Mastodon
Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
Mario & Luigi : Superstar Saga
Année : 2003
Système : GBA
Développeur : AlphaDream
Éditeur : Nintendo
Genre : RPG / Action
Par MTF (11 mars 2013)

Ces derniers temps, j'ai parlé des RPG issus de l'univers sucré et coloré de Super Mario Bros. J'ai évoqué le premier d'entre eux, Super Mario RPG, hélas quasiment inconnu en Europe du fait de son absence de localisation ; j'ai parlé de Paper Mario, hélas peu connu en Europe du fait d'une sortie tardive : je m'en vais à présent parler de Mario & Luigi: Superstar Saga, qui lui, je me plais à le croire, est davantage connu et gagne à être connu davantage. Comme j'avais évoqué, dans mon article sur Super Mario RPG, l'influence que le jeu de Square avait eu sur les futurs jeux de rôle Mario. Maintenant que je parle de Superstar Saga, il est temps de préciser ma pensée.

Un roi avait deux enfants...

Les fils de ce premier jeu de rôle se sont notamment répartis en deux familles, la famille Paper et la famille Superstar ; pendant très longtemps, ils avaient leurs terrains de chasse gardés, les premiers sur consoles de salon (N64, GameCube, Wii), les seconds sur consoles portables (Game Boy Advance, DS), règle tacite que seul le récent Paper Mario: Sticker Star sur 3DS a enfreinte. Et, nonobstant cette exception récente et remarquable, les spécificités de chacun étaient relativement claires : Paper Mario se concentrait davantage sur l'histoire, Superstar Saga sur le gameplay. Ce n'est pas dire que l'un n'a pas d'idée de gameplay, et que le second n'a pas d'idées d'histoire mais il me semble que leur différence vient bien, à la base, de deux conceptions différentes du jeu vidéo. Paper Mario, comme je l'expliquais dans mon article, n'utilisait pas réellement, du moins dans sa première itération, le gameplay de l'univers de « papier » à son profit, préférant se concentrer sur sa narration et la variété de ses situations, chose portée au paroxysme dans ses suites : son gameplay, en soi, ne différait pas fondamentalement de n'importe quel autre jeu de rôle au tour par tour et ce bien qu'on y jouait avec plaisir.
Superstar Saga, au contraire, délaisse parfaitement ou, du moins, place l'histoire au second plan pour davantage se concentrer sur son gameplay : la narration est saccadée, parfois même redondante mais le gameplay est quant à lui d'une originalité incroyable. Débarrassons-nous alors de l'histoire rapidement : une odieuse sorcière nommée Graguémona (Cackletta en anglais) a volé la voix de la Princesse Peach pour accomplir un sombre dessein. Les plombiers iront donc à sa poursuite dans le proche Royaume de Végésia (Beanbean Kingdom) pour tenter d'arranger les choses. Si l'histoire, en elle-même, est relatée sous l'angle de l'humour et si, régulièrement, l'on trouvera des répliques rigolotes ou des situations incongrues, j'avoue que j'ai eu énormément de mal à me passionner pour l'intrigue dans sa globalité. Ce sont plutôt des petits instants que l'on retient et moins l'ensemble de la tapisserie, assez convenu et sans surprise aucune. Non : là où le jeu tire toute sa quintessence, c'est concernant sa jouabilité unique ; du moins, je ne me souviens pas de jeux antérieurs exploitant cette idée aussi bien.

Si l'histoire commence en terrain connu, l'essentiel sort des sentiers balisés de la série, même si le style est assez proche. Un bon point pour l'effort, cependant.

I am number one too !

