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Afterimage
Année : 2023
Système : Windows, Playstation 4, Playstation 5, Switch, Xbox One
Développeur : Aurogon Info&Tech
Éditeur : Modus Games
Genre : Action / Aventure / Plate-forme
Par LVD (22 janvier 2024)

Afterimage est un jeu chinois (bien qu'il ait l'air japonais à 90%) sorti en 2023 sur toutes les machines du moment (Steam, PS4, PS5, Switch, XBox One...) développé par Aurogon Shanghai, qui n'avait quasiment jamais rien fait avant, édité par Modus Games, et qui appartient au genre dit Metroivania. Et justement, débutons par là.

Même si théoriquement le premier Metroidvania devrait être Metroid (Famicom, 1986), on cite plutôt Castlevania Symphony of the Night (Playstation & Saturn, 1997) comme premier représentant du genre, probablement parce que ce dernier introduisait de forts éléments de RPG, autrement plus minimes, pour ne pas dire inexistants, dans le jeu de Nintendo. Koji Igarashi, directeur artistique sur CSOTN, a toutefois reconnu avec humilité qu'il ne se considérait absolument pas comme le créateur d'un genre. Il est par ailleurs amusant de remarquer que ce terme, contraction de Metroid et Castlevania, a d'abord été introduit par des fans occidentaux et n'a longtemps eu aucune valeur officielle avant de finalement devenir effectivement un style de jeu à part entière, et même d'être utilisé en japonais, ce qui pourtant n'a pas grand sens, Castlevania n'existant pas dans la langue de Go Nagai puisqu'au Japon on ne connait cette série que sous le nom Akumajo Dracula.

Sorti des épisodes de la célèbre saga de Konami qui vont s'enchaîner d'abord sur Game Boy Advance, le Metroidvania est un type de soft qu'on va surtout retrouver dans le monde du jeu vidéo amateur/indépendant à partir du milieu des années 2000, et c'est seulement à partir des années 2010 qu'il va vraiment prendre de l'ampleur. Et si fondamentalement le fond reste le même, à savoir un mélange d'exploration dans une zone gigantesque, de plate-forme et d'éléments de RPG, l'aspect graphique ou l'ambiance peuvent être très différents d'un titre à l'autre : fantasy ou science-fiction, personnages en taille réelle ou en Super Deformed, style réaliste ou cartoon... Certains privilégient aussi davantage le challenge côté action (comme Hollow Knight), tandis que d'autres font tout pour aider le joueur en lui permettant de rendre rapidement son avatar surpuissant.

Metroid et Castlevania: Symphony of the Night
Hollow Knight et Alice escaped!

Dans Afterimage, on se retrouve dans un univers de fantasy répondant au nom d'Engardin, dans lequel une bonne partie de l'humanité à été exterminée suite à la révolte des humains contre leurs divinités, et où on incarne le personnage féminin de Renée, une jeune combattante/magicienne à moitié amnésique. Alors que son village est en flammes, le professeur de notre héroïne est enlevé par un mystérieux assaillant et elle part immédiatement à sa recherche... Dans son périple, elle sera accompagnée en permanence par Ifree, une sorte de mascotte volante qui semble en connaître beaucoup plus sur Engardin qu'il ne veut bien l'admettre...

Une merveille graphique

La première fois que j'ai vu le trailer d'Afterimage, j'ai été fortement impressionné par la qualité des graphismes. Cela faisait longtemps qu'un jeu ne m'avait pas autant tapé à l'œil, aussi ai-je attendu sa sortie avec impatience. Et une fois le pad en main, on ne peut que constater que le jeu tient toutes ses promesses à ce niveau. Il est visuellement sublime, particulièrement les décors, variés, colorés, fourmillant de détails... Un des plus beaux jeux 2D de tous les temps. J'ai dit. On reprochera juste la taille un peu petite des sprites de personnages, boss exceptés. Il vaut quand même mieux y jouer sur un écran de bonne taille pour pouvoir vraiment en profiter, qu'honneur soit rendu au travail des graphistes.

Pour ce qui est de l'esthétique globale, comme je vous le disais en introduction, tout cela fait japonais bien que le jeu soit chinois. Toutefois, on remarquera parfois cette origine par le biais des costumes ou du design de certaines créatures, probablement inspirés de la mythologie de l'Empire du Milieu.

La bande-son n'est pas en reste avec des thèmes de qualité. Néanmoins la plupart sont dans un registre très calme, voire discret, ce qui donne à Afterimage un côté assez "reposant", voire par moments carrément contemplatif.

