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Super Mario Land & Super Mario Land 2
Année : 1989
Système : Game Boy
Développeur : Nintendo
Éditeur : Nintendo
Genre : Plate-forme / Action

Super Mario Land 2: Six Golden Coins
Game Boy (1992)

La deuxième des dernières suites

Tout comme Super Mario Land est surtout connu pour avoir inauguré la Game Boy, Super Mario Land 2 n'est souvent cité que comme première apparition de Wario, nemesis du plombier et lointaine réminiscence de Spike, l'adversaire de Wrecking Crew. Il s'agit aussi d'une des rares aventures de Mario, et sans doute la première alors, à ne pas tourner autour du sauvetage d'une princesse ou de pauvres innocents : ici, il s'agit d'une histoire personnelle. En effet, toute l'aventure se déroule à Mario Land, une île où habite, apparemment, le plombier sans que l'on ne sache exactement pourquoi ni depuis quand. Quoi qu'il en soit, lors de son voyage à Sarasaland dans l'épisode précédent, Wario prit possession de son fief et vola son château. Il en bloqua la porte principale avec six médaillons magiques, qu'il distribua à différents sbires : à Mario de les retrouver et de virer cet amphitryon de ses pénates.
Super Mario Land 2 est au premier épisode ce que Super Mario World était à Super Mario Bros., l'original : une refonte en règle de l'esprit de la plate-forme et une incorporation de nombreuses nouvelles idées, pour en faire une aventure truculente mais aussi, et paradoxalement, moins marquante à mon goût.

Bienvenue à Mario Land ! Au menu, voies bien balisées, blocs à détruire et monstres à piétiner !

C'est graphiquement que l'écart avec le jeu précédent est le plus notable, les trois années séparant les jeux ont des allures de décennies. Les sprites sont bien plus gros et criant de personnalité ; les décors sont détaillés en diable, et continuent d'être franchement uniques selon le monde arpenté ; la musique, du chef cette fois-ci de Kazumi « Totakeke » Totaka, est des plus agréables malgré le processeur riquiqui de la console. En revanche, la caméra est un peu plus proche de l'action, il est rare à présent d'avoir plus d'un ennemi à l'écran en même temps, là où l'épisode précédent s'autorisait parfois des attaques groupées : on se sent malgré tout un peu plus claustrophobe, ce qui n'est du reste point aidé par les mondes, souvent en intérieur, que l'on traverse.
La progression est cette fois-ci parfaitement libre et même au regard de Super Mario World, étonne par son éclatement. Pour accéder au château de Wario, il nous faut donc trouver six pièces, détenues par six patrons qui ont pris place dans différentes zones, comme un arbre géant, une baleine endormie au fond de l'océan ou même la lune. Après un court stage introductif, il est possible de librement explorer tout cela, sans contrainte aucune : même, on peut s'amuser à terminer un niveau ici, puis rebrousser chemin et en tenter un autre.

Les mondes eux-mêmes témoignent parfois d'une certaine liberté, soit en nous proposant l'un ou l'autre chemin, soit en proposant des niveaux secrets.

Si les univers dépeints rejoignent, cette fois-ci, les canons de la saga et du Royaume Champignon, on ne peut s'empêcher encore de les croire un peu étranges ou décalés : la « Mario Zone » est une réplique mécanique géante du plombier, que l'on explore de pied en cap dans des décors inspirés du monde des jouets ; la « Macro Zone » nous rapetisse et nous fait explorer une maison comme si nous étions des lilliputiens ; la « Pumpkin Zone » évoque une imagerie d'Halloween, avec ces citrouilles, ces sorcières et ces masques de Jason (de la série de films d'horreur Vendredi 13) transpercés d'un poignard.
Ce sentiment bizarre d'aventure alternative, dont je parlais précédemment, n'est donc pas totalement absent ici encore, quand bien même Yokoi aurait bien freiné ses délires. On appréciera cependant cette liberté absolue offerte dans la progression, trop rarement proposée chez Nintendo à cette période, au service de l'étroitesse des environnements. Je l'évoquais plus haut, mais l'on étouffe souvent dans cet épisode : si ce n'est une poignée de stages à ciel ouvert, on explorera surtout des cryptes, des greniers, des sous-marins échoués, des égouts, mais toujours avec un plafond au-dessus de nos têtes. La possibilité, dès lors, de revenir à tout moment sur l'île principale, même s'il ne s'agit que de sélectionner un nouveau niveau, est bien mieux venue qu'on pourrait le croire de prime abord.