Vous aurez noté que j'ai écrit plus haut « les plombiers » car oui, ce ne sera pas ici seulement Mario qui viendra sauver l'univers, mais également son frangin Luigi qui, pour l'une des rares fois de sa carrière, si l'on enlève quelques jeux ludo-éducatifs et le fabuleux Luigi's Mansion, tient un rôle de premier plan dans un jeu vidéo. En effet, les frères devront ici s'entraider et se soutenir au cours de cette longue aventure, et ils seront même ici sur un pied d'égalité : il ne s'agit pas, comme dans les Paper Mario de contrôler le p'tit rouge et de le faire suivre par un compagnon de second ordre, mais bien d'un acolyte au même titre que l'étaient Geno ou Mallow dans Super Mario RPG. Les frangins pourront alors tous deux sauter à des hauteurs défiant l'imagination pour vaincre les ennemis ou user de leurs marteaux - encore une relique du jeu de Square, comme quoi, les habitudes ont la vie dure - et progresser main dans la main. L'une des rares différences entre les frères du point de vue du gameplay viendrait des attaques élémentaires qu'ils peuvent lancer : si Mario brûle tout ce qu'il touche comme on peut s'y attendre, Luigi sera lui le maître de l'électricité. Je ne crois pas me souvenir d'un autre jeu où Luigi possède ce pouvoir, aussi nous aurions bien là une création parfaitement originale de la part d'AlphaDream.
Ainsi, les plombiers apparaîtront constamment ensemble sur l'écran de jeu, que ce soit au cours des phases de plateformes que de celles de combat, l'un suivant docilement l'autre même si à tout moment il est possible de permuter leurs positions. L'on aurait pu s'attendre, avec plusieurs personnages à l'écran, à ce que le joueur ne contrôle que le premier, le second le suivant docilement comme dans un Donkey Kong Country ou, plus simplement, comme dans Paper Mario ; cela n'est que partiellement vrai. Si, effectivement, dans les zones d'exploration, le pad directionnel permet de diriger d'un seul tenant les deux héros, le second suivant le premier sans le lâcher d'une semelle, chacun des plombiers aura son propre bouton de saut : A fait sauter Mario, et B fait sauter Luigi. Déjà, la chose devrait surprendre. Cela rend la progression très particulière, puisqu'il faut apprendre non pas à appuyer sur les deux boutons en même temps mais successivement quand on veut traverser un gouffre, en prenant garde à appuyer sur celui du personnage « meneur » en premier, puis immédiatement après le second. En combat, la chose est même poussée à son paroxysme, puisque les frangins se contrôleront indépendamment concernant leurs attaques et leurs esquives : bref, tout est fait pour faire des frères deux entités indépendantes ayant chacun leurs capacités propres. Outre cette différence élémentaire que je pointais plus haut, les « statistiques » de combat vont également quelque peu dans ce sens : Mario est le rapide du duo alors que Luigi a tendance à faire plus de dégâts même si, étant donné que l'on peut à chaque montée en niveau choisir quelle statistique l'on peut augmenter en plus, il est possible d'aplanir légèrement cette nuance.

À chaque montée de niveau, vous pourrez choisir d'octroyer des points bonus à une statistique en particulier. À droite, un saut-toupie, réalisable avec les deux plombiers uniquement.

Leurs personnalités sont également assez marquées, avec un Mario assez courageux voire tête brûlée et un Luigi considéré comme un sous-fifre et se prenant constamment les pieds dans le tapis. Étrangement et c'est même surprenant, la meilleure partie de l'histoire du jeu doit provenir de la façon dont les plombiers interagissent l'un avec l'autre. De nombreuses saynètes dignes d'un film de cinéma muet où gags visuels, déformations et cascades sont à l'honneur surviennent très régulièrement, et ils se parlent dans une sorte de galimatias ou de sabir italianisant irrésistible qui m'a toujours fait pensé, en esprit, à Chapi-Chapo.
Il est heureux d'ailleurs que cette personnalité, et cet humour, se ressente non seulement lors de l'avancée de l'intrigue mais aussi au sein des combats, lorsque les « bros » donnent des coups de marteau, utilisent un objet ou effectuent une attaque de concert, mais nous viendrons à cela dans un instant.

No damage run complete !

