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Commodore VIC-20
Le premier gros succès de Commodore, et l'un des premiers micro-ordinateurs à avoir conquis le coeur des joueurs.
Par Laurent (02 novembre 2000)

Préhistoire et naissance du VIC-20

Commodore Business Machines (CBM) est une compagnie qui fut créée, par Jack Tramiel, bien avant l'apparition des premiers mini-ordinateurs, à une époque (les années 50) où les premières machines à calculer étaient le summum de la technologie. En ces temps glorieux, les ordinateurs étaient des machines énormes qui occupaient des pièces entières pour une puissance de calcul dérisoire et fonctionnaient avec des relais à lampes (les transistors n'existaient pas) où venaient nicher des cafards (les fameux "bugs") perturbateurs. Seules les administrations et l'armée faisaient usage de tels monstres, qui coûtaient bien trop cher pour que de simples mortels puissent se les offrir et qui, il faut bien l'avouer, n'étaient d'aucune utilité pour eux. Ce n'est qu'après l'arrivée des transistors, qui ont permis la construction de "mini-ordinateurs", logiquement suivis par les microprocesseurs (qui ne sont qu'un nombre plus où moins important de transistors miniaturisés) que les "micro-ordinateurs" sont devenus familiers, dans les entreprises d'abord, puis auprès du public.

La boîte du VIC-20, l'Ordinateur Copain (source : http://www.groupe-parallele.com).

C'est à la fin des années 70 et au début des années 80 qu'ont été introduits sur le marché des micro-ordinateurs pré-configurés, conviviaux, aptes à être utilisés par le néophyte. Commodore s'est alors reconverti dans la micro-informatique, avec la série de micro-ordinateurs PET. En 1980, alors que les consoles sont déjà très répandues, peu de foyers possèdent un micro-ordinateur, et la plupart des gens ne perçoivent pas vraiment quelle pourrait être l'utilité de tels engins. Les fabricants vont alors rivaliser d'efforts pour les convaincre qu'un ordinateur est à la fois apte au divertissement, mais aussi à des fonctions pédagogiques auprès de leurs enfants. Commodore ne fait pas exception, et le VIC-20, lancé en 1980, est présenté dans les publicités comme un "ordinateur copain", appellation mûrement réfléchie par les spécialistes maison es marketing qui a pour but de convaincre à la fois les enfants et les parents. C'est la première fois, et le cas fera école, qu'une telle tentative d'anthropomorphisme est faite lors du lancement d'un micro. Le VIC-20 est équipé d'un microprocesseur Commodore 6502 cadencé à 1 Mhz, doté de 16 Ko de ROM et de 5 Ko de RAM, dont 3,5 disponibles sous Basic, qui arrivent vite à saturation mais peuvent être portés à 32 Ko. Il peut afficher une résolution bitmap de 176x184 en 16 couleurs, ou 22 colonnes de caractères 8x8 (23 lignes apparentes). Quant au son, il est très correct, avec 3 voies musicales et 1 de bruitages.

Le VIC-20. Source : http://www.groupe-parallele.com.

Bien qu'ils soient tous capables de diverses applications, les ordinateurs tels que le VIC-20 sortis au début des années 80 se définissent avant toute chose comme des consoles de jeu améliorées. Dotés d'un hardware plus généreux, ils s'avèrent capable de graphismes bien supérieurs que les consoles en vogue (Atari VCS 2600 et Odyssey 2), leurs jeux étant mis en avant comme produit d'appel, avant de passer aux applications professionnelles et éducatives qui justifient leur prix bien supérieur. Le VIC-20, à sa sortie, est donc un ordinateur aux performances satisfaisantes, quoique légèrement en retrait par rapport à celles de son concurrent direct, l'Atari 400. Le porte-parole de la marque, William Shatner (le capitaine Kirk de Star Trek !), le souligne bien dans une brochure publicitaire appelée "The wonder computer of the 1980s" : "Pourquoi se contenter d'une console de jeu ?", dit-il, tout en montrant du doigt un logo VIC-20 (Ne manquez pas la publicité vidéo visible sur Youtube).

Deux publicités pour le VIC-20, William Shatner est toujours de la partie.
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Si le VIC-20 mérite son statut d'ordinateur copain, c'est surtout grâce à la documentation qui est fournie avec, un véritable modèle de clarté et de pédagogie. Les manuels fournis expliquent le fonctionnement d'un ordinateur, la mise en œuvre et l'installation du VIC-20, et donnent d'excellentes bases de programmation en BASIC, langage résident de la machine, comme c'est la cas pour tous ses confrères.

