Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Tama (21 novembre 2016)
Avant-proposParler de Way of the Samuraï, c'est avant tout plonger dans une période faste, entre 2002 et 2012, où a fleuri un sous-genre : le jeu d'action open-world sur consoles. Le PC perd de plus en plus l'exclusivité du genre, car les consoles de salon de cette génération embarquent suffisamment de puissance pour donner naissance à des mondes de plus en plus vastes. Il me paraît très difficile d'être passé à côté du phénomène qu'a représenté GTA III à sa sortie par exemple. Et un peu comme tout le monde, j'ai tenté le coup... pour constater avec une relative amertume que les open-worlds et moi, on n'était pas copains. Ce n'est pas qu'une histoire de mauvais timing, de rendez-vous manqué. Étant amateur de jeux d'aventure et d'exploration, la promesse d'un monde ouvert regorgeant de possibilités aurait dû me parler et me parle encore aujourd'hui. Il m'a fallu jouer, jouer encore, et réfléchir à cet échec, avant de comprendre pourquoi je semblais passer à côté d'une telle occasion. Et aussi pourquoi, au fur et à mesure de mes recherches et des hasards, j'en suis venu à jouer à une série sur les samouraïs que j'adore aujourd'hui. Le fruit de mes réflexions s'oriente autour d'un axe principal, celui du centre d'attention. Le choix, lié aux actions du joueur, est toujours au centre de toutes les réflexions des développeurs de jeux vidéo. Mais leur importance continue encore aujourd'hui d’être de véritables casse-têtes. Le joueur de jeux vidéo n'a de cesse, tout au long de la partie, d'avoir un impact sur son environnement. Quand on s’occupe du game-design, on est bien obligé de se demander ce que va faire le joueur à l'instant T, dans le lieu L : va-t-il suivre le chemin tracé ? Sera-t-il assez curieux pour parler aux personnages qu'il croisera ? Ou au contraire, est-ce qu'il va tout ignorer et foncer en ligne droite ? Est-ce qu'il va essayer de sauter par-dessus le talus pour voir ce qu'il y a derrière (indice : il n'y a rien...) ? Passera-t-il les dialogues à toute vitesse parce qu'il se fout pas mal des malheurs de ces pauvres villageois harassés – quand il n'essaiera pas carrément de les tuer en mettant de grands coups de masse ? Plusieurs solutions furent proposées : récits linéaires, choix de dialogues, narration environnementale, textes audio lus en temps réel... Or les jeux vidéo ne répondaient par là qu'à une seule partie de la question, celle de la place du joueur dans le récit, acteur, spectateur, ou quelque part entre les deux. Ils en oubliaient la seconde, celle de son impact, qui lui ne changeait pas. « Sans joueur, il ne peut pas y avoir de jeu », tout comme avec un livre, un film, etc. C'est normal, et les jeux vidéo se sont construits autour de cette logique, celle de border le joueur pour ne pas qu'il s'en aille. Seulement, à force d'avoir peur de le blesser, le jeu vidéo a fini par s'enfermer dans une logique de bienfaisance et ne plus vouloir explorer d'autres voies, qui auraient pu être, par exemple :
Les possibilités me semblent infinies, compte tenu de la relative jeunesse du média. Malgré sa croissance, ses évolutions, le jeu vidéo ne continuait de marcher qu'à cloche-pied. Il fallait que le joueur, même bousculé ou nargué, se sente chez lui. Rien ne devait le faire dévier de son chemin de grandeur, même si celui-ci porte parfois les oripeaux du mal et de la décadence. Même dans les mondes les plus ouverts, il doit pouvoir s'autoriser quelques « écarts de conduite » comme une mise à sac, un carnage de piétons en voiture sur le trottoir, des meurtres totalement gratuits en place publique, sans que cela ne l'empêche d'atteindre son but premier. Je ne remettrai pas en cause le bien-fondé de l'abreuver de liberté. Moi aussi, j'aime qu'un jeu me caresse dans le sens du poil. La question que je me pose, c'est toujours la seconde partie de la problématique, celle de l'impact. Le joueur restait toujours le soleil autour duquel tournent les astres. Alors, est-il possible de faire en sorte que le joueur se mette au service du jeu et de son environnement ? Un jeu vidéo est-il capable de proposer un gameplay qui fasse sentir que même sans joueur, le monde continuera de tourner ? Ce sont des réponses parmi d'autres. Le studio japonais Acquire, lui, en propose une autre. Fondée en 1994, cette société japonaise s'est fait connaître 1998 en créant Tenchu: Stealth Assassins sur Playstation, un jeu d'infiltration dans lequel le joueur incarne un ninja dans une époque féodale. Mélange de discrétion, d'habileté, de créativité et de mythes et légendes japonaises, Tenchu a remporté un franc succès qui continue encore aujourd'hui. À l'époque, la réussite des deux premiers épisodes permet à Acquire de