Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (30 septembre 2022) Il y a de cela quelques années, j'avais parlé de deux jeux d'aventure importants pour l'histoire du jeu vidéo : King's Quest, premier du nom, qui est reconnu comme le premier jeu d'aventure graphique à éléments animés ; et King's Quest V, qui fut le premier à se dispenser de commandes textuelles au profit d'une interface iconique qui fera école. Entre ces deux titans, je veux parler aujourd'hui de King's Quest IV, peut-être moins cité dans les encyclopédies mais à l'importance, pourtant, tout aussi considérable. Deux choses sont effectivement à noter ici : techniquement, le jeu a été l'un des premiers à supporter, sur ordinateur, les cartes son et autres périphériques du temps type sound blaster ou MT-32. Ensuite, et notablement, il s'agit de l'un des premiers jeux d'aventure, si ce n'est le premier, à nous faire diriger une femme, et non un homme, en la personne de la princesse Rosella, fille du roi Graham. Comme on le voit, King's Quest IV reprend à son compte tout un fonds mythologique médiéval, présent depuis les origines, avec ces histoires de bonnes fées, de sorcières, de miroirs enchantés. On rajoutera ici des licornes, Cupidon, Pan, une baleine géante qui nous gobe comme Jonas et même des zombies, dans une sorte de mic-mac délirant qui ne se soucie plus guère d'une quelconque cohérence, voire d'une quelconque narration suivie. Depuis le premier épisode, et cela ne s'est jamais vraiment démenti tout au long de la saga des King's Quest, Roberta Williams s'est toujours plus intéressée aux situations de jeu qu'aux intrigues ou à son univers à la géographie fantasque, aux règles changeantes et à la continuité discutable. Si cela apparaît clairement aujourd'hui, il faut se rappeler qu'à l'époque, nous n'en avions cure : tout ce qui nous importait, c'était les énigmes, le dépaysement, l'inventivité. Et avec cet épisode, nous avons clairement tout cela. Ludiquement, le jeu ne se démarque pas franchement des épisodes précédents. Notamment, on dirige toujours le personnage au clavier, et un interpréteur syntaxique vous permet d'interagir avec l'environnement. La qualité de ce dernier s'est notoirement améliorée, et il accepte à présent bien plus de mots et de verbes qu'auparavant. C'est globalement une bénédiction, tant l'on sait, dans les jeux antérieurs, que l'on pouvait échouer non parce qu'on n'avait pas la bonne idée, mais qu'on ne savait pas la formuler. En contrepartie, le système est occasionnellement un peu trop permissif. On peut ainsi indistinctement utiliser les termes « girl », « women », « grandma »... pour interagir avec n'importe lequel des personnages féminins du jeu, ce qui est pour le moins surprenant. Le jeu se rattrape, si l'on peut dire, en exigeant encore une grande ingéniosité quant aux commandes qu'il faut rentrer, mais cela facilite grandement nos premiers pas dans cet univers. Au rang, également, des décisions de design particulièrement imbéciles, il faut citer un certain nombre de situations aléatoires qui viennent sincèrement influencer le plaisir de jeu. Beaucoup de personnages importants apparaissent, ou non, dans certains écrans, et autant l'on peut les croiser dès la première fois, autant on peut les chercher longtemps. La palme revient cependant à ce ver de terre qu'un merle fait sortir du sol, et que l'on doit absolument récupérer pour progresser dans la partie. Certaines fois, je l'obtiens après une ou deux minutes de jeu ; parfois, il me faut faire des aller-retours pendant dix minutes pour avoir la chance de le croiser. Je n'ose cependant imaginer, à l'époque et sans guides en ligne, comment l'on pouvait deviner cela, comme on peut errer longtemps sans rencontrer ce qu'il nous faut. Je peine cependant à considérer King's Quest IV comme étant le plus difficile de la série, et ce malgré ce que je viens de dire. Il faut dire, à sa décharge, que les épisodes précédents avaient mis la barre très haut, et que l'on ne pouvait guère que redescendre. En toute franchise néanmoins, et nonobstant cet épisode, fameux, de l'île déserte et de la baleine (qui sera même parodié dans Leisure Suit Larry 3), ou bien de la pelle qui se brise inexplicablement au bout de cinq utilisations, il y a moins de situations bloquantes. On meurt souvent, en revanche ! Rosella finit noyée, dévorée par les requins, les trolls, les molosses, tombe dans les précipices, se fait dévorer par les ogres... et se fait même transformer en zombie. Jamais personnage de jeu d'aventure n'aura été aussi malmené, à se demander si Roberta Williams n'y prenait pas un plaisir particulier. L'effort est cependant d'autant plus volontaire, que le jeu est techniquement bluffant. Pour son époque, certes et déjà : sa compatibilité avec les cartes sons autorise des compositions franchement merveilleuses, que je vous invite à écouter ci-dessous, et l'engin SCI de la compagnie produit à présent des chefs d'œuvre graphiques qui rendent le jeu particulièrement plaisant. Il était impressionnant en 1988, il demeure aujourd'hui coloré et chatoyant, digne représentant d'une esthétique « retro » à laquelle j'ai toujours été sensible. Après mon parcours des quatre premiers épisodes « classiques » de la série, nul doute pour moi que King's Quest IV mérite encore largement le coup d'œil. Il fut reçu particulièrement bien dans la presse de l'époque et se vendit à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires. On comprendra aisément les raisons de ce succès aujourd'hui, et même s'il a incontestablement vieilli au regard de nos habitudes contemporaines, il se dégage toujours de cet épisode un je-ne-sais-quoi de fantastique.
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