Que ce soit un lac un, passage en contre-jour...
...une grotte aux trésors ou encore une forêt...
...c’est beau c’est beau mon Dieu que c’est beau !!

Le titre n'est clairement pas avare en contenu ! Assez rapidement, et en consultant la carte du monde, on se rend compte qu'on est parti pour une (très) longue aventure, la superficie totale étant d'une taille tout bonnement démentielle. Je ne connais pas tous les Metroidvania du monde, mais je me demande si ce n'est pas le plus vaste jamais crée. Afterimage ne propose qu'une grosse quinzaine de zones différentes (forêt, village, cavernes, plage, château... du classique), mais la plupart d'entre elles sont VRAIMENT énormes. A vue de nez, je dirais que deux zones d'Afterimage font autant que l'intégralité du château de CSOTN... Prévoyez au minimum 60 heures pour en voir la fin (personnellement il m'en a fallu 72).

Quant à la fin... Ha ha ha. Non, vous en êtes encore loin. De base, le soft propose pas moins que la bagatelle de DIX conclusions. Mais c'est plus compliqué que cela. Dans un premier temps, il y a trois endings différents pour Renée, deux pour Ifree, plus un de type easter egg sans intérêt. Vous allez déjà devoir débloquer la troisième fin de Renée (la plus difficile, sinon ce n'est pas drôle, la faute notamment à un boss final très chaud) et la seconde d'Ifree, pour avoir accès au New Game Plus. Dans ce dernier, vous jouerez avec un tout nouveau personnage appelé Numéro 42, qui débute carrément level 99 (mais ce ne sera pas du gâteau pour autant). Vous voilà reparti pour quelques heures supplémentaires qui permettront notamment de mieux comprendre l'histoire générale (les conclusions de Renée et d'Ifree nous laissant grandement sur notre faim) et cette fois deux nouveaux endings sont à découvrir. Enfin, après avoir réussi à obtenir le second, la toute dernière partie du jeu s'offre à vous, qui vous permettra de pouvoir récupérer à nouveau Renée et Ifree, et pouvoir ENFIN accéder à la "true ending". Bon courage pour vaincre le dernier boss...

Si on veut vraiment faire le jeu jusqu'au bout, je pense qu'on en a au moins pour 80-90 heures.

L’intégralité de la map ; même en zoomant c’est illisible...
On traversera aussi une sorte de laboratoire.
Un arbre de compétence assez fouillé.
Une attaque magique.
Le menu des armes et équipements.

On dispose de nombreuses armes différentes réparties en 6 familles : épées, espadons, doubles lames, katanas, faux, et fouets, sachant qu'on peut s'en équiper de deux à la fois (une considérée comme arme principale et l'autre comme secondaire) et qu'au fur et à mesure on peut débloquer diverses techniques (attaque + haut ou quart de cercle, etc). Le nombre d'armures/casques/médaillons divers est lui aussi conséquent. Il est même possible d'upgrader ses armes. Enfin on a accès à quelques sceptres et grimoires qui permettent de faire de la magie mais attention, les sorts consomment énormément de mana, notre barre se videra en trois ou quatre lancements d'affilée... Elle se régénère automatiquement, mais de manière très lente.

Metroidvania oblige, on découvrira évidemment au fur et à mesure de nouvelles capacités (double-saut, glissade, etc), certaines automatiques, d'autres dont il faudra s'équiper, et qui permettront de pouvoir accéder à de nouvelles zones du jeu.

On rencontrera également pas mal de PNJ avec des quêtes annexes associées, dont des ingrédients culinaires à récupérer et rapporter à des cuisiniers, qui vous prépareront ensuite des plats à effet temporaire, comme un boost d'attaque ou de défense. Vous en aurez bien besoin face aux boss, croyez-moi.

Terminons avec un hommage sympathique à SOTN puisque outre un château inversé, il y a aussi un endroit doté d'une horloge géante dont, pour débloquer un passage supérieur, il faudra au préalable s'équiper de deux bagues bien précises... Les connaisseurs apprécieront la référence.

Bref, au niveau du contenu, Aurogon Shanghai a mis le paquet. On en a pour son argent. Malheureusement, c'est tout le reste qui ne va pas...

Le village central, où vous vous rendrez souvent...
Une des cuisinières.
Deux des divers plats disponibles... Comme dans Zelda BOTW et TOTK !
Tiens donc, une horloge géante... ça me rappelle quelque chose.