La progression du jeu, sinon, est relativement classique pour un RPG : les frangins vont donc parcourir le Royaume de Végésia de long en large, alternant plaines, cavernes, villages et donjons jusqu'à la fin du jeu en affrontant ennemis et boss de plus en plus forts. Il n'y a rien de bien exceptionnel là-dedans si ce n'est un moment, à la fin du jeu, qui s'avère particulièrement fainéant puisqu'on vous demandera, comme sorti d'un chapeau, de revisiter cinq zones précédentes pour trouver des objets de quête inutiles et accéder au dernier donjon. Je dis cela en passant, mais j'avoue que cela peut réellement être un argument pour arrêter une partie pourtant bien avancée si jamais l'on n'était guère transporté par le reste (me concernant même, alors que je suis grand admirateur du jeu, c'est toujours un calvaire lorsqu'approche cette séquence...) ; c'est de plus une astuce relativement faible pour ajouter deux ou trois heures de durée de vie à un jeu qui n'avait rien à prouver sur ce plan-là. Passons.
L'exploration des zones, cependant, est assez intéressante : elles sont vastes, garnies de secrets et, surtout, les frères obtiendront au fur et à mesure du temps des capacités spéciales et novatrices pour progresser, rendant même agréables le retour vers d'anciennes zones pour ouvrir un nouveau chemin, comme un « high jump » (Luigi se servant de Mario comme d'un marchepied) ou un « spin jump » (Mario grimpant sur les épaules de Luigi qui se met alors à tourner comme une toupie) permettant de traverser de grands gouffres et même, peut-être la scène la plus originale de toute, de faire du surf... mais je vous laisserai découvrir comment la chose est mise en scène. Croyez-moi, cela vaut le détour. Au fur et à mesure des combats, les frères vont gagner de l'expérience, augmentant ainsi leurs statistiques générales - qui restent très classiques encore une fois, si ce n'est la valeur « Moustache » qui permet d'avoir des ristournes dans les magasins -, leurs points de vie et leurs points de magie qui permettent de lancer les fameuses attaques combinées. En cours de combat, comme je l'ai dit, les frères pourront sauter sur les ennemis, donner des coups des marteaux et utiliser des attaques dites « duo » où ils vont faire une petite chorégraphie pour se propulser tous deux avec force sur les adversaires. Le jeu gère les paramètres introduits par Paper Mario, à savoir la hauteur des ennemis par rapport au sol et la présence ou non de pics sur leur tête et les « commandes action » sont encore de la partie pour augmenter les dégâts faits, chaque frère ayant, comme dit, un bouton dédié. Les attaques duo, en revanche, nous demandent d'effectuer une combinaison parfaite entre les touches pour réussir l'attaque, et se complexifient au fur et à mesure du temps pour les attaques les plus puissantes. Par exemple, Luigi saute sur le dos de Mario (bouton B), Mario le réceptionne en vol (bouton A) et ils se jettent ensemble sur l'ennemi (bouton A et B). Le timing demandé connaît trois niveaux d'exactitude (Bon, Génial et Super) et ce seront des successions de cinq touches qu'il vous faudra apprendre à la fin du jeu pour pouvoir infliger un maximum de dégât : si vous rêviez d'une carrière de prestidigitateur, ce jeu a tout de l'entraînement idéal. Cependant et en revanche, là où Superstar Saga tire véritablement son épingle du jeu, c'est concernant la défense face aux ennemis.

Sautez au bon moment pour éviter le boulet ! À droite, une attaque combinée. Contre les boss, c'est un must-have.

