Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par PetitPrince (26 mars 2007)
Certains sont mondialement connus : Counter-Strike, DotA Allstars, Team Fortress. D'autres sont devenus des jeux commerciaux : Red Orchestra, Gunman Chronicles, GTR. Ce sont ce qu'on appelle des mods, abréviation de "modification". De petites modifications à un lifting intégral de l'apparence et du gameplay, les mods peuvent radicalement changer l'essence d'un jeu vidéo. DéfinitionAvant d'aller plus loin, il serait bon de définir ce qu'est un mod. En effet, si le terme est plus ou moins compris par le commun des joueurs confirmés, la palette de différences entre "niveau de liberté accordé au joueur" et "mod" est large. Si Max Payne - Kung-Fu Edition v3.0, mod permettant d'ajouter des mouvements d'art martiaux à ce cher Max, est incontestablement un mod, que penser des modifications d'interface de World of Warcraft ? Le sous-titre du site www.worldofwar.net est pourtant bien "The WoW community mod site" ! Alors, "skin" ou "mod" ? Tout au long de ce dossier, j'ai pris la définition du mod comme étant la suivante: C'est une création d'un joueur modifiant un jeu vidéo, développé dans l'optique d'être gratuitement distribué (mais pouvant être commercialisé par la suite), créé avec ou sans les outils spécifiques fournis par les développeurs du jeu original, visant à modifier de manière significative l'expérience de jeu voulue par le jeu original. J'ai hésité à mettre "voulue par les développeurs", mais certaines fois, les impératifs des distributeurs forcent ces développeurs à sortir des produits inachevés... Dans tous les cas, les mods sont des créations des joueurs, complètement indépendantes des développeurs (ceux-ci ne peuvent prévoir l'impact d'un mod sur le jeu). Voici quelques exemples, et par la même occasion j'en profite pour faire un petit tour d'horizon loin d'être exhaustif, de ce qu'on peut trouver comme mod : les modifications d'interface peuvent être considérées comme des mods mais les bannières créées pour orner les véhicules de Mario Kart DS ne le sont pas. Le cas des skins est plus délicat : si parfois ce n'est qu'un lifting esthétique pour obtenir un résultat plus réaliste, gore voire mignon, une apparence différente peut parfois réellement influencer le jeu (aaah, enfin pouvoir refaire le duel Darth Maul vs. Qui Gon Jinn et Obi-Wan dans Jedi Academy ! Plus sérieusement, les brightskins pour Quake peuvent réellement influencer le gameplay). Les patchs non-officiels créés pour corriger des bugs (je pense à Vampire Bloodlines) ou pour rétablir du contenu présent mais caché (je pense à Knights of the Old Republic 2 mais aussi au tristement célèbre Hot Coffee pour GTA: San Andreas) peuvent être considérés comme des mods. Des mods plus conventionnels ajoutant des armes ou des cartes sont bien évidemment des mods. Certains me diront "Minute papillon ! Est-ce que des cartes créées par des joueurs modifient vraiment l'expérience de jeu ?". Évidemment, cela dépend de la carte créée et de la puissante de l'outil de création. Mais même sur certains jeux très anciens, il peut y avoir des surprises : les cartes dédiées au trickjumping (Quake) sont-elles vraiment proches du but premier du jeu (s'étriper la figure avec des armes de destruction massive) ? Une dernière catégorie de mod, très prestigieuse (quand son développement arrive à sa fin !) : les totals conversions. Dans ce type de mod, peu de choses du jeu original sont conservées, sauf le moteur graphique. Un des exemples les plus frappant est Alien Swarm (un des vainqueur du concours Make Something Unreal) pour Unreal Tournament 2004 : d'un FPS opposant 2 camps s'étripant, on se retrouve avec un jeu coopératif avec une vue à la Gauntlet ! Les débutsLe premier mod remonte aux années '80. 