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Prop Cycle
Année : 1996
Système : Arcade
Développeur : Namco
Éditeur : Namco
Genre : Arcade / Action / Jeu de Course
[voir détails]
Par JPB (01 janvier 2020)

À Nancy, peu de temps avant l'an 2000 et le déclin final de l'arcade, je fréquentais deux salles de jeux au centre-ville : le Strike au centre Saint-Sébastien, et le Métropolitain rue Mazagran. Il en existait une troisième dans le même secteur, plus petite et bien cachée pour qui ne la connaissait pas : le Galaxy, rue Saint Jean.

Le Galaxy était assez particulier. Déjà, la salle était souterraine : on arrivait par le haut, et après avoir dépassé un Jeu de la Taupe (Whac-A-Mole) bien marrant près de l'entrée, on pouvait descendre sur deux niveaux, l'intermédiaire proposant des billards et celui tout en bas présentant une dizaine de jeux d'arcade, de palet et de baby-foot.

Mais à mon sens, ce qui était exceptionnel et monopolisait l'attention dans cette salle, c'était une borne d'arcade volumineuse, avec un grand écran surplombant un siège jaune avec des pédales.

Pratiquez une activité physique régulière

On connaissait déjà Hang-On puis Super Hang-On, qui en version ultimate proposaient une moto sur laquelle s'asseoir et se pencher pour prendre les virages. Enduro Racer offrait au joueur de monter sur une moto-cross et de l'incliner vers l'arrière pour prendre les bosses. Mais là, avec Prop Cycle, on franchit un nouveau palier dans l'implication du joueur.

Si je vous demande : « Quelle est la différence entre un vélo et une moto ? », j'espère que vous me répondrez autre chose que « Harley Davidson ne fabrique pas de vélos ». Vous conviendrez que faire du vélo demande une participation active du rouleur : il faut pédaler. Ahh, c'est donc ça le truc !? Alors, Prop Cycle, c'est un simulateur de Tour de France ? On pédale dans les montées, on file en roue libre dans les descentes, on essaie de doubler Virenque à l'insu de son plein gré ?

Le flyer américain. Merci au site Arcade Flyer Archive ! Cliquez sur une image pour une version plus grande.

Non, et c'est tant mieux. La vérité est plus amusante : le vélo de Prop Cycle est un vélo volant. Il est constitué d'un vélo tout ce qu'il y a de plus traditionnel à la base, mis à part la roue avant qui est remplacée par une grande aile, et l'ajout de dérives de profondeur et d'une grande hélice à l'arrière.

Ce jue n'est pas un jue sur le cyclimse

Je vous livre ici l'histoire que j'ai réussi à retranscrire entre les écrans de jeu en anglais et le site officiel en japonais. Soyez indulgents si vous trouvez que c'est un peu bizarre... Google Traduction a des limites ! :)

L'histoire se passe dans un monde lointain. Il y a deux cents ans, lors de la dernière guerre, l'utilisation de la super-arme magnétique spatiale "Bombe Tesla" dévasta la Terre. Les rares survivants ont abandonné la haute technologie et ont choisi une vie simple mais élégante. La technologie la plus avancée ici est la machine à vapeur, et la source d'énergie la plus utilisée est le silex. Bien qu'il n'y ait plus sur Terre que des vallées escarpées, conséquence de l'utilisation des armes, la technologie de vol personnel nécessaire pour que les gens puissent vivre sans détruire la nature a progressé à pas de géant. Le résultat de la sagesse des nouvelles civilisations, qui ont accumulé leurs découvertes pour voler librement dans le ciel grâce à la seule puissance humaine, est la machine volante à propulsion humaine "Raperopter". L'atelier de machines de vol «Raperopter», fondé il y a 170 ans, est l'une des sociétés de fabrication de machines de vol les plus célèbres au monde.

Hélas, un jour, quelqu'un toucha l'autel sacré, et soudain comme par magie, trois parties du village se mirent à flotter et à monter dans le ciel, chacune représentant une forme connue : une étoile, la lune, le soleil. Disparaissant à la vue de ceux restés au sol, on appela ces blocs "l'île solitaire" ou Solitar.

Un jour, une lettre provenant de Solitar arriva jusqu'à la terre. Ce qui ressemblait à un autel était en fait le contrôleur d'une arme qui continuait à se charger depuis qu'elle avait été malencontreusement activée. Pour éviter que Solitar explose et ravage tout, il fallait vite arriver à éliminer toutes les boules rouges qui flottaient autour de l'île : ainsi la production d'énergie serait stoppée et les trois immenses blocs retrouveraient leur position d'origine. De nombreux héros tentèrent l'aventure, mais jusqu'ici aucun ne réussit.