se lancer dans un projet plus confidentiel sur une Playstation 2 encore jeune et avide de jeux. C'est ainsi que la série de jeux d'action Way of the Samuraï naîtra en 2002. Au moment où sont tapées ces lignes, la série compte quatre épisodes, deux sur PS2, et deux sur XBOX 360, PS3 et PC. Si elles diffèrent bien évidemment par leur aspect technique et les différents ajouts, on retrouvera des éléments essentiels qui les démarqueront de toute éventuelle (et peu nombreuse) concurrence. Leur structure consiste moins en un monde ouvert, mais en de petites zones interconnectées par l'espace et le temps qui passe, et dans lesquelles vous pourrez faire des actions qui pourront avoir un impact significatif sur la suite et le dénouement de l'histoire – car les jeux ont de nombreuses fins différentes. Ce n'est pas, comme les jeux ouverts modernes de 2016, une grande autoroute à plusieurs voies qui mènent à une seule sortie, mais plusieurs sentiers forestiers qui aboutiront tous à des endroits sensiblement différents. Premièrement, votre errance vous amène systématiquement au sein d'une agglomération régie par des relations de pouvoir bien établies. Trois groupes de personnes se disputent la main-mise sur tout ou une partie des lieux. Cette lutte (qui peut être ouverte ou tacite) oppose en général :
Que cette situation pour le moins tendue soit récente, ou au contraire profondément ancrée dans la vie quotidienne depuis des décennies, elle est amenée à changer incessamment sous peu car, deuxièmement, quelque chose est sur le point de se produire. C'est en général un événement grave, comme un conflit ouvert entre les factions, et qui va se passer peu de temps après votre arrivée en ville. Il faut bien comprendre que, quoi que vous fassiez ou ne fassiez pas, cet événement se produira. Ce n'est pas quelque chose d'anormal ou de soudain, mais bien la goutte d'eau qui fait déborder le vase, une poudrière trop remplie où on a enfin allumé la mèche. C'est le cours normal et violent des choses, et votre place là-dedans reste à déterminer : allié des uns, ennemis des autres, ou encore spectateur indifférent ? C'est là encore la conséquence des actions que vous accomplirez au cours des jours précédant l'incident. Que vous soyez là ou non, rien n'y changera... en revanche, vous pourrez peut-être influer sur le déroulement et les dégâts que tout ceci causera. Mais ce n'est pas comme si qui que ce soit attendait monts et merveilles de vous. Et pour cause... Enfin, et troisièmement, quel que soit l'épisode, le Japon que vous visiterez est en période de paix nouvelle et chèrement acquise. Plus personne n'a besoin de guerriers, et les nouveaux sabres sont la plume et les réformes politiques. Vous êtes un des derniers vestiges d'une caste à l'agonie, car les samouraïs ont perdu tous leurs droits et privilèges ! Ainsi, et depuis longtemps, les mythes et légendes accompagnant ceux qui suivaient le Bushido ont été battus en brèche. On ne vous voit plus comme un sur-homme sauvant la veuve et l'orphelin, se contentant de repas frugaux et d'un ascétisme martial loin des tentations matérielles, mais bien au contraire comme une brute, un meurtrier, un mercenaire sans foi ni loi s'offrant à la bourse la plus remplie ou au chef de guerre qui crie le plus fort. L'heure de gloire est terminée, les samouraïs sont à ranger à côté des mauvais souvenirs que le peuple tente d'oublier. On vous méprisera, trouvera très louche votre port du sabre pourtant prohibé, on vous reprochera la mort de dizaines de familles désormais incapables de manger à leur faim, et on vous proposera les travaux dignes d'exécuteurs de basses besognes. Je clos cet avant-propos pour présenter un manga, nommé Tokyo Toybox et sa suite Giga Tokyo Toybox. On y suit les (més)aventures de Tenkawa Taiyô, créateur de jeux et président du studio G3, tellement obsédé à ré-inventer la roue à chaque jeu qu'il en oublie les délais, les bonnes relations au sein de l'équipe et les pénalités de retard. La raison pour laquelle je le mentionne est que le récit a été inspiré (librement) du studio Acquire lui-même ! Les auteurs sont allés interviewer les développeurs de la série et en ont extrait des moments de vie et des anecdotes pas piquées des hannetons...On peut le deviner à plusieurs reprises, notamment quand on se rend compte que la série fétiche crée par Taiyô, nommé « Samuraï Kitchen », ressemble quand même beaucoup aux Way of the Samuraï ! En fait, je ne peux pas m'empêcher de trouver que les déboires traversés par le studio G3 font écho à ce qu'a pu vivre Acquire tout au long de leur carrière... en tous cas, je recommande chaudement. Sur ce, place aux jeux eux-mêmes, et à Way of the Samuraï, premier du nom.
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