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Treasure
Comment d'anciens employés de Konami fondèrent leur propre structure pour enchaîner les titres de légende.

Bleach : The Blade Of Fate (2006)
DS

Treasure réalise un beau coup en obtenant la toute première adaptation vidéo-ludique du shônen manga dont le succès va alors croissant. Sans doute l'une des plus fameuses licences que le studio ait jamais mis en scène en jeu vidéo (avec Astro Boy). La popularité naissante de la BD. et de l'anime en Occident assurant à coup sûr sa publication tout autour du monde (par Sega). Au programme, des combats dynamiques à l'arme blanche qui actualisent brillamment les bases posées en amont, il y a longtemps, par Yû Yû Hakusho. On en profite pour pousser le nombre de personnages à 26, enrichir la palette de coups disponibles pour chacun d'eux et agrémenter le gameplay de quelques innovations. Les combinaisons s'effectuent avec maintenant trois touches (A, X et Y), les manip' très similaires à ce que le genre produit habituellement (quart de cercle avant, demi-cercle, avant-arrière, etc.) s'exécutent tout à fait aisément et on se protège avec R. Une barre, en bas à droite, détermine notre capacité à changer de plan (L) ou effectuer un dash (B). Une jauge de furie plus coutumière est aussi présente et les attaques meurtrières tirées directement de la BD. emploient les deux jauges. Ce qui est bien pensé : qu'on puisse "dasher" dans les airs et faire un double saut, toujours un excellent moyen de retourner une situation ou d'occuper l'espace de combat.

La possibilité, enfin, d'acheter et d'utiliser un système de cartes pour booster les statistiques de notre perso sur l'écran tactile, de même que toutes les prises accessibles pouvant s'effectuer directement sur le second écran. Visuellement, avec ses graphismes fins, tant qu'au niveau de la jouabilité, The Blade of Fate rappelle The Last Blade, pour un résultat plus "pop" certes. La franchise étant destinée à un public plus élargi (sur la console la plus vendue au monde) que les hits pour aficionados de la Neo-Geo cependant que l'on s'en approche quand même pas mal. De là à dire qu'on est face à un jeu Dreamcast miniaturisé, il ne faut rien exagérer mais le soft s'en sort également bien graphiquement. Qu'ajouter ? Une fois encore, le genre veut qu'on progresse plus vite une fois appris par cœur un certain nombre de coups, dégageant les contours nets et stylés d'une certaine technicité derrière la relative accessibilité. Il faut aussi du temps pour étudier à fond un nouveau personnage, le mode story tombant alors à point nommé, avec 23 scénarios différents pour autant de héros jouables et un tutoriel adapté qui permet de se familiariser avec les commandes sans être obligé de se taper le manuel. On retrouve en plus les classiques modes arcade, versus, training et customisation, tandis qu'une nouveauté, le mode défi requiert de gagner en réussissant certaines manip'. Une franche réussite, l'unique carence venant du mode multi qui lag sévèrement.

Bleach : Dark Souls (2007)
DS

Une suite rapide au jeu précédent, qui procède tout de même à de nombreux ajustements. Le plus éminent des changements étant un rééquilibrage du système de combat : il est dorénavant plus difficile d'enchaîner les coups spéciaux de manière abusive. Le nombre de personnages passe à 44 et on peut utiliser plus de cartes pendant les batailles. L'autre gros changement concerne la refonte du mode histoire qui développe un aspect rôle/aventure, avec l'apparition d'une carte du monde, l'inclusion de la boutique d'objets, de défis annexes ou encore de quiz, le contenu s'est bien amélioré. Le premier volet n'est pas complètement obsolète mais il est difficile de faire plus complet que ce second épisode, avec son mode histoire considérablement rafraîchi et le double de persos disponibles, qui le hissent au niveau actuel des ténors du genre.

Ikaruga (2008)
Xbox 360

La nouveauté de cette réédition appropriée sur une nouvelle génération de machine est de pouvoir jouer à deux en ligne et de proposer un classement afin de comparer ses scores avec ceux de ses amis. Les 100 premiers scores de chaque catégorie ayant droit à un replay téléchargeable à partager avec fierté. Les jeux de Treasure, comme celui-ci, sont en effet désignés de manière à intégrer la position de spectateur, joueur ou non, au beau milieu de l'expérience. Sur Steam depuis 2014.