Un beau gâchis

Cela pourrait paraître être une qualité mais non. Comme je vous l'ai dit, le jeu est long. Très long. Très très long. BEAUCOUP TROP LONG ! Au bout de 60 heures je découvrais encore de nouvelles zones. Je suis le premier à pester quand un jeu est trop court; je pense par exemple à un autre Metroivania récent lui aussi graphiquement extraordinaire, Deedlit in Wonder Labyrinth (2021), qui doit pouvoir se terminer en 7 ou 8 heures... Mais trop long, ce n'est pas forcément mieux. Au bout d'un moment, on commence à avoir envie que cela s'arrête. Si seulement le jeu était parfait à tous les niveaux, cela passerait mieux, mais Afterimage est bourré de défauts qui cumulés coupent l'envie au joueur de s'investir à ce point.

Premier problème, le soft manque de points de sauvegarde et, CRUELLEMENT, de téléporteurs. Pour ces derniers, on n'a droit qu'à un seul et unique exemplaire pour chaque zone ! Vous vous souvenez de ce que je vous disais sur la superficie globale, où deux zones d'Afterimage correspondaient à l'intégralité de CSOTN ? Imaginez donc jouer à ce dernier avec uniquement deux malheureux téléporteurs ! Il existe bien des potions permettant de rejoindre n'importe quel point de sauvegarde, mais elles sont payantes, à utiliser donc avec parcimonie. Résultat, on passe une partie de son temps à faire des aller-retours interminables au risque de mourir en chemin; et quand on meurt, on perd toute l'expérience accumulée du niveau en cours. Il est possible d'aller la récupérer au même endroit– elle se manifeste à l'écran sous forme d'une sorte de sac lumineux – mais si on décède à nouveau avant d'y parvenir, c'est perdu définitivement. Et si c'était face à un boss, on est condamné à aller le réaffronter, le sac n'apparaissant que dans la salle de ce dernier, et non avant. Alors que :

Un téléporteur ! Vous serez content de tomber dessus, croyez-moi !
Certaines barrières ne peuvent être cassées que d’un seul côté.
Deedlit in Wonder Labyrinth.
Un château inversé, un fouet... Castlevania ? Connais pas.

Ah, les boss... Il va y avoir beaucoup à en dire.

1) Ce n'est heureusement pas le cas pour tous, mais parfois il n'y a aucun point de sauvegarde à proximité ! On risque donc de perdre un peu de vie avant de parvenir à destination, sans compter le temps que cela prend.

2) Rien n'indique qu'on entre dans une salle de boss. Pas de symbole particulier ni de porte spéciale... On tombe toujours dessus par hasard. Alors bon, au bout de 50 heures de jeu, on commence à avoir une certaine "intuition", mais cela reste du pifomètre. Bref, il y a de fortes chances que lors de la première rencontre, il nous manque déjà la moitié de notre vie, voire davantage, tout comme le dernier point de sauvegarde peut se trouver fort loin en arrière...

3) A l'exception des tous premiers (Afterimage propose entre 30 et 40 boss), ils sont dans la majorité des cas redoutables et nous envoient ad patres en 3 ou 4 coups, 5 maximum... Tandis que de notre côté, on ne leur fait perdre que peu à chaque assaut. Il y a bien entendu des exceptions, avec parfois des points faibles à exploiter (genre une épée de glace face à un ennemi de feu), mais cela reste des exceptions. On se dit qu'on a atterri dans une zone pour laquelle on n'a pas le niveau alors que non, c'était bien voulu par les développeurs ! J'y reviens peu après.

4) A chaque mort, le jeu sauvegarde automatiquement. Concrètement cela veut dire que si par exemple vous avez dépensé trois potions de soin (dont en plus le nombre d'utilisations est limité...) et une de mana, sans pour autant avoir réussi à battre votre adversaire, au moment où vous réapparaissez à la sauvegarde, ces potions sont définitivement perdues ! Il n'y a aucun moyen de gruger, par exemple en faisant deux sauvegardes distinctes, car on ne peut en faire qu'une seule par partie; et si on se retrouve "tout nu", il va falloir retourner au village racheter des potions, à condition de disposer de suffisamment d'argent (et le jeu est parfois assez chiche à ce niveau).

