Extrait de l'article de GP :
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Blade Runner
Sorti en 1982, réalisé par Ridley Scott et écrit par David Webb Peoples et Hampton Francher, il s'agit d'un futur classique du cinéma (ou simplement d'un classique si l'on considère qu'un film n'a pas besoin d'être vieux de cinquante ans pour l'être), et d'un des films de science-fiction les plus réussis et fascinants qu'on ait vus.
Rappelons l'histoire : A Los Angeles en 2019, Rick Deckard (Harrison Ford) est un
blade runner. Il fait partie d'une unité de la police chargée de traquer les répliquants.
Les répliquants sont des androïdes dont l'apparence et le comportement reproduisent si bien celui des hommes qui les ont créés qu'il est très difficile de les reconnaître. Ils sont mêmes capables de sentiments, et des souvenirs artificiels leur ont été implantés sur lesquels ils batissent leur caractère.
Bien que nés adultes, ils ont donc un vécu, une personnalité et sont en proie à certains conflits intérieurs. Seule leur force physique et leur agilité bien supérieures à celle d'individus normaux les en différencie, ainsi qu'une certaine tendance à l'insoumission. Ils ont été déclarés illégaux sur terre après une mutinerie, et ne servent plus qu'à exécuter de basses besognes dans les colonies spatiales.
Au début du film, on apprend que 6 d'entre eux se sont évadés et ont réussi à gagner la Terre. Un collègue de Deckard, Holden, est parvenu à en débusquer un, mais a été grièvement blessé dans l'opération. Deckard est le second sur la liste des blade runners les plus compétents, principalement en raison de son insensibilité qui le protège de tout apitoiement face à des copies conformes d'êtres humains.
On apprendra par la suite que les répliquants, menés par Roy Batty (Rudger Hauer) ne cherchent qu'à rencontrer leur créateur, Eldon Tyrell (Joe Turkel, le barman fantômatique de Shining), président de la compagnie qui les conçoit et les fabrique. Les répliquants ont une durée de vie volontairement limitée à 4 ans pour éviter qu'ils ne développent trop d'émotivité, et les évadés désirent prolonger cette existence, persuadés qu'en tant qu'êtres pensants, leur vie est aussi précieuse que celle de toute créature terrestre.
Deckard, de son côté, rencontre Rachel (Sean Young), une répliquante protégée par Tyrell et conçue pour éprouver des sentiments très élaborés. Rachel, qui se croit humaine, s'avère très coriace face au test de Voight Kampf utilisé d'habitude pour démasquer les répliquants.
Deckard va entretenir une liaison avec elle, ce qui est totalement contraire à ses principes et le perturbe grandement, jusqu'à le faire douter de sa propre identité. Serait-il lui aussi un répliquant ? C'est la grande question que les fans du film aiment se poser, d'autant que l'un des 6 répliquants recherchés au début de l'affaire ne sera jamais identifié. Le doute n'est pas directement évoqué dans le scénario, mais plutôt sous-jacent, et s'inscrit dans la thématique du film (et du roman) comme on le verra plus loin.
Avec l'aide d'un ingénieur de Tyrell, JF Sebastian, Batty rencontre Eldon Tyrell, qui lui explique que toute tentative de le faire vivre plus longtemps ne peut que l'anéantir. Désespéré, Batty le tue, et à son retour auprès de ses amis s'aperçoit que Deckard les a éliminés les uns après les autres. Le film s'achève par un duel terrible entre les deux hommes. Deckard est vaincu, mais au moment de l'achever, Batty arrive au terme de sa vie, et décide de l'épargner. (à noter que vue la date de mise en service de Batty qui apparait furtivement sur sa fiche technique au début de l'histoire, et du panneau "November 2019" qui ouvre le film, la survenue de sa mort est logique à ce moment).
Sa mission accomplie, Deckard s'enfuit avec sa bien-aimée (et inoffensive) Rachel (dont il sait que ses supérieurs vont lui demander de l'éliminer aussi) sans savoir combien de temps son bonheur pourra durer.
A sa sortie en 1982, le film a été un échec commercial, en dépit de son éclatante réussite, et de la renommée de Ridley Scott qui avait triomphé peu avant avec Alien (Harrison Ford n'était pas encore une star à l'époque). Cependant, au fil des années, la richesse de l'histoire, ses subtils non-dits, et l'atmosphère sombre et fascinante (qui a inspiré de nombreux autres films) dans laquelle baigne le film ont permis d'accumuler des millions de fans fidèles à travers le monde. La perfection des effets spéciaux contribue à créer un univers futuriste d'une beauté époustouflante, le plus crédible qu'on ait vu dans un film. Les artisans de ce prodige visuel qui n'a pas pris une ride sont le designer Syd Mead (Tron), le photographe Jordan Cronenweth (Altered States) et le spécialiste en effets photographiques Douglas Trumbull (2001, Rencontres du 3e Type), qui sont tout autant que Scott responsables de l'impact du film, de même que Evangelos Papathanassiou, à savoir Vangelis (trop rare au cinéma), qui a écrit et interprété l'intégralité de la magnifique bande sonore.
En 1994, Ridley Scott est revenu sur le montage, et a sorti
Blade Runner Director's Cut, qui achève de rendre le film indispensable. Le plus gros changement de cette version concerne la fin, dont une scène a été supprimée (on y voyait Deckard et Rachel planant à bord d'un vaisseau au dessus d'un décor naturel verdoyant, la voix off de Deckard indiquant que Rachel n'avait peut-être pas de limite de vie). Il s'agissait d'un ajout de dernière minute assez incohérent imposé par la production pour rendre la fin du film moins désespérée (en fait le monde dans lequel l'histoire se passe est apocalyptique, pas un arbre n'a survécu et très peu d'animaux ne sont pas des androïdes). La version de Scott laisse donc les deux amoureux fuir vers l'inconnu, et ne comporte aucun décor extérieur à un Los Angeles nocturne et pluvieux.
L'autre modification importante opérée par Scott est la suppression de la voix off de Deckard qui commente l'enquête faite pour retrouver la trace des répliquants au début du film, et explique un peu lourdement le geste grand seigneur de Batty après le duel final.
Peu de film ont bénéficié d'un tel remaniement, qui est en principe réservé aux grandes oeuvres. Beaucoup considèrent d'ailleurs que Ridley Scott n'a jamais connu, et ne connaîtra peut-être jamais plus un tel état de grâce, au vu de ses derniers films qui sont moins audacieux et plus commerciaux. "
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