Bangaï-O Spirits (2008)
DS

Inutile de dire qu'une suite à Bangaï-O trouve parfaitement sa place sur DS, les jeux en 2d du genre réflexif y ont plutôt la côte et on pouvait d'ores et déjà s'essayer à un titre mixant puzzle et shoot avec Geometry Wars, dans un style nettement différent. Certes, ici il s'agit plus d'un vrai shoot agrémenté de puzzle. Pas moins de 160 niveaux au programme, l'apparition d'un boost (bouton A) garant de nouvelles subtilités et quatre nouvelles armes plus deux autres au corps-à-corps et un bouclier à combiner entre elles. C'est à dire que si maintenant, on ajuste l'angle de tir avec la croix, les quatre boutons de façade sont ainsi disponibles pour accéder aux deux armes équipées (B pour la première arme, Y pour la seconde, L et R effectuant les attaques EX correspondantes), sans avoir besoin de permuter comme dans le premier opus. Cette personnalisation de l'armement à chaque début de niveau fait que les parties sont encore plus différentes d'un joueur à l'autre, tout en accentuant l'aspect puzzle en certains endroits qui ne pourront être franchis que par le mélange pertinent. Le champ ouvert à ces nouvelles possibilités de game design fait presque peur au début à celui qui s'attendait plus à une extension du premier épisode. D'autre part, les nouvelles propriétés des mix entre attaques EX rendent cette mouture encore plus spectaculaire, si cela eut été possible. En bonus, un éditeur de niveaux non-négligeable fait de cette version un objet on-ne-peut-plus-complet toujours aussi prenant, difficile et original.

Bleach : Versus Crusade (2008)
Wii

Treasure revient sur console de salon, passe à la next-gen par l'occasion et achève sur Wii sa trilogie de jeu de combat estampillé Bleach. Ce n'est pas le premier jeu de la licence à paraître sur la console, précédé par le moyen Shattered Blade, auquel le studio n'a pas participé, deux ans plus tôt pour coïncider avec la sortie du premier jeu DS. On y adapte les contrôles à la Wiimote, même si le titre reste jouable à la manette classique et on y transpose en 3d toutes les spécificités qui avaient fait le succès du premier volet portable, dans une représentation en cel-shading (moi j'adore, mais ce n'est pas l'avis de tout le monde). Des modes de jeu à foison, 22 persos à débloquer et une centaine de scénarios à découvrir dans le mode histoire (en japonais). Peut-être lassant si l'on y joue seul, ce soft est surtout à considérer dans son optique multi-joueur, avec un jeu en réseau qui cette fois ne lag pas d'un iota. Un jeu de combat tout ce qu'il y a de plus honnête sur Wii, où la concurrence manque aussi un peu à l'appel.

Sin and Punishment : Successor of the Skies (2009)
Wii

Après Gunstar Heroes, Guardian Heroes et Bangaï-O, Sin and Punishment était donc le dernier titre vraiment culte du studio à n'avoir pas connu de nouvel épisode (si l'on considère que Ikaruga et Gradius V sont des suites à Radiant Silvergun et que les Bleach sont les petits enfants de Yû Yû Hakusho). Cette fois le scénario est plus consistant et part même dans une direction métaphysique. Il existe deux dimensions dans l'univers : l'Espace intérieur, où existent différentes versions de la Terre, sous l'égide des "Créateurs", qui chargent certains humains de défendre les différentes Terre des attaques de l'Espace extérieur, l'autre dimension qui ne cesse de vouloir envahir le premier Espace. Les envahisseurs envoient un agent chargé d'infiltrer la Terre n° 4, sous la forme d'une jeune fille mais Isa Jo est envoyé pour la contrer et la tuer. Après avoir découvert qu'elle est amnésique et animée de sentiments humains, il décide de ne pas obéir aux ordres des "Créateurs". Ces derniers envoient alors Deko, un ex-allié d'Isa Jo, et les Nebulox afin d'éliminer les deux échappés devenus outcasts. La jouabilité de Sin and Punishment est adaptée idéalement sur Wii, puisqu'on se déplace avec le stick du Nunchuk tandis que la visée à l'écran est géré par la gyroscopie de la Wiimote et l'on dézingue à tout va en tapant la touche B de manière sérielle pour faire des combos. C permet de sauter et Z esquisse une roulade afin d'esquiver des tirs, enfin le bouton A permet de locker un ennemi dans le giron de notre viseur (très utile contre les boss). Les deux protagonistes principaux bénéficient, en outre, chacun d'un système de "charge", octroyant d'effectuer des dégâts meurtriers au bout d'une huitaine de secondes et désormais il y a des niveaux entiers qui se déroulent dans les airs. Une suite prisonnière de son concept en terme de liberté mais qui demeure excessivement planante à vivre.