Dans les RPG Mario, il est possible depuis le premier épisode et grâce aux « commandes action » de réduire les dégâts faits par les ennemis, du moins les dégâts physiques, en appuyant sur un bouton au bon moment. Mais malgré tout, on perdait toujours un peu de vie. Dans Superstar Saga, en s'y prenant bien et en connaissant le jeu, il est possible de traverser l'aventure sans avoir perdu un seul point de vie. En effet, toutes les attaques, et je dis bien toutes les attaques, que ce soit celles des premiers ennemis ou du dernier boss, qu'elles soient physiques ou magiques, peuvent être évitées voire renvoyées pour blesser l'adversaire. Au moment où l'adversaire agit, il y a toujours un indice, quelque part, dans la façon qu'il a de bouger ou une couleur qui apparaît sur son corps qui permet de savoir s'il attaquera Mario, Luigi ou les deux frères et d'agir en conséquence. Si le jeu sélectionne pour vous quelle réplique donner, s'il s'agit de sauter ou d'utiliser le marteau, il vous faudra en revanche composer avec les timing très particuliers, voire contre-intuitifs parfois des dites attaques, les ennemis et surtout les boss ne manquant jamais de vous surprendre, surtout quand la fin du combat approche.
Il reste que les combats déjà dynamiques de Super Mario RPG ou de Paper Mario deviennent ici de véritables ballets chorégraphiés où votre observation ainsi que vos réflexes seront mis à rude épreuve. Je dirais même que cette nécessité d'être constamment sur ses gardes lorsqu'on affronte un ennemi participe grandement à « l'amour » que l'on peut avoir pour le jeu. On peut même se permettre de foncer en évitant tous les combats facultatifs et se concentrer sur les boss, et, si l'on parvient à éviter toutes les attaques, à finir le jeu malgré tout. Les développeurs vous encouragent même à faire cela, en vous opposant à des ennemis « réguliers » qui font très tôt beaucoup de dégâts si vous n'apprenez pas à éviter leurs attaques, vous amenant à apprendre l'art délicat de l'esquive dans l'espoir de progresser sans vous obliger à gagner des niveaux de façon rébarbative. On évite, ainsi, un défaut souvent évoqué par les réfractaires au genre, qui ont tendance à se sentir, avec raison parfois, pieds et mains liés, attendant patiemment que l'ennemi attaque sans que l'on ne puisse réagir. Ici, rien ne pourra vous empêcher de briller.

Si ce n'est dans cette série, le Royaume de Végésia ne fera pas d'apparition ailleurs dans les autres jeux Nintendo. Curieux, compte tenu que méme Paper Mario a une petite mention dans la série Smash Bros. Sinon, à droite, un ennemi qui me dit vraiment quelque chose...

Quelque part et sans que l'on ne s'en rende compte sur l'instant, Superstar Saga est parvenu à faire non pas un jeu de rôle avec des phases de plateformes, mais un jeu de plateformes assez solide avec des combats au tour par tour où votre agilité et votre capacité à lire la situation de jeu vous sauveront la mise plus d'une fois.

Le cousin que l'on ne voit pas trop

Graphiquement et musicalement très bien léché sans être pourtant m'as-tu-vu, le mot qui me viendrait à l'esprit concernant ces aspects techniques serait « efficace » : ni magnifique, ni spécialement moche, il reste cependant un pur représentant du « blue sky in video game » en nous dépeignant un univers bigarré et joyeux, parfois surprenant dans ses partis-pris architecturaux mais sans que rien, hélas, ne se démarque largement du lot. Comme je l'ai dit, c'est plutôt la mécanique de gameplay et la relation amusante et touchante que les frères construisent entre eux qui tirent véritablement le titre vers le haut et lui permet de se hisser au rang des must have de la console portable de Nintendo qui, si on y pense, n'a pas eu énormément de jeux Mario parfaitement originaux, la majeure partie d'entre eux étant des portages de ses anciennes gloires sur Nes et Snes. Il serait alors assassin de passer à côté de cet épisode magistral qui pourrait bien vous réconcilier avec les RPG si jamais vous n'aimiez pas le genre.

Quelques minis-jeux scandent votre progression. Ils restent cependant assez anecdotiques. L'architecture, de même, prend parfois quelques risques, mais reste globalement dans le très classique.

Malheureusement, je ne saurai que trop vous conseiller de n'essayer que celui-ci. De la même façon que pour Paper Mario, ses suites n'ont jamais été réellement à la hauteur de l'original : elles le copient sans jamais pouvoir l'égaler. C'est toujours le problème lorsqu'un développeur place la barre trop haut pour la première fois, tout paraît alors bien fade à ses côtés.
Aussi, si jamais vous trouvez, en occasion ou ailleurs, une Game Boy Advance à prix cassé et que vous désirez vous essayer à un jeu original et exclusif, foncez sur Mario & Luigi: Superstar Saga. Même si, aujourd'hui, sa renommée est établie, il ne me semble pas occuper le cœur des discussions des joueurs, et je parie alors qu'on apprendra à le redécouvrir à l'avenir, car ses qualités sont réelles et intemporelles. De temps à autres, je prends plaisir à y revenir, retrouvant au fond de mon être cette petite sensation de douceur sucrée qui fait tant de bien au moral.

MTF
(11 mars 2013)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Certaines images proviennent du site jeuxvideo.com.
Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum
(8 réactions)