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Super Double Dragon
Année : 1992
Système : SNES
Développeur : Technos
Éditeur : Technos
Genre : Beat'em all
Par Feyd Rautha (29 octobre 2007)

Double Dragon... Tout le monde connaît la série mythique de Technos, qui a quasiment inventé le genre « beat them’all » (ou « beat them’up » pour les anglophones, voir le topic de référence sur le forum GP). La particularité de cette série est que chaque épisode a toujours moins fait parler de lui que le précédent et qu’elle a sombré à mi-chemin dans une (relative) indifférence... Il est temps aujourd’hui de réhabiliter ce Super Double Dragon trop souvent sous-estimé et peut-être (n’ayons pas peur des mots) le meilleur érie.

STAGE 1 : Historique - La saga Double Dragon

Pour ceux qui ne connaissent pas la série (y en a-t-il ?), un rapide rappel s’impose (pour tout savoir sur les deux premiers épisodes et sur le « Versus fighting », reportez vous aux articles de Laurent, LVD et Twipol) :

Double Dragon (Arcade, 1987) :

Le point zéro, l’arrière-grand-père qui a engendré non seulement les suites, mais aussi tous les autres jeux du genre ! Il reste le plus connu, le plus joué, le plus aimé et le plus adapté (sur quasiment toutes les consoles et micros, sans jamais arriver à la cheville de l’original).

Double Dragon II - The Revenge (Arcade, 1988) :

La séquelle, qui a fait moins de bruit que son aîné, est très anecdotique. Également adaptée de manière ée de machines.

Double Dragon II - The Revenge (NES et PC-Engine, 1989) :

Refonte complète de l‘original, cette nouvelle version restera comme une des pierres angulaires du genre. Une merveille level-design.

Double Dragon III - The Rosetta Stone (Arcade, 1991) :

Malgré les innovations (jeu en coopération à trois, nouveaux persos), c’est un bien piètre jeu, complètement boudé par le public, notamment en raison de son fameux « DLC » avant l’heure (dans les versions européenne et américaine, les power-ups devant être - littéralement - achetés, en insérant des pièces dans la borne!). La version NES demeure sympathique mais sa difficulté rebutera les ’entre vous.

Super Double Dragon / Return of Double Dragon (SNES, 1992) :

Dernier jeu de la saga à être développé par Technos avant sa banqueroute, notre plat du jour est une exclusivité Super Nintendo à propos de laquelle les opinions sont assez mitigées.

Double Dragon V : The Shadow Falls (SNES, MD et JAGUAR, 1994) :

Changement de registre, il s’agit là d’un « Versus fighting », à l’intérêt plus que discutable.

Double Dragon (Arcade / Neogeo, 1995) :

Toujours du « Versus fighting » mais contrairement au précédent, une réalisation pêchue et un bon gameplay en font un très bon jeu (voir l'article de Twipol), injustement méconnu du grand public.

On notera également de nombreuses apparitions des frères Lee dans d’autres jeux, notamment dans le « cross-over » Battletoads & Double Dragon de Rare, le sympathique jeu de volley Super Smash V’ball de Technos, ou encore les excellents jeux de baston que sont Rage of the Dragons (dans lequel apparaît également Abodo) et Matrimelee (Jimmy seulement), tous deux de Noise Factory. Morceaux choisis :

Battletoads & Double Dragon : bof...
Billy dans Matrimelee
>ROTD: Les frères Lee changent de look !
ROTD: Billy vs Jimmy.

STAGE 2 : Version 0.8 - Super Double Dragon par Tradewest, versions US et Europe

Sortie en octobre 1992 sur le continent nord-américain, quelques jours à peine avant son pendant asiatique, cette version du quatrième volet de la série a en fait été éditée par Tradewest, qui, dans sa hâte de sortir le jeu au plus tôt, n’a pas pris le temps de « fignoler » son bébé avant de le mettre en vente. On ne peut pas aller jusqu’à dire que les différences entre les versions US et Jap se ressentent vraiment mais elles ont néanmoins leur importance (on y reviendra en détail). À noter que la version européenne n’a pas bénéficié des améliorations de la version japonaise, sortie pourtant ôt.

Assez bavardé, passons au plat principal : le jeu en lui-même ! Le scénario de celui-ci est indépendant des trois premiers, qui formaient une histoire continue. Ici, Billy et Jimmy Lee ont ouvert une école d’arts martiaux et coulent des jours heureux tandis que les affaires marchent bien. Trop bien pour le dojo concurrent, contrôlé par les « shadow warriors » qui décident de kidnapper Marian, une élève des frères Lee, afin de pousser ces derniers à fermer les portes de leur école. Évidemment, Billy et Jimmy n’hésitent pas une seconde et redescendent dans les rues en 3D isométriques pour faire le ménage...
(Ne cherchez pas un résumé de l’histoire si vous ne possédez pas la notice, aucune mention du scénario n’est faite dans le jeu en lui-même.)

L’écran-titre de la version US et le visuel de la boîte.

