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Les Sherlock Holmes de Frogwares
Le célèbre détective a très souvent été le héros de jeux vidéo et ce studio ukrainien, plus que tout autre, s'en est fait une spécialité avec la série des Adventures of Sherlock Holmes que cet article passe en revue. Un tour d'horizon des innombrables adaptations de Holmes autres que littéraires est aussi au programme.

Sherlock Holmes Crimes et Châtiments (2014, PC - PS3 - Xbox 360 - PS4 - Xbox One)

Le testament de Sherlock Holmes a reçu de bonne critiques et semble avoir trouvé son public. Le pari d’installer la franchise sur les console de salon semble donc remporté. Pour autant, ce n’est pas le moment pour Frogwares de se reposer sur ses lauriers car la nouvelle génération de consoles arrive et il va falloir attirer l'attention du public potentiel qu'elle représente. Bref, comme dit dans la page précédente, Frogwares va tenter avec cet épisode de renouveler la formule de sa saga, aussi bien sur la forme que sur le fond. Voyons si le pari est gagné.

On ne peut pas vraiment parler du scénario du jeu Sherlock Holmes Crimes et Châtiments, non qu’il n’y en ait pas, au contraire, il y en a plusieurs. Vous l’avez deviné, on tient là la première nouveauté de cette épisode, à savoir le fait qu'il ne s'articule pas autour d'une enquête mais de six. Notons que deux de celles-ci sont des adaptations directes de nouvelle de Conan Doyle.

On sent l'influence de certaines productions récentes avec le détective (comme la série Sherlock).

Encore une fois, on est surpris par l’évolution technique du jeu. Si Le testament de Sherlock Holmes avait montré une progression sur ce plan, on ne s’attendait pas à ce que cela se reproduise dès l’épisode suivant. Le jeu est très beau, que ce soit dans ses décors ou ses personnages. De même, il y a une amélioration dans l’animation, plus souple. Cela vient de ce que Frogwares a laissé tomber son moteur graphique maison au profit de l’Unreal Engine 3, ce qui a laissé à ses équipes plus de marge de manoeuvre pour travailler la partie artistique de son jeu d'enquêtes. L’ambiance visuelle est ainsi très réussie.

Des graphismes qui assurent...

Vous avez noté que j’emploie beaucoup le mot "enquête" dans cet article. Ce n’est pas pour rien car c’est définitivement ce à quoi on a affaire. Si le précédent épisode plaçait en retrait les séquences de reconstitution ou de récolte d’indices pour privilégier les énigmes et casse-têtes, Crime et Châtiment fait exactement l’inverse. La plus grosse partie de votre temps sera ainsi consacrée aux indices et témoignages. Il y aura bien sûr des épreuves de réflexion, mais elles resteront en retrait, moins diversifiées et surtout bien plus simples. Bref, si vous cherchez du défi dans ce domaine, vous serez déçu(e).

Un exemple de casse-tête : il faudra trouver le bon angle de vue, tout en déplaçant certains objets.

Si le jeu peut décevoir les fans de sport cérébral, il devrait pleinement satisfaire ceux qui apprécient avant tout chercher à coincer des coupables potentiels. C’est d’ailleurs cette partie du jeu qui offre le plus de changements sur le plan du gameplay.

Petit détail : le carnet que Holmes tient dans ses mains est identique au menu du jeu.

Tout d’abord, signalons que la vue point & click est abandonnée. On se contentera des vues à la première personne et de dos. Le sixième sens, système récurrent dans la série, a changé de fonction. Désormais il ne sert plus à faire apparaître les éléments intéressants du décor car ceux-ci sont directement visibles lorsque vous vous en approchez. Le sixième sens permet à présent de mettre en évidence des éléments et indices cachés, insistant davantage sur l’aspect recherche. Il y a également un mode de vision permettant d’imaginer des événements, mais il n'est utilisable qu’à des moments précis. Lors des interrogatoires, il est désormais possible d’"analyser" les personnages afin d’obtenir des informations les conçernant, voire de débloquer de nouvelles questions. Enfin, notons le retour de plusieurs séquences de reconstitution, élément qui avait été mis en retrait sur le précédent épisode.

Il est possible de repérer des choses lors des interrogatoires en scrutant la personne et ses alentours.

Maintenant que l’on a parlé des petites nouveautés, abordons les séquences de déduction, à savoir LE grand changement de cet épisode. Le système a fait peau neuve et pas seulement d’un point de vue esthétique, son fonctionnement a changé et il est encore plus primordial qu’auparavant. Il s’agit même du cœur du jeu.