Extrait du manuel du VIC-20. On peut voir que rien n'est oublié.

Le VIC-20 connaît rapidement après sa sortie un succès considérable, et laisse loin derrière lui l'Atari 400, plus coûteux et moins bien accueilli par la presse spécialisée. Ce sera le premier micro à dépasser le million d'exemplaires vendus. Fort de ses 25 ans d'expérience dans l'électronique, Jack Tramiel connaît des recettes imparables pour diminuer le prix de revient de ses machines, à commencer par ne pas sous-traiter la fabrication des composants, la multiplicité des intervenants étant signe d'augmentation des coûts. Commodore fabrique donc ses microprocesseurs, ce qui, grâce à un marketing habile, va aider à donner à la compagnie une image respectable en tant que fabricant d'ordinateurs, chose qui fait gravement défaut à Atari, que l'on associe trop au jeu.

William Shatner formé par Michael Tomczyk.
Source : http://www.michaeltomczyk.com.

Le parallèle entre le succès du VIC-20 et l'échec de l'Atari 400 est fascinant et paradoxal. On a là deux micros qui sont présentés comme des super machines de jeu ouvrant d'autres perspectives à long terme, mais seul Commodore saura ne pas abuser de cette forme de marketing, et se créer de toute pièce une aura de géant de l'informatique, alors qu'encore une fois, la société a prospéré, à l'origine, dans les machines à écrire, puis les calculatrices, le lancement du VIC-20 relevant plus qu'autre chose de l'opportunisme touche-à-tout.

Cela n'empêche pas le VIC-20, et après lui tous les autres ordinateurs de Commodore, d'avoir eu du succès grâce en premier lieu à ses jeux, jusqu'à sa disparition en 1984, après la sortie du Commodore 64 dont les graphismes et le son, exceptionnels pour l'époque, lui donnent un coup de vieux fatal.

Les jeux

Emballage de jeu sur cartouche, et screenshot du jeu Sidewinder.

Les jeux développés, en raison des capacités tout de même assez limitées de la machine, favorisent en général le plaisir de jouer au "m'as-tu-vu-isme" graphique. Ce sont en général de petits jeux rapides et très fun qui font appel aux réflexes et à la coordination. Il faut dire qu'à l'époque, les jeux vidéo ne procurent pas l'immersion à laquelle on est habitué aujourd'hui, leur intérêt reposant en général sur l'envie de battre le meilleur score, et faire partie d'une élite enviée. Pas d'exploration, pas de résolution d'énigmes, pas de scénario, les standards sont encore imposés par les jeux tels qu'ils se pratiquent en salle d'arcade. Toutefois, il y a quelque exceptions, comme Pharaoh's Curse, ainsi que quelques autres jeux de donjons, qui donnent au joueur un défi plus long et passionnant à relever.

Pharaoh's Curse.

Le VIC-20 utilise en général des jeux stockés sur cartouches ou cassettes. Au total, ce sont plus de 200 titres qui sont sortis en cartouches, auxquels viennent s'ajouter environ 500 titres sur cassettes, une ludothèque impressionnante avec laquelle aucune console ne peut lutter. Les jeux occupent en général très peu d'espace, ce qui rend leur utilisation sur cassette relativement confortable, à une époque où les lecteurs de disquettes sont très rares en dehors du domaine professionnel.

Le lecteur de cassette du VIC-20, utilisable aussi avec le C64
(source : http://dailyhodgepodge.files.wordpress.com).

L'émulation

Les bienfaiteurs de l'émulation VIC-20 se nomment Ward Shrake et Paul LeBrasse, qui entretiennent la mémoire du VIC-20 sur leur site Digital Archaelogy. Non contents d'avoir recensé tous les jeux du VIC-20 sortis en cartouches, ils en ont extrait les sources binaires, pour permettre aux générations futures qui trouveraient un VIC-20 dans leur grenier d'y jouer, et celles-ci se sont retrouvées rapidement disponibles sur le net. Bientôt sont apparus des émulateurs, et le VIC-20 renaissait de ses cendres. Les jeux en cassettes sont, quant à eux, en cours de réapparition, d'autant plus que leurs éditeurs, pour un bon nombre d'entre eux, ont autorisé leur diffusion.

Laurent
(02 novembre 2000)