Bangaï-O HD : Missile Fury (2010)
Xbox 360

La suite de Bangaï-O redoublait d'inventivité en matière de game design mais n'épargnait pas une légère pixellisation, DS oblige. Et voilà que les gars de Treasure nous offre une nouvelle suite, en haute-définition sur le XBLA, qui s'accorde pour le meilleur avec l'antique version Dreamcast. On reprend aussi le panel d'armes proposé dans le précédent mais on supprime le casse-tête consistant à deviner la meilleure configuration pour le niveau, puisque que les armes sont assignées automatiquement au début et qu'on ne peut en changer en cours de route. Les fruits lâchés par les ennemis sont maintenant aimantés par le robot, ce qui est une autre nouveauté appréciable. Il est maintenant possible de cumuler quatre charges de super-attaque dans un déluge toujours plus nucléaire. Comment dire... Ce titre poursuit la tendance du second épisode, à savoir un rehaussement considérable du blason de la difficulté, surtout comparé au premier, qui représentait déjà une bonne dose de défi. Dans ces conditions, au bout de trois game over consécutifs, le jeu débloque le tableau suivant, permettant ainsi de ne pas bloquer éternellement, tout en continuant à découvrir l'éventail des possibilités offertes par cette splendide itération, géniale dans son concept et la générosité de ses idées et de ses effets et à l'efficacité toujours clinique. D'autant que, surprise, un mode multi fait son apparition une fois achevé les 47 stages du mode "histoire" (on retrouve aussi l'éditeur de niveaux avec partage et téléchargement en ligne).

Radiant Silvergun (2011)
Xbox 360

Le seul changement notable de cette réédition concerne la courbe de progression du mode story qui opte pour une configuration moins évidente et plus ardue. Dans le jeu original, on conserve ses stats sauvegardées quand on recommence une nouvelle partie, ce qui permet d'aller progressivement, en se faisant d'abord un petit pécule d'expérience dans le mode facile puis de passer au mode normal ou difficile avec ses acquis. Ici, tout cela n'est plus : 3 essais, pas plus, puis une extra life passée chaque heure de jeu, faisant ainsi la part belle au die and retry et à la frustration des game over quand le titre d'origine était nettement plus malléable. Sur next-gen finalement, le plus simple est peut-être de commencer par Ikaruga...

Guardian Heroes (2011)
Xbox 360

Cette réédition qui sera pareillement sur Steam en 2013 réduit la pixellisation, supprime les ralentissements et réajuste suffisamment l'équilibrage du jeu initial car celui-ci est parfois un peu abusif.

Conclusion

Au final, ce n'est pas moins d'une trentaine de jeux originaux (sans compter les divers portages - ainsi il existe une version Game Gear et Master System de Dynamite Headdy et de Gunstar Heroes) tous programmés, concoctés par les gens de chez Treasure, en vingt années à peine, dont ils n'auraient jamais imaginé concevoir la globalité, lors de ses débuts en 1992. De leur expérience chez Konami, ces créateurs ont retenu ce qui leur manquait exactement pour oser prétendre créer les jeux dont ils avaient envie. Pour beaucoup, le précipité qui s'agite dans leurs œuvres est précisément l'essence de ce que devrait être idéalement un jeu vidéo : quelque chose d'autant accessible et débonnaire que terriblement profond et subtil, progressiste ou constructiviste (voir à ce sujet les nombreuses qualités émergentes de certaines de leurs productions). De plus, leurs collaborateurs, en particulier leurs membres fondateurs, ont pu élargir leur domaine de compétences, comme ils en auraient eu difficilement l'opportunité s'ils étaient restés chez Konami. Au départ, Hiroshi Iuchi a fait preuve de ses talents d'illustrateur en tant que designer de personnages ou des décors mais il est devenu scénariste en 1997 pour Radiant Silvergun, pour faire les choses en grand. Et ira encore plus loin quelques années après en devenant compositeur sur Ikaruga.

De fait, comme il fallait créer d'autres jeux, après le succès de Gunstar dans les premières années d'existence du studio et que Masato Maegawa ne pouvait pas tout faire seul, les fondateurs se prêteront rapidement à leur tour à l'exigence qui consiste à être game designer, pour créer un jeu entièrement en terme de direction et de planning et ainsi élargir leur horizon en terme de créativité et de dynamique. Ainsi Kôichi Kimura, graphiste de formation, aura conçu Treasure Land Adventure puis Silhouette Mirage, Hideyuki Suganami, programmeur à l'origine développera Alien Soldier, Tetsuhiko Kikuchi, illustrateur, dirigera Guardian Heroes et Hiroshi Iuchi imaginera Radiant, Ikaruga et Gradius V.

D'autre part, en poussant le matériel à ses limites et en réfléchissant comment associer pour le meilleur plusieurs styles de jeux existants en un seul, son personnel a expérimenté et créé des gameplays à la pointe de l'innovation. Pour preuve, nombre de ses productions sont devenues cultes auprès des hardcore gamers, ou bien sont joués et découverts par une nouvelle génération à la recherche de titres référentiels qui figurent régulièrement parmi les plus cités de leur catégorie, encore qu'une bonne partie de son catalogue soit constitué de pépites inconnues, mésestimées ou bien difficiles à trouver. Pour toutes ces raisons, le studio est une légende vivante qui occupe une place à part dans l'histoire du jeu vidéo. Tout en ayant su se montrer extrêmement productif dans ses premières années, ce qui lui permet aujourd'hui de prendre un certain recul mais gageons que Treasure n'a pas encore fini de partager sa sagesse vidéo-ludique.

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