1983, pour être plus précis. Andrew Johnson, Preston Nevis et Rob Romanchuk, alors lycéens, sont fiers de leur Apple ][ et s'amusent comme des fous sur divers jeux. Parmi ceux-ci, l'un d'entre eux en particulier retient leur attention : Castle Wolfenstein (ce même Castle Wolfenstein qui inspirera le Wolfenstein 3D d'id Software, qui lui-même jouera un rôle important dans le modding des jeux-vidéo... drôle de coïncidence !). De leurs propres mots: "Castle Wolfenstein était terriblement fun et addictif, mais quelque chose manquait. Les Nazis ne semblaient juste pas assez menaçants pour des gosses du début des années '80. Les Schtroupmfs : ça, c'était la vraie menace. Le premier mod ? Même si beaucoup de gens pensent que c'est effectivement le cas, non ! Cette même fine équipe avait déjà moddé un autre jeu: Dino Eggs. Dans le même état d'esprit, ils ont "schtroumpfisé" l'entièreté du jeu. Un autre mod a fait date comme étant un des premiers. Et ce n'est pas un mod obscur d'un obscur jeu vidéo. Il s'agit ni plus ni moins de MS. Pac-Man ! Bon, en réalité, MS. Pac-Man ne suit pas la définition du mod donnée plus haut, du fait de l'optique commerciale prise dès le départ du développement. Toutefois, c'est une histoire intéressante digne d'être racontée : Au départ, il s'agit simplement d'un hack de Pac-Man, nommé Crazy Otto, créé par la General Computer Corporation (GSC). GSC, impressionné par la qualité de Crazy Otto, décida de le montrer à Midway, le distributeur officiel de Namco aux États-Unis. C'était risqué, mais les droits d'auteur relatifs aux jeux-vidéos étaient encore flous à l'époque. Fort heureusement pour GSC, Midway commençait à s'impatienter quant à l'arrivée de la suite de Pac-Man, Super Pac-Man, dans les bars américains. N'ayant plus rien à se mettre sous la dent, et peut-être pour faire patienter des joueurs en manque de wakka wakka, Midway accepta de distributer Crazy Otto, en changeant toutefois les sprites afin qu'ils deviennent plus "pac-manesque". id, Epic, Valve: Le Triumvirat ModesqueIl n'y a pas de véritable histoire des modifications dans le jeu vidéo. Le mod d'un tel jeu peut bien sûr avoir une influence sur un mod futur d'un autre jeu, mais les mods sont plus souvent des oeuvres isolées de groupes de passionnés sans connections entre eux. Toutefois, du côté des développeurs, trois acteurs majeurs ont grandement participé à la popularisation du phénomène : il s'agit d'id Software (id en minuscule !), Epic (Mega)Games et Valve. id Software, pionniers du modMis à part les 2-3 exemples cités plus haut, l'histoire du début des mods est peu documentée, notamment en raison de leur faible nombre. Il y a bien le Bard's Tale Construction Set, mais à part lui, pas grand-chose. Quoiqu'il en soit, le véritable premier boom des mods survient en 1993, avec un jeu qui a donné au genre non seulement son nom, mais également ses titres de noblesse : Doom. Avant d'aller plus loin, revenons sur le développement du jeu. Une fois Wolfenstein 3D et sa suite Spear of Destiny commercialisés, id constata avec surprise que ses jeux étaient hackés. Outre les traditionnels cracks et autres pirateries du genre, il y avait également un autre type de modification : de nouveaux niveaux, de nouvelles armes, de nouveaux graphismes étaient apparus, remplaçant ceux déjà existant. Certains auraient attaqué en justices les petits malins qui avaient réalisé cette prouesse, mais id avait fleuré le bon filon et a donc codé le moteur de Doom dans cette optique, en séparant le moteur du jeu des fichiers contenant les cartes des niveaux, les graphismes et les sons. Ces derniers étaient stocké dans des fichiers WAD (contraction de "Where's All the Data ?"). Bientôt, de nombreux WAD au contenu modifié furent échangés sur le web. Et ils le sont toujours aujourd'hui. Quelque mots de John Carmack (programmeur principal de génie d'id Software) : "Le hacking de Wolfenstein n'était pas prévu, mais à partir de ce moment, DOOM a été conçu dès le départ pour être modifié par la communauté.[...] J'ai envoyé quelques trucs à certaines personnes qui ont créé des outils pour Wolfenstein, mais finalement, c'est un groupe de personne totalement différentes qui ont fait la majeure partie du travail sur DOOM.Le code source original que j'ai distribué pour faire un outil pour BSP [Note : les fichiers .bsp sont les fichiers contenant les cartes] était en objective-C, ce qui n'était pas quelque chose qui aide beaucoup, mais ça n'a pas pris longtemps aux gens de produire leurs propres outils.