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Pokémon - Version Noire & Blanche
Année : 2010
Système : DS
Développeur : Game Freak
Éditeur : Nintendo
Genre : RPG

F - Un nouveau chef d'œuvre

F.I - Pokémon noir et blanc

Autant couper court au suspense, et disons-le franchement : je considère Pokémon version Noire et version Blanche non seulement comme l'une des meilleures versions, se hissant même au niveau de la toute première génération, mais également comme l'un des meilleurs jeux de la Nintendo DS en règle générale. Cet épisode a un avantage majeur, qui serait sa plasticité : il peut à la fois se jouer par les novices, qui ne connaîtraient rien à la série, et par les connaisseurs, qui ont épuré les jeux précédents en long, en large et en travers. À la fois retour aux sources et exploration de toutes les possibilités, Pokémon noir/blanc est un jeu providentiel, le « passant considérable » que les légendes évoquent du bout des lèvres.

Les sprites sont zoomés comme au temps de la Snes. Il faut voir ça en mouvement !

Sur le papier, rien ne semble avoir changé : un héros, trois starters, huit champions d'arène, une ligue, un groupe de méchants (la « Team Plasma »). Et pourtant, chacun de ces éléments a été légèrement modifié, transformé pour en faire quelque chose de différent et, même, d'actuel : Pokémon, malgré ses renouvellements successifs, avait toujours gardé un petit côté passéiste qui a pu lui être reproché. Ici, la critique ne peut exister.
Tout d'abord, le joueur n'aura pas tant des « rivaux » que des « amis » d'enfance, deux pour être précis, un garçon et une fille : et ils auront chacun un starter, ce qui fait que les trois créatures seront choisies. Ces « rivaux » sont même plutôt gentils vis-à-vis des standards de Gary Oak, mais ils ont, en contrepartie, des personnalités bien plus approfondies que par le passé : Bianca préfère davantage choisir ses pokémons en fonction du lien émotionnel qu'elle peut tisser avec eux, alors que Tcheren ne sélectionne que les plus puissants pour devenir le plus grand des maîtres. Cela semble simple, mais on l'attendait depuis toujours, et ces personnages représentent réellement l'éthique, ou la philosophie que l'on peut construire à partir de Pokémon, puisque les bestioles sont à la fois des guerriers mais aussi des êtres sensés avec leurs propres sentiments.

Bianca et Tcheren ont bien plus de profondeur qu'on pourrait le croire...

Cette « philosophie » est ainsi introduite par les rivaux, mais elle est développée par le grand méchant du jeu, le mystérieux N car oui, Pokémon a ici une véritable histoire ! La Team Plasma ne propose rien de moins que de libérer les pokémons et de les ramener à l'état sauvage, plutôt que de les obliger à servir des motivations belliqueuses.
Bien évidemment, vous vous doutez bien de l'issue de ce scénario (indice : l'amour triomphe de tout), mais la chose est si novatrice pour la série, et elle est si bien faite que l'on ne peut s'empêcher d'être emporté dans l'aventure. Le jeu ira même jusqu'à provoquer un twist après avoir battu la ligue pour résoudre l'histoire : du jamais vu !

Les combats duo sont toujours là, on peut même en faire contre les pokémons sauvages. À droite, les passants sont en mouvement perpétuel. À nouveau, l'effet est très bien rendu.

Mais soyons honnêtes : l'on n'a jamais joué à un Pokémon pour son scénario, alors je délaisse celui-ci pour revenir vers le jeu en lui-même. Le monde d'Unys dans lequel se déroule l'aventure est divisé en deux moitiés, et le joueur va parcourir une grande boucle afin de tout explorer. Cependant, le génie de cette aventure est de proposer au joueur d'explorer d'abord le côté gauche de la contrée, en ligne droite, jusqu'à atteindre la ligue puis de « redescendre » le côté droit.
Dans la moitié gauche, il n'y aura qu'uniquement de nouvelles créatures (155, à nouveau avec certaines d'entre elles spécifiques à une version et des légendaires « bonus », que l'on pourra obtenir via des événements divers), et ce n'est qu'une fois la ligue battue la première fois qu'une sélection des créatures des quatre générations précédentes apparaîtra.

Le monde d'Unys. Le joueur commence en bas à droite, et une fois arrivé à la première intersection, prend le chemin de gauche jusqu'à revenir au croisement. La ligue est directement au nord du croisement, juste au-dessus de la pokéball.