Une fois le jeu allumé, pas d’autre choix que d’entrer dans le vif du sujet : aucune séquence d’introduction ni option notable... nous voila donc dans la rue, seul ou à deux. Les premières minutes peuvent surprendre, le rythme du jeu, la vitesse à laquelle les coups s’enchaînent... : tout cela peut sembler un peu mou de prime abord. Ce n’est pas vraiment un défaut mais lorsque l’on a l’habitude de jouer à Final Fight ou Streets of Rage, il y a de quoi être choqué. Cela dit, cette impression de lenteur se dissipe rapidement (sauf si vous jouez en 50hz).

Visuellement, le jeu tient vraiment la route : les sept stages sont beaux et très variés. Les sprites, peut-être un peu plus petits que ce que l’on aimerait, sont fins et bien animés... du bon boulot, un cap a été franchi par rapport aux opus précédents. Quant à Billy et Jimmy, fidèles à eux-mêmes, ils n’ont toujours pas changé leur garde robe, et c’est tant mieux. Tout au plus pourrons-nous remarquer que les vêtements de Jimmy commencent à se décolorer, et sont devenus avec le temps plus proches du rose que du rouge !

Agréable pour les yeux, SDD l’est aussi pour les oreilles : les impacts de coup et les digits vocales sonnent bien, tout comme les musiques, qui sans atteindre des sommets, collent parfaitement à l’ambiance.

Le premier niveau se déroule à Las Vegas.
Le clone des frères Lee est de retour!

Dans un beat them‘all, quelle que soit sa qualité visuelle et sonore, il y a une chose qui peut le transformer en chef-d’œuvre comme en daube : le gameplay. Eh bien mes amis, il est ici tout simplement excellent. Le jeu utilisant cinq boutons, les possibilités ès nombreuses ! Jugez-en plutôt :

- Coups de base : Comme d’habitude dans un Double Dragon, un bouton est dédié aux coups de poings et un autre aux coups de pieds, ce qui permet de faire des enchaînements en mixant les deux. Et si l’ennemi se protège, on appréciera la possibilité de lui balancer des low-kicks. Un autre bouton, lui, sert à sauter. Notez que, hormis les couleurs, la seule différence entre les deux frères se trouve dans l’animation de certains

- Corps à corps : Billy et Jimmy sont plus que jamais efficaces une fois qu’ils ont attrapé leur proie : projections, volées de coups de genoux ou de coups de coudes, à vous de voir selon votre humeur du moment. De plus, si pendant que vous tenez l’ennemi, un autre s’approche par derrière, vous pouvez le renvoyer d’où il vient d’un bon coup de talon.

Il protège sa tête, visons donc les jambes.
Tu croyais que je t’avais pas vu arriver ?

- Défense : Une nouveauté, un bouton nous donne la possibilité de se mettre en défense, ce qui nous permettra soit de bloquer le coup sans subir de dommage, soit d’attraper le bras de l’adversaire qui frappe pour l’immobiliser et se déchaîner sur lui, soit, dans le pire des cas, de se faire éclater quand même, selon le type d’ennemi et de coup. Au final, on n’utilisera que très peu cette option innovante mais au résultat trop aléatoire.

- Coups spéciaux : Vous remarquerez que sous le score se trouve une jauge, qu’il vous revient de charger en maintenant le bouton R, entre deux rafales d’ennemis, et qui vous permettra d’effectuer différents coups spéciaux. Lorsque la jauge est peu remplie, vous pourrez exécuter un coup de poing ou de pied différent des coups de base. Le coup de poing est peu utile mais le coup de pied permettra de faire tomber son ennemi, salutaire lorsque l’on est submergé. Avec la jauge remplie au moins de moitié, vous accédez au « hurricane kick » (vous savez, comme Ken et Ryu), qui permet à votre perso de traverser une bonne partie de l’écran, en assommant les ennemis sur son passage et en procurant une quasi-invulnérabilité non négligeable. Enfin, si la barre est pleine, Billy et Jimmy passeront en mode « berserker » et il leur suffira d’un coup pour mettre leurs adversaires au tapis. Avec une force ainsi décuplée, vous pourrez tuer les ennemis plus rapidement et sans trop vous exposer. Le coup spécial le plus intéressant du jeu... du moins dans la version US.

Coup spécial : le Hurricane Kick.
Billy est passé en « berserker », ça va chauffer !

Et ce n’est pas fini... que serait un beat them’all sans son lot d’armes et objet divers a ramasser ? SDD n’échappe pas à la règle et nous ressert les classiques de la série (dynamite, bidon, rocher, couteau...) ainsi que des nouveautés (bâton, nunchaku... et un boomerang !). Apprenez à utiliser ces armes à bon escient, car elles sont souvent puissantes et utiles face à l’atroce difficulté du jeu. Mais la médaille a toujours son revers : gardez à l’esprit que si un couteau peut tuer presque tous les adversaires en un coup, il vous arrachera la moitié de votre jauge de vie si vous en êtes la victime !