Indistinctement, l'on passe d'une maison d'horreur, où l'on affronte des genres de Goomba arborant le célèbre masque de hockey, à l'espace à la gravité moindre, en tenue de cosmonaute. Que de variété pour l'époque !

Inutiles et beaux secrets

Cette liberté se trouve aussi dans une idée reprise de Super Mario World, et qui continue à faire son petit bonhomme de chemin : les sorties cachées. Dans quelques niveaux du jeu, il est possible de trouver une seconde issue et de débloquer un niveau bonus, nous offrant généralement la possibilité d'engranger pièces et vies supplémentaires à la douzaine : il est en revanche inutile de les trouver pour une quelconque complétion, et la fin de l'aventure ne différera nullement. C'est donc un acte manqué ici, heureusement corrigé dès Super Mario Land 3: Wario Land où les stages cachés nous offrent des trésors indispensables à la true ending.
On appréciera, cependant, un certain soin du détail : trouver un stage caché, c'est faire apparaître un nouvel élément sur la carte, des fleurs, des yeux à la citrouille, la baleine se réveille. Cela participe à rendre ce monde un peu plus vivant et un peu plus agréable et, à défaut d'être nécessaires, ces secrets n'en demeurent pas moins sympathiques pour qui s'y consacrerait.

D'autres fulgurances, peu vues depuis : les liquides en suspension, qui permettent de nager sans mal, et les rouages se comportant comme des tapis roulants. Tout cela donne une dimension organique à cet univers.

La difficulté générale, en revanche, n'a guère évolué depuis le jeu précédent et même, je dirais que globalement, Super Mario Land 2 est plus facile que son prédécesseur. La faute, notamment, aux deux power-up de l'aventure, que l'on trouve régulièrement et qui simplifient notablement la progression : la fleur de feu, qui abat tous les ennemis sur notre route, et la carotte, qui transforme notre héros en « Mario-Lapin », l'autorisant à voleter un peu grâce à ses oreilles, de ralentir ses chutes et de traverser les précipices. Avec ses pouvoirs en poche, et si l'on avance tranquillement, rien ne saurait nous abattre.
Le jeu est facile certes, mais jusqu'au dernier monde en toute honnêteté : car le château de Wario est une épreuve de force qui, jadis, m'avait particulièrement frustré. Il est composé de deux étages et d'un rez-de chaussée, chaque niveau étant dédié à un obstacle : des fleurs de feu et des boules piquantes tout d'abord, puis des lacs de lave, enfin une sorte de baroud d'honneur où l'on doit affronter, dans d'étroites salles, des picots et autres obstacles rebondissants. Wario, enfin, se combat en trois rounds, et il n'hésitera pas à se servir des pouvoirs de Mario contre lui et à voleter pour mieux l'écraser, ou à lui lancer des boules de feu.

Le château de Wario est un parcours du combattant, entre ces statues géantes cracheuses de feu et ces boules rebondissantes au visage de Wario. Ces dernières ont causé, durant mon enfance, mes plus belles crises de nerf.

Bien que le stage ne soit pas spécialement long, il n'a aucun checkpoint au regard de tous les autres et demande donc à être franchi d'une seule traite : et comme il y a beaucoup de roublardises dans sa constitution, des pièges nous tuant instantanément ou que l'on ne peut deviner à moins de les avoir rencontrés une fois première, on est comme désemparé les premières fois qu'on le parcourt. Je me rappelle avoir été longtemps bloqué lors de cette ultime épreuve, jadis, alors que j'avais traversé les autres niveaux sans y réfléchir ; et même en refaisant l'aventure pour cet article, je n'ai su manquer de mourir quelques fois par négligence.
Bien entendu, ce soudain palier de difficulté est un mal nécessaire, une conséquence de la liberté absolue offerte par le jeu et qui arase, ce faisant, la difficulté de toutes les zones. Sans cela, on aurait tôt fait de trouver un ordre de complétion, ce qui aurait rendu caduque l'idée même du choix : on aurait pu cependant, à l'instar d'un Megaman, imaginer plusieurs niveaux successifs pour lisser un peu la progression et rendre moins déroutante cette ultime phase de l'aventure.