Pour ne plus augmenter le nombre de victimes, une simulation fut organisée : trois épreuves de course et d'habileté pour arriver à maîtriser à la perfection le Raperopter. Seul celui qui arriverait à passer ces trois épreuves aurait une chance de réussir à désamorcer l'arme sur Solitar.

Si vous voulez en savoir plus : le site officiel est ici.

Pédaler c'est la santé

Alors, après avoir lu le scénario un peu étrange, que faut-il faire dans ce jeu ?

Prop Cycle est une course contre le chronomètre. Sur le vélo volant, il faut réussir chaque épreuve sur trois parcours prédéfinis (Cliff Rock, Wind Woods et Industarn), et pour cela percuter les ballons rouges qui flottent ici et là afin d'obtenir des points ou des secondes supplémentaires.

Cliff Rock, Wind Woods et Industran, les 3 environnements proposés de base.

Prop Cycle propose de s'entraîner ou de jouer, et il y a de petites variations entre ces deux modes.

Entraînement

L'entraînement permet de tester un seul des trois environnements proposés. On peut alors en découvrir les différents passages, raccourcis, et en même temps se familiariser avec l'appareil et ses réactions.

Au début, on vous affiche la carte de la zone. Ensuite la caméra prend du recul et on se rend compte qu'elle était tenue par un étrange personnage moustachu, qui s'envole (?) pour laisser la course commencer. La caméra continue de reculer jusqu'à ce que vous puissiez apercevoir la petite passerelle en hauteur qui vous sert de lieu de lancement. Puis, passage quelques mètres derrière le vélo et son pilote, et c'est le départ : un compte à rebours commençant à 80 secondes démarre aussitôt. Ici, pas de limite de score à atteindre, sachant que les ballons qu'on percute sont disposés différemment que lorsqu'on joue. Le but de l'entraînement est de voler le plus longtemps possible, pour pouvoir percuter le plus grand nombre de ballons. Chacun d'eux, si on l'éclate, octroie le score (10, 50, 100, 200 ou 300 points) ou le temps supplémentaire (+10 ou +20 secondes) qu'il affiche. Un PERFECT est accordé si le joueur a réussi à détruire tous les ballons à points de la zone (un avertissement s'affiche quand il en reste moins de cinq) sachant que les ballons qui donnent du temps ne comptent pas. Une fois le temps dépassé, ou le PERFECT obtenu, la partie est terminée.

En entraînement ou en jeu, on vous affiche la carte de la zone au départ,
et on vous montre à la fin votre parcours et vos points pour que vous puissiez vous améliorer.

Si vous voulez vous entraîner sur une autre zone, il faut lancer une nouvelle partie (payer, quoi).

Jeu ou histoire

L'histoire, ou le jeu proprement dit, est un peu plus difficile. Tout d'abord, on peut choisir de commencer par la zone qu'on préfère parmi les trois déjà vues à l'entraînement, mais il faudra arriver à terminer les trois épreuves dans la même partie. Quel que soit l'ordre choisi, la première course demande d'arriver à un score de 750 points, la deuxième 1500, la troisième 3000... Quant à la quatrième, elle n'est pas liée à un score à atteindre.

Pour obtenir au moins le score éliminatoire, il faut percuter les ballons, qui, je le disais plus tôt, ne sont pas exactement aussi nombreux ni disposés au même endroit que pendant l'entraînement. Là aussi, le personnage moustachu donne le départ, mais avec un compte à rebours de 50 secondes cette fois. Pour espérer faire rapidement grimper son score, il vaut mieux suivre la flèche qui représente le parcours idéal, mais le joueur peut décider de rester dans un coin s'il veut à tout prix éclater tous les ballons qui s'y trouvent, ou au contraire suivre le cheminement sans jamais faire demi-tour au risque de ne pas percuter tous les ballons. Est-il rentable de faire un détour pour récupérer 200 points, au risque de ne pas voir assez de temps pour continuer la suite du parcours ? Tout est possible, l'objectif reste d'atteindre le score demandé.

Le personnage qui vous tient la pancarte.
La fabrique Laperopter, à Cliff Rock.

À la fin du compte à rebours, si le nombre de points atteint est inférieur au score limite, la partie est finie. Si au contraire, il est supérieur ou égal, une petite cinématique se lance, puis c'est le départ de la deuxième course... et ainsi de suite jusqu'à réussir la troisième. On peut heureusement profiter d'un Continue pour tenter de réussir le challenge, ce qui est d'autant plus intéressant que lorsqu'on en utilise un, le nombre de points à atteindre diminue de 300...

