vidéo. Dans les années 80, les jeux d'arcade étaient, d'un point de vue technologique, bien plus avancés que ceux que l'on pouvait avoir chez soi sur une console ou un micro-ordinateur. Ils exercaient une vraie fascination. Hélas par la suite leurs constructeurs ont voulu, pour des questions de coût de développement, les développer sur une électronique similaire à celle des consoles de salon comme la Playstation ou la Dreamcast. Ils ont donc perdu cette avance technologique et tombent peu à peu en désuétude car peu de joueurs sont sensibles au charme d'un jeu conçu pour un amusement immédiat et de courte durée s'il ne leur apporte pas de sensations audiovisuelles hors du commun. Bientôt il n'y aura plus qu'au Japon que l'on trouvera de vraies grandes salles d'arcade.
La console, et Nintendo à été le premier à le sentir avec la NES, trouve son intérêt dans le fait que le joueur, s'il n'est plus tenu par le temps, apprécie des jeux dans lesquels on vit une grande aventure, avec une progression narrative et des personnages attachants. Quand aux micro-ordinateurs, ils ont pendant longtemps proposé le même type de jeux que les consoles, mais ont permis à des programmeurs amateurs de s'exprimer, et parmi eux certains sont devenus célèbres et ont inventé des jeux révolutionnaires. L'autre différence majeure et que pendant très longtemps, disons entre 1982 et 2001, les consoles les plus en vue étaient toutes japonaises, pendant que les micro-ordinateurs que nous Occidentaux, connaissions, et les gens qui développaient des jeux dessus, étaient européens ou américains. Les jeux japonais sur micro ne sortent guère du marché local.
Pourquoi ne proposez vous pas d'émulation sur votre site ? Est ce toujours une pratique illégale mais tolérée ?
Il n'existe pas de cadre juridique spécifique. L'éditeur d'un jeu peut tout à fait porter plainte pour qu'un émulateur ne soit plus distribué, mais peu le font, car d'une part il est très difficile d'empêcher quelque chose de circuler sur Internet, et d'autre part ces éditeurs ont souvent été rachetés par des sociétés qui ont elle même été rachetées, etc. Il est difficile dans ces conditions de savoir qui sont précisément le détenteur des droits. Il faut aussi savoir que beaucoup de retro-gamers tiennent à ce que leur passion pour l'émulation ne soit pas assimilable à du piratage, et se fixent eux-mêmes des limites. Lorsqu'un jeu est assez récent pour que le fait d'y jouer en émulation constitue un vrai manque à gagner pour son éditeur, beaucoup de sites de retro-gaming s'abstiennent de le proposer à leurs internautes. Certains grands projets d'émulation, comme MAME, un émulateur qui permet de jouer sur son PC ou son Mac à plus de 2000 bornes d'arcade différentes, ont même été « nettoyés » pour ne plus faire fonctionner les jeux trop récents. J'ajouterai qu'à titre personnel, je n'ai jamais rencontré autant de personnes rétives à l'utilisation de programmes piratés que dans les forums de discussion sur les jeux rétro.
Quand à Grospixels, nous avons décidé il y a environ trois ans de ne plus fournir de jeux rétro sur notre site, ce qui n'a pas nui à la fréquentation du site. Nous avons bien quelques émulateurs en téléchargement, c'est à dire les programmes qui reproduisent le fonctionnement de telle ou telle machine rétro, mais aucune rom, c'est à dire aucune donnée numérique correspondant au contenu des jeux proprement-dit. La raison est que certains fournisseurs d'hébergement web voient d'un mauvais oeil la présence de roms à télécharger sur les comptes de leurs clients, qu'elles concernent des jeux rétro ou pas, et ils n'hésitent pas à les fermer sans préavis. De plus, nous proposons une somme conséquente de documentation, très souvent mise à jour, qui est devenue l'attrait principal du site pour ses habitués. Grospixels est un site que les gens fréquentent avant tout pour lire des articles qu'ils ne trouvent qu'à toute petite dose, voire pas du tout, dans la presse spécialisée de jeu vidéo. Pour le téléchargement, ils vont ailleurs, et ce ne sont pas les sources qui manquent.
Pensez vous que la mode du rétrogaming est un des nouveaux avatars de ce que l'on a appellé la "Génération Gloubiboulga", des "adulescents"... ? Ou cela va t il au delà de la simple nostalgie ?
Je ne pense pas que ce soit de la simple nostalgie, et ça n'a rien de superficiel. Il faut bien se dire qu'à la base il n'y a pas beaucoup de gens qui s'intéressent vraiment au jeu vidéo, qui vont plus loin que le simple fait de jouer et en discutent, se documentent, s'interrogent sur son évolution. Quand à la presse (à part vous bien sûr !) et la télé, elles ne s'y intéressent qu'en tant que phénomène commercial ou pour dénoncer sa mauvaise influence sur les jeunes. Les gens qui font, ou qui fréquentent, des sites comme Grospixels sont des passionnés. Certains d'entre eux viennent chaque matin, participent au forum de discussion depuis des années, et écrivent des articles pour le site, ce qui leur demande du temps et de l'énergie. Leur plaisir est de combiner le plaisir ludique et l'analyse, et surtout de mettre en évidence le fait que l'évolution des jeux vidéo, depuis 30 ans, est celle d'une véritable mouvement artistique.
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Posté le: 2004-11-18 10:45
pardon