[...] Je me souviens toujours de la première fois que j'ai vu le mod Star Wars pour DOOM. Voir que quelqu'un a pu mettre l'Etoile de la Mort dans notre jeu était extraordinairement cool. J'étais tellement fier de ce qui avait été rendu possible et j'étais absolument sûr que faire des jeux pouvant servir de cadre pour le travail d'autre gens était la bonne direction à prendre.Dhacked [NdPP:DeHackEd est un outil permettant de modifier Doom à travers son exécutable (le .exe) et non pas à partir de ses WAD] était une surprise pour moi, et je l'ai toujours vu comme quelque chose qui n'aurait peut-être pas dû voir le jour. Je n'aime pas trop la modification des exécutables. Ça a clairement montré que les gens étaient intéressés par plus de contrôle et ça a donc probablement marché en faveur d'une plus grande liberté [de moddage] avec Quake." Plus de liberté ? Effectivement ! Le tremblement QuakeQuake est sorti en 1996, peu après Final Doom, le dernier jeu en d'ID Software utilisant le Doom Engine. Inutile de vous faire un topo sur le jeu lui-même, je vous renvoie à l'article le concernant. A propos des mods... et bien pour tout vous dire, c'est après la sortie de QuakeWorld (une version du jeuspécialement programmée pour le multijoueur) que le développement des mods s'est vraiment mis en route. Certains d'entre eux sont encore joués aujourd'hui, soit sous leur forme originale, soit sur une de leur conversion ou de leurs dérivés. Quelques noms mythiques : Rocket Arena, Team Fortress... et un nouveau mode de jeu que vous ne vous attendiez peut-être pas à lire ici : le Capture the Flag ! Certes, le CTF n'a pas été inventé avec le mod Threewave's CTF pour Quake (la palme revient à Rise of the Triad, un FPS développé avec le moteur de Wolfenstein 3D), mais c'est vraiment avec celui-ci que le mode s'est popularisé. Au point de devenir un des standards des FPS multijoueurs ! Mais un adversaire de taille se profilait déjà à l'horizon... (oh ça va hein, j'essaie de faire des accroches). Une compétition EpicCet article commençant furieusement à ressembler à une refonte de l'article sur id Software, je vous propose de passer à une autre société: Epic Megagames, déjà connue pour des titres aussi sympathiques que Jazz Jack Rabbit, Jill of the Jungle, Epic Pinball et One Must Fall 2097. Nous sommes le 22 Mai 1998. Half-Life n'est pas encore sorti, Quake II l'est, et s'annonce déjà comme un monstre. Le 22 Mai donc, sort un titre qui fera date : Unreal. Son moteur graphique est supérieur à celui de Quake II, même s'il demande un PC bien musclé. C'est d'ailleurs en jouant à Unreal que j'ai pour la première fois été bouche bée devant un jeu-vidéo (la chute d'eau en sortant du vaisseau). Et surtout, l'éditeur, UnrealEd, bien qu'instable, est bien plus efficace que celui de Quake. Pour preuve, la liste des jeux annoncés comme utilisant le Quake II Engine (qui compte le tristement célèbre Daikatana, SiN...) est bien plus réduite que celle listant les jeux powered by Unreal Engine (le prestigieux Deus Ex, Rune...). Même si aucun mod pour Unreal n'a laissé de trace dans l'histoire, son successeur, Unreal Tournament, qui utilise toujours l'Unreal Engine, fut lui entièrement dédié au jeu multijoueur, et avec lui, aux mods. Une semaine plus tard sortait Quake III, qui suivait exactement le même credo... Finalement, qui gagna la bataille ? Epic,en sortant Unreal Tournament 2003 en 2002 (ouioui, moi aussi j'aime la logique) puis sa suite UT2004 un an après, dama le pion à id. Pendant ce temps, Doom 3 était toujours en développement... Mais de toute façon, id ne cherchait pas vraiment la concurrence, voulant avec ce remake se tourner à nouveau vers le jeu solo. La palme revient donc à Epic, qui de plus soutient activement sa communauté de moddeurs, notamment en organisant le concours "Make Something Unreal" (qui a quand même mis en jeu 1 millions de dollar et une licence Unreal Engine). Reste que cette compétition fut une saine compétition, et la production des deux côtés fut incroyablement riche. Quelques exemples chez id : Jailbreak (Quake 2), une violente variante de la balle au prisonnier où l'on se tire littéralement des balles dessus (le développement sera redirigé par la suite sur UT), Q2CTF (Q2) et son grappin permettant de se déplacer très vite, Weapons Factory (Q3), Urban Terror, un mod dans la lignée de Counter-Strike mais en plus nerveux, Rocket Arena 3 (Q3), la suite de Rocket Arena pour Quake 1 qui repense entièrement le mode deathmatch : tous les joueurs commencent avec les mêmes armes, le même niveau de vie et d'armure ; seul le skill compte. Et chez Epic: Monster Hunt, mod coopératif où les joueurs s'allient contre des vagues de monstres, Tactical Ops, l'équivalent de Counter-Strike, Thievery UT (UT) qui mime le comportement de Thief, et bien sûr le gagnant du concours Make Something Unreal : Air Bucaneers, qui transforme radicalement en mettant les joueurs dans un contexte de ballon à air chaud et pirate, Alien Swarm, un gauntlet-like futuriste, et Red Orchestra, mod sur la 2ème guerre mondiale hyper-réaliste. La Valve de sécurité - Counter-Strike - Valve, la consécrationInutile de rappeler l'histoire du développement d'Half-Life (HL1). Mais s'il faut bien retenir une chose, c'est ceci : le moteur d'Half-Life, GoldSrc – pour l'anecdote, il s'agit du nom du fichier contenant le code source final -, est une version hautement modifiée du Quake Engine. Qu'est-ce que cela implique ? Réponse toute bête : les outils utilisés pour le modding sont très proches ! Tellement proches que certaines versions de Worldcraft, à la base un éditeur de niveau tiers utilisé pour Quake mais racheté par Valve pour devenir l'éditeur officiel d'HL, était également compatible avec Quake... et Quake 2 ! Conséquences: les moddeurs d'HL se trouvent déjà en terrain connu, et peuvent créer des mods avec aise. D'ailleurs, parmi les premier mods créés pour HL, on retrouve Team Fortress Classic, un portage du Team Fortress de Quake 1 (avec l'aide de Valve, tout de même). On peut également noter Action Half-Life, qui se trouve être la "suite" d'Action Quake 2 (AQ2). C'est un mod extrêmement populaire qui a pour but de re-créer l'ambiance des films d'action d'Hollywood et de Hong-Kong. Vous vous doutez que je n'ai pas cité AQ2 par hasard. Ceux qui pensent qu'il a joué un rôle capital sur la scène du mod ont eu raison : en effet, dans son équipe de développement, on trouve un certain Minh Lê, sûrement plus connu sous son nom de scène, "Gooseman". Ce pseudonyme cache en fait le développeur principal du mod le plus célèbre, le plus joué, le plus aimé et le plus haï, le plus "lol jte niaue q lq kqlqsh" de tous les temps. Je parle bien évidemment du monstre Counter-Strike. On pourrait se demander pourquoi CS est sorti sur Half-Life et pas sur un autre jeu. Réponse de l'auteur lui-même: Même si au départ, Counter-Strike était un mod comme un autre, il avait à sa tête un vétéran du mod, et une bonne maîtrise du hype, avec des distributions d'image et de vidéo avant même la sortie de la première version. Mais bien entendu, CS n'est pas devenu ce qu'il est aujourd'hui tout seul. Le gameplay des premières versions était particulièrement déséquilibré. Mais d'update en update, CS a su parvenir un équilibre qui attira de plus en plus de joueurs. Ce qui n'empêcha pas Gooseman d'y intégrer une part de lui-même : En quelques mois, CS est devenu extrêmement populaire, notamment grâce au bouche à oreille et aux magasines de jeu vidéo, pour finalement dépasser le leader du moment (Team Fortress Classic). Commentaire de Jess Cliffe, le monsieur Counter-Strike n°2, interrogé à propos du moment où ils se sont rendu compte que CS était un succès : Finalement, le 12 Avril 2000, Valve propose à l'équipe Counter-Strike d'intégrer officiellement leur jeu à un patch d'Half-Life, après 20 versions BETA du mod. À l'heure de la création de ce dossier (Noël 2006), après une version commerciale pourrave, après un passage sur X-Box et une conversion sur le moteur d'Half-Life 2 (qui n'a pas apporté grand chose au gameplay, soit dit en passant), après avoir apporté tout une brique (ou plutôt un mur entier) à l'histoire du pro-gaming, Counter-Strike est toujours le jeu le plus joué sur Internet (NDT : Hors-MMO) et en compétition.
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