Expliquons d'abord son fonctionnement : à chaque fois que vous trouvez un indice, ce dernier est visible dans le "tableau d’indices". Il faudra recouper deux indices afin d’émettre une hypothèse, généralement double (par exemple "M.X était là" ou "M.X n’était pas là"), puis il faudra faire des choix entre les différentes hypothèses afin d’amener cetaines déductions. À ce stade, il est important de noter une chose : les déductions que vous faites peuvent conduire à explorer d’autres lieux, provoquer des reconstitutions, et surtout ontenir d’autre indices.

L'utilisation du sixième sens révèle des éléments cachés.

Voilà ce qui fait tout le sel de cet épisode : les hypothèses mènent à des déductions qui elles-mêmes mènent à une conclusion. Or, et c’est là tout l'intérêt, il y a plusieurs conclusions possible. Selon les hypothèses que vous choisissez et validez, le coupable du meurtre ou sa manière d'agir seront totalement différents. Bref, vous pouvez accuser n’importe lequel des suspects. Bien sûr, il n’y a qu’un seul vrai coupable et une seule arme, et il ne tient qu’à vous de les trouver.

Le jeu ne vous dira si vous avez fait le bon choix qu’à la fin de l’enquête, et seulement si vous le voulez. C’est en cela qu'il se montre gratifiant, pour le joueur, car il fait appel à ses propres déductions, fondées sur ce qu’il a lui-même découvert. Ce sera à lui de décider si certaines hypothèses tiennent la route et le jeu laisse plusieurs indices plus ou moins subtils pour le déterminer. Cette idée de distinguer un coupable n’est pas nouvelle dans l’univers du jeu vidéo. Elle est surtout présente dans L.A Noire... Mais elle se montre ici bien mieux exploitée, de manière plus convaincante que dans le jeu de Rockstar (où c'est surtout le scénario global, indépendant du résultat des enquêtes, qui compte en définitive).

Il faudra d'abord établir une corrélation entre les indices puis relier les hypothèses (j'ai fait exprès de prendre une version réduite de l'image, la taille réelle en disait trop)

En plus de trouver le coupable, vous déciderez, ou pas, de le livrer à la justice. Il n’y a pas de "choix juste", tout dépendra de votre point de vue. À la fin de l’enquête il sera possible (mais c'est optionnel) de connaître le pourcentage de joueurs ayant penché du même côté que vous, aussi bien pour l'identité du coupable que pour ce qu'il est advenu de lui.

Un exemple de conclusion : j'ai trouvé tous les indices, ma conclusion s'affiche en vert ce qui veut dire qu'elle est juste, et je peux consulter le point de vue des autres joueurs (les textes sont floutés pour éviter les spoils)

Côté défauts, on pourra reprocher à cet épisode une assistance excessive du joueur. Comme dit plus haut, les énigmes ne sont guère difficiles. De même, l’écran indique lorsqu'il est utile d’utiliser le sixième sens, ce qui prive le joueur de l'initiative. Autre point sujet à débats : le jeu propose de résoudre directement les casse-têtes et autres énigmes, ce qui n’est heureusement qu’une option

On déplorera également que toutes intéressantes et réussies que soient les six enquêtes, on reste sur le sentiment qu’il manque une affaire les corrélant, à la manière d'un Phoenix Whright / Ace Attorney. Pour ceux qui n’auraient pas joué à cette série de Capcom, disons pour faire simple qu'on aurait apprécié la présence dans chaque enquête d'un fil conducteur menant à une grande affaire finale. Il y a bien une sous-intrigue avec les "Merry Men", mais au final elle n’a aucune réelle importance. Enfin, signalons que le jeu ne propose pas de doublage français, ce qui est dommage au vu des efforts produits sur ce plan sur les précédents épisodes. Mais rassurez-vous, les textes et sous-titres sont entièrement traduits.

Dommage que l'utilité des déguisements, nouveauté de gameplay introduite par cet épisode, soit aussi limitée.

Pour conclure, s'il délaisse tout ce qui constituait l’aspect point & click de ses prédécesseurs, Sherlock Holmes : Crime et Châtiment est un véritable jeu d’enquête, de bout en bout. On pourra lui reprocher une certaine facilité, mais il reste un très bon Sherlock Holmes dans l'absolu. Il confirme par ailleurs la volonté de Frogwares de renouveler sa franchise, quitte à bousculer des habitudes parfois bien ancrées dans la série.

C'est tout pour l'instant. Cette série de jeux devrait continuer à s'enrichir de nouveaux titres et d'évoluer en fonction des tendances du marché et des machines qui l'accueillent. Ce dossier sera mis à jour chaque fois que ce sera possible.

gregoire01
(17 mai 2018)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Note : cet article était à l'origine un Groblog posté en octobre/novembre 2014 (voir cette section du forum)
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