Ce système nous oblige ainsi d'utiliser les nouveaux pokémons pour terminer le jeu, et de découvrir alors le travail fascinant que les créateurs ont effectué : si les nouveaux pokémons ne parviendront jamais à atteindre, dans mon cœur, la beauté et l'intelligence de la première génération, je dois dire qu'ils ne sont vraiment pas loin de ceux-ci ; c'est sans doute la meilleure des distributions que l'on aurait pu rêver. Ils sont attachants, menaçants, drôles, fascinants... Bref, un réel sans-faute. Il n'y a guère, peut-être, que les légendaires qui sont encore un peu en deça mais en comparaison de ce que l'on avait dans la quatrième génération, ils valent largement le détour.
Comme de coutume, tout ceci est allé avec l'inclusion de nouvelles attaques et compétences, un meilleur équilibrage de celles-ci, etc., etc. L'interface, quant à elle, n'a pas fondamentalement évolué vis-à-vis des précédentes itérations sur Nintendo DS et reste un modèle du genre. Les graphismes sont véritablement magnifiques, avec une meilleure utilisation de la 3D et des différents effets, les reflets, les tempêtes de sable, la neige... Quand bien même l'on ne serait pas, encore, dans le haut du panier de ce que la console a à proposer, la chose est réellement sympathique et fait avec ferveur.

Le choix du starter est toujours un événement. Quant aux graphismes, aux reflets, aux ombres... Tout fonctionne à merveille.

L'aspect « retour aux sources » s'observe également dans la façon dont la difficulté se répartit le long de l'aventure : si les premières heures sont assez faciles, du moins jusqu'à la troisième arène, la chose se corse alors brutalement avant d'atteindre un rythme de croisière et de brusquement remonter lors de la ligue, qui est sans doute la plus difficile de toutes selon moi. Pour la première fois par ailleurs, le joueur peut choisir dans quel ordre il peut affronter les champions, mais ce n'est pas pour autant que la chose devient plus simple... L'aventure est donc plus ou moins coupée en trois parties, une introduction en douceur, où les différents mécanismes de jeu sont assez bien explicités, une section médiane assez délicate où il faut peaufiner ses stratégies et choisir les bonnes créatures, et une conclusion en apothéose qui nous donne réellement l'impression d'être devenu un maître dans notre domaine.
La deuxième grande partie du jeu, c'est-à-dire celle qui survient après avoir battu la ligue une première fois, est davantage consacrée à l'exploration et à la collection, et peut paraître surnuméraire. Elle a au moins le mérite, pour celles et ceux qui le désirent, de proposer de nouveaux environnements afin de compléter l'expérience de jeu et il faut réellement le voir comme une immense side-quest, de la même façon que l'on pouvait revenir dans le monde de la première génération après avoir battu la ligue dans la version Or/Argent. Cette « quête » permet de pousser à son paroxysme notre approche des stratégies du jeu, ce qui est toujours bon à prendre.

Le logo de la Team Plasma est assez beau, je dois dire, et les effets en combat sont impressionants.

Il est également sympathique de voir que le système GTS, qui a fait son apparition dans la quatrième génération, est de retour et permet de compléter son pokédex. Un autre élément a fait ici cependant son apparition : le Pokémon Dream World. Après avoir passé un certain point de l'aventure, il devient possible de faire s'endormir un pokémon et de le projeter sur l'Internet, afin de le faire évoluer dans un monde imaginaire où il pourra collecter des objets et même rencontrer d'autres pokémons, et il sera possible de rapatrier ceux-ci dans la cartouche. Ces pokémons sont souvent rares et, surtout, possèdent des capacités et des attaques inaccessibles autrement.
Il y a cependant deux défauts, selon moi, au système: d'une part, l'on ne peut y accéder qu'une heure par jour, et il faut attendre 24 heures pour y retourner. Bien entendu, cela est fait pour éviter aux serveurs de surchauffer, et même avec cette limite il est parfois difficile de se connecter. D'autre part, afin d'obtenir ces nouveaux pokémons et ces nouveaux objets, il faut compléter des mini-jeux sympathiques certes, mais très redondants. Au bout d'une semaine, j'en avais plus ou moins assez. L'initiative est louable, et il est rassurant de voir que Nintendo essaie, à sa propre façon, d'inclure le jeu en ligne dans ses séries les plus populaires, une chose amenée sans doute à se démocratiser avec la WiiU et son système de leaderboard.

Le Pokémon Dream World est mignon certes, mais il s'adresse davantage aux jeunes joueurs.

Pokémon Noir/Blanc marque pour moi un tournant fort dans la série Pokémon, plus fort encore que la troisième génération, à tel point qu'une suite directe, Pokémon Noir 2/Blanc 2 a été conçue, ce qui est une première : sorti sur DS, ce jeu est davantage une suite directe qu'un « remake », signe s'il en est de l'importance, dans le cœur des joueurs et des développeurs, de cet épisode.
Ce jeu est plus qu'un chef d'œuvre : c'est le chef d'œuvre de Pokémon, le jeu qui parvient à revenir aux sources et à se réinventer sans devenir une parodie ou une marche forcée. Je ne peux que vous conseiller de vous y essayer, car à tous les niveaux, c'est une pièce maîtresse.

Les starters Vipélierre, Gruikui et Moustillon.
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