Solitar

Si et seulement si vous avez réussi les trois épreuves à la suite en mode jeu, une dernière cinématique montre qu'on a fixé un énorme élastique au vélo et qu'on le propulse dans le ciel, jusqu'à survoler Solitar, les trois morceaux des villages qui se sont envolés.

Attention, vous n'avez droit qu'à un seul essai ! Le Continue n'est pas disponible dans cette manche. C'est tout ou rien !

Au début de la 4ème zone : Solitar !

Ici, un compte à rebours de 90 secondes démarre, et votre objectif est d'arriver à percuter les orbes rouges qui fournissent l'arme en énergie. Elles sont au nombre de 12 et flottent un peu partout sur les trois blocs. Si vous échouez, il faut recommencer les trois épreuves à zéro. Mais si vous réussissez, vous devenez le héros de Solitar, car grâce à vous l'arme est désactivée et les trois blocs redescendent lentement retrouver leur position d'origine.

Vélo d'appartement

Physiquement, comment se présente la borne ? D'un grand écran (50 pouces) fort agréable, qui permet de s'immerger dans le jeu – et aux spectateurs de regarder ce qui se passe. Devant, sur le socle, un vélo jaune sans roues et sans ailes, puisqu'il est fixé et ne comporte pas de partie mobile (pas d'inclinaison possible, ni sur le côté ni en arrière). Bien sûr il y a des pédales sur ce vélo, c'est ce qui fait tout son charme !

Le joystick est un guidon, qui rappelle un peu la manette de Star Wars, en ce sens qu'il permet de tourner sur un axe central pour aller à droite et à gauche (comme un volant de voiture), mais aussi de monter ou descendre en inclinant les poignées de chaque côté de la même manière que dans un avion : on pousse pour descendre et on tire pour monter. Mais contrairement à Star Wars, pas de gâchettes pour tirer : Prop Cycle est un jeu non violent. Accessoirement, la manette sert à se tenir pendant qu'on donne tout ce qu'on a !

Sur le dessus du guidon, un gros bouton rouge permet de lancer la partie et sélectionner les options de jeu, et en cours de partie d'afficher ou masquer la carte.

La borne. Cliquez sur l'image pour une version plus grande.
Image provenant du Flickr de Scott, prise au Strong Museum de Rochester, NY.

Le principe est simple : plus on pédale vite, plus on vole vite, et surtout plus on a la possibilité de voler haut. En effet, le parcours à suivre dans chaque zone n'est pas une simple ligne droite. On doit parfois monter dans le ciel pour heurter un ballon de plein fouet, se laisser plonger vers un autre, tourner autour de points précis, pénétrer dans une grotte, bref : il y a de quoi faire. Réussir à éliminer tous les ballons nécessite une bonne connaissance du parcours, une bonne connaissance des réactions du vélo, et une bonne constitution du joueur !

Car pédaler, c'est facile, mais au bout d'un moment c'est assez épuisant. Contrairement à Super Hang-On, il ne faut pas se relâcher : le vélo n'avancera pas si le joueur ne se donne pas de mal ! Mais la réalisation du jeu, l'aspect humoristique et un peu magique de la situation, et quelque part la fierté de devoir gagner même s'il faut y laisser ses poumons font qu'il est tout de même rare de perdre par manque de « combustible » ; de plus, le vélo est assimilable à un planeur à hélice : si on ne pédale pas, on ne tombe pas aussitôt comme une pierre, on plane mais de moins en moins vite, jusqu'au décrochage. Ce seront plutôt les erreurs de trajectoire ou les mauvaises prises de décision pour les cibles qui sanctionneront le joueur, du moment qu'il a un minimum de jarret, et au final on en revient aux comportements habituels d'un jeu de course plus traditionnel.

Réalisation

La borne tourne autour d'un Super System 22 de Namco (1993), découvert avec Ridge Racer. Pour les gens qui veulent du technique, il utilise ces éléments : un Motorola 68EC020 (@ 24.576 Mhz) en principal, avec deux TMS32025 (@ 49.152 Mhz) et un M37710 (@ 16.384 Mhz). Pour le son, c'est un chipset C352 (@ 16.384 Mhz).

