Janvier 1990.
Joystick Mensuel numéro 1
Interview de Paul Cuisset, scénariste et programmeur.
....
Joystick : “
Les voyageurs du temps”, ça ressemble plus à une BD qu’à un film. Il y a des bulles, il y a les commentaires du narrateur, le personnage et les dessins sont très BD... C’est plus un dessin animé qu’un film.
Paul Cuisset : c’est un dessin animé, mais le dessin animé fait partie du cinéma. La BD, c’est plus basé sur des vignettes, là, il y a de l’animation, tout bouge à l’intérieur, c’est plus du dessin animé. C’est notre but : dans un an, peut-être qu’on aura des CDI ( Compact
Disc Interactif, NDLR ), des CD-ROM, on pourra faire quelque chose qui se rapproche beaucoup plus du cinéma, dans deux trois ans on aura peut-être des équipes qui iront tourner des séquences, à partir de là on fera des montages informatiques, et ce sera vraiment du cinéma.
Joystick : Pour écrire un soft, il faudra trois ans. tu commences à développer sinon à loucher sur les matériels en question ?
Paul Cuisset : Non, pas encore. J’ai pas de CDI.
Joystick : Tu n’as pas contacté de mecs qui en fabriquent en disant que tu es développeur ?
Paul Cuisset : Si, Delphine a contacté les gens du CDI. On ne se lance pas encore tout à fait, mais dès qu’on y croira, dès que le hardware sera disponible...
Joystick : En laissant tomber la micro actuelle ?
Paul Cuisset : Non, on fera ST, Amiga, CDI, et quand le CDI deviendra prioritaire, on fera CDI, puis ST et Amiga, et puis uniquement CDI un jour. Mais pour l’instant, c’est simplement un standard en plus. Ce qui nous intéresse, c’est de pouvoir aller plus loin. On est quand même une société obligée de vivre, on doit suivre les contraintes du marché. Si le CDI fonctionne bien, y a pas de raisons pour qu’on passe à côté, il y a plus de possibilités, plus d’ouverture. Mais si c’est juste une mode, ça ne sert à rien. Les gens qui se sont lancés sur l’Archimède, hein... C’est pas très intéressant pour l’instant. J’aimerais bien pouvoir programmer dessus, mais tant qu’il y aura peu de machines sur le marché...
Joystick : Un nouveau standard, autre chose que le ST et l’Amiga, sur un plan commercial, ça te semble nécessaire ? Ca ne te gênerait pas d’avoir à faire encore une adaptation, encore un packaging différent, peut-être avec des CD au lieu des disquettes ?
Paul Cuisset : Je préfère, le CD ! Parce que ça permet de lutter contre le piratage. Quand tu as un Giga-octet sur un CD, si tu veux le pirater, il faut que tu le transfères sur une tonne de disquettes, c’est impensable. Ca reviendra moins cher de faire des jeux sur CD que sur disquette. Les prix ont ont chuté grâce au CD musical, on a donc une possibilité de répondre à la demande beaucoup plus facilement. Ca sera un point intéressant.
Joystick : Tu as mis combien de temps à programmer
les Voyageurs du temps ?
Paul Cuisset : Ca correspond à six mois de travail dont quatre mois pour le traducteur, et quatre mois à cheval pour le jeu lui-même. Ca a été assez court, mais d’un autre côté je n’aurais pas pu le faire si je n’avais pas fait d’arcade avant. L’arcade a été vachement importante, les routines de
Space Harrier et de Bio Challenge m’ont beaucoup servi, parce que c’est une approche différente de ce qui se fait dans les jeux d’aventure. Quand j’ai décidé d’attaquer le jeu d’aventure, je me suis dit : pourquoi ne pas mettre de l’animation, des personnages qui bougent vraiment ? J’étais choqué quand j’ai vu les Sierra, par ce manque d’utilisation du potentiel de la machine, d’une part, et ce rejet des nouvelles techniques de programmation qui font qu’on peut faire un jeu comme
Shadow of the Beast sur Amiga, par exemple. Ca, c’est quelque chose que je voudrais mettre dans des jeux d’aventure, on néglige trop cet aspect-là, il y a l’aspect aventure, mais il y a aussi l’aspect visuel, on est toujours à l’affût de techniques plus intéressantes, qui permettent d’afficher des choses plus vite, parce que ça permet de mettre plus de choses.
...