On retrouve le système des bonus à la fin des niveaux, qui s'obtiennent cette fois-ci en faisant sonner une cloche en hauteur au regard de la sortie. La carte principale donne aussi accès à un casino, auquel on joue grâce aux pièces récupérées dans l'aventure, et permettent d'accumuler les vies en prévision de l'épreuve finale.

En toute franchise, ce serait bien là le seul et véritable défaut que j'imputerai à cet épisode qui, nonobstant son incroyable facilité et sa vanité quant à sa gestion des niveaux secrets, demeure l'un des plus grands jeux de plates-formes de la Game Boy. Il a toujours, cependant, ce défaut de durée de vie, d'être incroyablement court bien que triplant, au moins, celle du premier épisode : mais en deux heures de temps, trois si l'on se pique d'absolument tout trouver, l'affaire est pliée.
Mais là où la concentration était, dans le cas de Super Mario Land, un phénomène bienvenu qui nous permettait d'apprécier son étrangeté voire son paganisme, elle grève à mon sens Super Mario Land 2 qui, rentrant davantage dans le moule de la saga malgré quelques curiosités, peine à retenir franchement notre attention. Surtout, s'il était jadis le meilleur, c'est surtout parce qu'il était le meilleur de la console : mais quelques années à peine plus tard sortiront et la Game Boy Advance, et les portages des épisodes NES et Super NES. Et même si je revenais encore, à ce moment-là, à Super Mario Land d'une part, à Wario Land et ses suites de l'autre, tant leurs sentiments étaient uniques, particuliers, drôles, autant Super Mario Land 2 ne revit plus jamais la lumière du jour une fois l'aventure terminée.

Les oreilles de lapin permettent de voleter tranquillement entre les obstacles, tandis que les blocs, à droite, ne seront détruits que par des boules de feu : ils inaugurent en ce sens un obstacle dont se servira abondamment la saga des Wario Land, à compter de son second épisode.

Des bienfaits du retour

Que ce soit cependant le premier ou le deuxième épisode, il ne m'a pas été inutile d'y revenir avec un regard d'adulte, moi qui ai connu ces jeux enfant et qui les avais depuis oubliés, attiré par les sirènes de l'émulation de poche. Cela n'a pas été inutile, pour au moins deux raisons. La première, je l'ai assez dit, c'est leur composante historique, qui pour la console, qui pour la mythologie des Mario et même, on peut y trouver là certains concepts de gameplay que la série principale n'inclura que bien des années plus tard. De la même façon que Wario Land 3 fut une espèce de laboratoire pour Nintendo, les Super Mario Land sont de cet acabit : et peut-être parce qu'ils avaient le sentiment de travailler sur des jeux mineurs, malgré l'immense nom qu'ils portaient, les développeurs n'hésitèrent pas à expérimenter tous azimuts, souvent avec intelligence.
Mais il y a aussi autre chose, au-delà de cela et au-delà de la nostalgie. Il y a ce plaisir de jouer à de « petits grands jeux », à des titres qui ne méritent pas vraiment d'être réhabilités, et qui ne sont ni géniaux, ni éternels : preuve s'il en est, ils sont assez oubliés de nos jours et personne ne réclame vraiment leur retour. Mais le temps qu'ils durent, ils plaisent, ils plaisent même beaucoup : à chemin entre l'œuvre de commande, l'artisanat bien fini et le chemin de traverse, ils émerveillent quelques heures avant de retomber dans un quasi-anonymat. Alors oui, je maintiens ce que je disais en introduction : aujourd'hui, il n'est guère utile de revenir vers la Game Boy, ses jeux ont été depuis souvent refaits, ou sont d'un intérêt limité. Dans les interstices cependant, il y a des perles, qui brillent fort et s'éteignent vite : ces jeux en sont, et le plaisir suranné qu'ils offrent vieillit, finalement, très bien.

La référence la plus directe à cette saga demeure le pouvoir, caché, de la Super-Balle dans Super Mario Maker 2, pour le mode de création inspiré de Super Mario Bros. C'est peu, mais qui sait ? Cela annonce peut-être une refonte de plus grande envergure.
MTF
(05 septembre 2021)
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