Prop Cycle est joli. On ne peut effectivement pas nier la ressemblance avec Ridge Racer ! Heureusement, le vélo va moins vite, et du coup on peut davantage profiter des décors. Les zones dans lesquelles le joueur évolue sont verdoyantes et vivantes : on y trouve des maisons, des moulins, il y a un chemin de fer, des ponts, de l'eau... On peut même voir des gens un peu partout, certains perchés sur le toit de leur maison, vous acclamer lorsque vous passez près d'eux ! Mais il y a aussi des endroits plus mystérieux : une petite grotte derrière une cascade, une plus grande qui abrite d'étranges créatures... Je trouve que ça a un peu le look d'un dessin animé du studio Ghibli : des lieux hors du temps, avec des constructions humaines facilement reconnaissables au milieu de la nature... et des appareils volants étranges !
Les personnages sont en 3D façon manga, d'ailleurs le cycliste incarné par le joueur fait furieusement penser à Sangoku, vu sa coupe de cheveux explosive.

Sangoku s'est mis au vélo ou quoi ?

Côté animation, rien à redire. En cours de vol, tout est parfaitement fluide et rapide. Le vélo est bien représenté, avec l'hélice qui tourne plus ou moins vite et les dérives qui s'inclinent quand on change de direction ; le personnage qu'on incarne bouge lui aussi en fonction de ce qu'on décide (surtout, il se penche en avant quand on se met à pédaler rapidement). Le vélo et son pilote restent toujours au centre de l'écran, c'est toute la vue qui monte, descend et tourne en fonction des manœuvres du joueur.
Les petites cinématiques faites avec le moteur du jeu sont courtes et amusantes. En dehors de celles présentes en cours de jeu, ne ratez pas plusieurs petites séquences qu'on peut voir avant de mettre des pièces : l'attract mode, un petit tutorial, et l'histoire avec les îles qui s'envolent. Et si vous gagnez, vous verrez les crédits du jeu avec tous les développeurs en même temps que la fin de l'histoire.

Le son est minimaliste, mais suffisamment bien fait pour remplir sa part du boulot. J'aime particulièrement le bruit du vent quand on commence à prendre de l'altitude. Et quand on percute un ballon qui ajoute du temps, ou quand on a réussi le score minimum, le pilote s'écrie "Hourra !", c'est marrant.
J'avoue en revanche ne pas avoir trouvé les musiques particulièrement remarquables.

Au début d'Industarn.
La vallée de Wind Woods et son clair de lune.

Le gameplay : excellent ! Sans prendre en compte le fait de devoir pédaler, les quatre environnements sont bien pensés, avec des ballons disposés de façon logique pour permettre de les éclater tous en un parcours fluide une fois qu'on connaît leur emplacement. Le fait d'avoir des ballons à hélice qui bougent, ou d'autres qui sont plutôt bien cachés et demandent de l'investigation, obligent à faire plusieurs parties avant d'avoir une idée claire du meilleur parcours possible. Mais la difficulté est peu élevée, ce qui donne vraiment envie d'aller plus loin.
Le fait de devoir pédaler en plus, fait de Prop Cycle un jeu réellement accrocheur.

Vous trouverez à cette adresse une vidéo du jeu émulé, qui montre toute l'histoire et la réussite des 4 étapes.
Et ici, une vidéo de Slonie qui le montre en train de jouer. On se rend compte de l'ambiance (et encore, dans mon souvenir je pédalais plus vite que lui).

Conclusion

Prop Cycle fut le premier d'une petite lignée de jeux "actifs". Ainsi, Namco sortit en 1997 Downhill Bikers, plus réaliste et à la borne bien plus perfectionnée, mettant en scène une course de VTT ; la même année, il y eut aussi Final Furlong, proposant de monter sur un canasson et de faire la course façon tiercé en inclinant le cheval d'avant en arrière le plus vite possible pour avancer.

Downhill Bikers et Final Furlong. Cliquez sur une image pour une version plus grande.

De nos jours, un développeur nommé Phil Stroffolino est en train de rendre un hommage à Prop Cycle, en réalisant Bike Girl. Vous en saurez plus ici.

Si on pouvait dénicher Prop Cycle en parfait état de nos jours, j'en prendrais volontiers un pour le mettre à la maison et m'amuser à pédaler (bon, je n'ai ni la place ni les finances nécessaires, mais ce sont des considérations secondaires). Hélas, l'âge d'or de l'arcade est terminé depuis longtemps. Je suis content d'avoir pu faire de nombreuses parties, et de m'être bien amusé avec ce jeu délirant. Je regrette que mes enfants ne puissent pas l'essayer à leur tour en dehors de l'émulation M.A.M.E, parfaitement jouable au joypad, mais sur laquelle pour une fois... il manque quelque chose d'irremplaçable !

JPB
(01 janvier 2020)
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