Et les ennemis dans tout ça ? Peu variés, ils possèdent néanmoins les mêmes atouts que vous : la possibilité de se mettre en défense, d’utiliser des armes, et surtout, ils sont chacun dotés d’un panel de coups relativement divers, ce qui les rend imprévisibles (contrairement à la plupart des beat - même les meilleurs - dans lesquels les ennemis n’ont qu’un ou deux coups). Ils sont de surcroît extrêmement agressifs, arrivent par grappes et tentent systématiquement de vous encercler. Bizarrement, tous les boss sans exception ne sont pas très difficiles à vaincre... enfin «de base ».

Puisqu’on en parle, arrêtons-nous un instant sur la difficulté du jeu : vous avez peut-être pu lire çà et là que le jeu est extrêmement facile ou bien extrêmement difficile. En fait, SDD est ardu au plus au point mais plutôt généreux en continues. Donc certes, n’importe qui peut en arriver à bout avec un nombre quasi-illimité de vies, mais avec un seul crédit, atteindre le troisième ève de la gageure.

Le nunchaku : la meilleure arme
À deux, la tâche est moins ardue.

Pour résumer, avec ses parties visuelle et sonore solides, un bon panel de mouvements et un challenge à la hauteur des hardcore-gamers que nous sommes, le Super Double Dragon de Technos nous offre ici un des meilleurs beat them’all que l’ère 16-bits ait connu, et ne souffre guère de la comparaison avec les deux autres « champions » de la catégorie que sont Streets of Rage et Final Fight. Pourtant, le jeu (sorti presque conjointement avec le film) a été accueilli tièdement autant par la critique que par le public. Peut-être a cause de son classicisme, de sa relative lenteur, de sa difficulté ou du fait que le genre était déjà très présent SNES/SFC.

STAGE 3 : Version 0.9 - Return of Double Dragon par Technos, version Japonaise

L’écran-titre de la version japonaise et le visuel recto/verso de la boîte.

De l’autre côté du monde, à peine plus tard, sort chez nos amis japonais le même jeu retitré pour l’occasion Return of Double Dragon. Le même ? Pas tout à fait : Technos a pris le temps de peaufiner le jeu qui était sorti aux USA « à l’état brut ». Si un œil peu averti n’y verrait que du feu, les différences sont assez notables pour que l'on s’y attarde :

  • L’ajout le plus significatif concerne le septième et dernier niveau, deux fois plus long que dans la version US et comprenant le retour de tous les précédents boss que l’on doit de nouveau affronter avant le boss final.
  • Des options font leur apparition : on peut y régler le niveau de difficulté, le nombre de continues et accéder sound test.
  • Toujours à propos de la difficulté : elle a été revue à la baisse! Même au niveau Hard, le jeu est sensiblement moins difficile que la version US. Cela dit, le jeu demeure ardu au niveau « easy ».
  • Le « Hurricane Kick » frappe plusieurs fois les adversaires alors qu’il les faisait tomber du premier coup dans la version US. Ça a l’air d’un détail ça rend cette attaque surpuissante.
  • L’ordre des musiques est complètement chamboulé. La musique de l’écran-titre est différente.

Enfin, des modifications d’importance moindre ont été apportées : l’apparition des ennemis se fait dans un ordre différent, on peut désormais ramasser une arme a terre alors qu’on en a déjà une en mains et l’écran-titre a également changé, mais ça vous l’aviez peut-être remarqué...

Si ce passage ne vous dit rien, procurez-vous la version japonaise !

STAGE 4 : Version 1.0 - Le jeu auquel vous ne jouerez jamais...

Alors, ce Double Dragon 4 jap' est la version définitive? Toujours pas : nous ne connaîtrons jamais le jeu « finalisé », car Technos, au bord de la faillite, a sorti le jeu précipitamment, sans avoir le loisir d’y inclure de nombreux détails :

- Le scénario : Présent dans la notice mais grand absent des deux versions. À l’origine, de nombreuses séquences devaient prendre place avant chaque stage et une séquence de fin devait être réalisée.

Graphismes non utilisés prévus pour les cut-scenes.

- Marian : Le personnage censé être kidnappé n’apparaît en fait à aucun moment dans le jeu, tout juste peut-on le voir dessiné dans la notice japonaise. Il y a fort à parier qu’elle était originellement prévue attachée dans un coin du décor du dernier boss...

- Le traditionnel combat final : Comme dans DD1, Billy et Jimmy étaient censés s’entretuer dans le mode deux joueurs pour obtenir les faveurs de la belle.

- Une foule de détails devaient être intégrés au jeu : des éléments du décor destructibles (comme les vitres de l’ascenseur du premier stage), des sprites enflammés au contact d’une bombe, le décor final envahi par les flammes, ...

Ces flammes et ce sprite ne seront jamais animés...

Pour conclure, Super Double Dragon / Return of Double Dragon est un jeu qui mérite bien plus que sa réputation et gagne à être (re)découvert. Malgré le nombre important de beat them’all sur la 16-bits de Nintendo, sa réalisation, sa diversité et sa « replayabilté » en font le meilleur jeu du genre sur cette console.

Feyd Rautha
(29 octobre 2007)
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