En d'autres termes, on n'a pas le droit à l'erreur face aux boss. Mon conseil: aux premières tentatives, n'utilisez pas de potions et/ou de plats cuisinés, tentez d'apprendre ses patterns et d'en venir à bout sans aide. Lorsque vous pensez être assez préparé, attendez de lui avoir fait perdre au moins les 2/3 de sa vie, et à ce moment-là seulement, allez-y à fond sur les potions. Il vaut mieux en gaspiller une ou deux, plutôt que d'en perdre quatre en se la jouant économe, car si vous vous faites tuer, vous aurez tout perdu...

Deux des boss du jeu.
Encore un, le boss final, une véritable horreur.

Là, vous allez sûrement vous dire "Eh bien, faisons un peu de levelling alors". Désolé de vous décevoir, mais cela ne vous aidera pas vraiment, car les améliorations de caractéristiques sont infimes à chaque changement de niveau... Ou alors il faudra passer un nombre d'heures tellement démentiel que vous en aurez marre bien avant. Franchement, que vous soyez niveau 40 ou 50, la différence sera peu perceptible... Même pour le boss final de la true ending, j'ai vu une vidéo où le joueur était level 91 et cela paraissait franchement ardu et prenait des plombes.

On avait le même souci dans un titre lui aussi très beau mais encore plus hardcore, Souldiers (2022). Et pour rester sur un autre aspect problématique commun à ce dernier et Afterimage, il y a aussi dans celui-ci pas mal de zones de plate-formes très difficiles nécessitant un skill de malade. HEUREUSEMENT, contrairement à Souldiers, elles sont toujours optionnelles (généralement pour pouvoir atteindre un coffre renfermant un artefact bonus). On aurait grandement apprécié, comme dans SOTN, même tardivement dans le jeu, pouvoir acquérir un objet nous permettant de marcher sur les piques, mais hélas il faudra faire une croix dessus. Il y a un ou deux passages de ce genre où j'ai laissé tomber... Pas faute d'avoir multiplié les essais, pourtant.

Et ce n'est pas fini pour les défauts : sachez que certaines capacités ne pourront être équipées QUE si vous vous trouvez sur un point de sauvegarde ! La raison à cela a sûrement dû être expliquée dans le jeu mais je suis passé à côté ou n'ai pas fait attention, et il a fallu que j'aille voir un let's play sur le net pour comprendre... Cela n'a aucun sens.

Et puis la carte, franchement, n'est pas franchement pratique d'utilisation.

Souldiers, à réserver aux joueurs masochistes...
Put... !!! &’ ! »##’&%&$ !!!!!!!!!

Dernier point négatif du jeu, même si moins important : l'histoire est tout bonnement incompréhensible et ça parle souvent beaucoup pour pas grand-chose. Certes, le New Game Plus permet d'y voir un peu plus clair mais tout de même, cela reste fort nébuleux, avec des éléments distribués au compte-gouttes et de toute façon mal mis en scène. Et pour ceux qui se poseraient la question, ce n'est pas un problème de traduction (j'ai fait le jeu en français). Je préfère largement un truc plus simple, pour ne pas dire basique, comme dans CSOTN, qui va à l'essentiel. Cela ne m'aurait pas dérangé d'avoir un beau scénario complexe et intéressant, mais là cela part vraiment trop dans tous les sens.

Vous consulterez souvent cet écran...
La première. rencontre du jeu.
Renée et Ifree.
Encore un boss...

Au final, on sent qu'Aurogon Shanghai voulait vraiment bien faire, peut-être même avaient-ils l'ambition de créer le Metroidvania ultime. Mais ici, le trop est l'ennemi du bien. Afterimage est vraiment agréable par sa maniabilité, et ses graphismes sont un régal visuel de tous les instants. Le jeu est loin d'être mauvais, mais à force de trop vouloir en faire, il se perd et finit par perdre le joueur également, qui risque ou de jeter l'éponge avant terme, ou de se forcer à finir alors que la motivation et le plaisir n'y sont plus. On ne comprend pas bien, non plus, à quel public il s'adresse, car si les combats de boss sont souvent hardcore et donnent envie au joueur d'insulter leur génitrice en allemand, dans l'ensemble le reste offre un challenge accessible, et donc paraîtra peut-être trop facile pour les pros du pad, mais trop frustrant pour un gamer lambda. Le soft souffre de tous un tas de défauts de conception gênants qui pourtant auraient pu être corrigés, et auraient fait d'Afterimage un must-have absolu pour tous les amateurs du genre. On espère que les auteurs prendront ces critiques en compte pour leur prochain jeu !

LVD
(22 janvier 2024)