Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
|
|||
|
Un scénario en béton armé.L'histoire de Master of Magic mériterait une adaptation cinématographique de grande envergure. Jugez plutôt : un jour, tandis qu'un jeune garçon se promène dans une caverne (?!), une main l'agrippe fermement et le plonge dans une étrange mare d'eau renfermant un monde imaginaire. La main appartient à Thelric, le Maître de la Magie, dont la vie ne tient plus qu'à un fil. Après lui avoir enseigné quelques sorts, Thelric envoie le jeune garçon à la recherche de l'Amulette d'Immortalité. Thelric n'acceptera de renvoyer le jeune garçon dans le monde des humains que s'il parvient à lui ramener l'amulette tant convoitée. On l'aura compris : le scénario, indigent, est le prétexte à un jeu d'aventure des plus classiques avec pour cadre un monde d'heroic-fantasy dégoulinant de magiciens, chauves-souris, orcs, chiens-loups, araignées géantes et autres vampires. Tous les poncifs y passent. Cela n'a rien de rédhibitoire, d'antant que là ne réside pas l'intérêt de ce jeu. Car Master of Magic, c'est avant tout une ambiance. En 1985, rares sont les jeux à parvenir à créer cette sensation de crainte de la mauvaise rencontre. Au fur et à mesure qu'il s'enfonce dans les ténèbres, l'avatar prend le risque toujours plus grand de faire face à des créatures toujours plus puissantes et terrifiantes ; chaque porte croisée peut, si le joueur décide de l'ouvrir, mener à un trésor ou, au contraire, à un piège. Ainsi, la rencontre prématurée d'un vampire en début d'aventure a toutes les chances de déboucher sur un "game over" cinglant. Il est bien entendu toujours possible de fuir, mais la vitesse déplacement et d'attaque d'un vampire ne permet que rarement d'échapper à son étreinte mortelle. La musique qui accompagne le déroulement du jeu, un vieux morceau très angoissant composé par le groupe de new-age Synergy et adapté de main de maître par l'inusable Rob Hubbard, accentue le stress ressenti par le joueur. Et ce dernier de se passionner pour la fuite d'un point grossier sur une carte minuscule - les artifices que constituent une mélodie sur trois voies et quelques pixels mis bout à bout permettent, lorsqu'ils sont utilisés intelligemment, de bien grandes choses. Car si le jeu s'avère si vite passionnant, c'est parce qu'il se révèle totalement crédible. Chacune des créatures qui peuplent son univers dispose d'un comportement qui lui est propre. Vitesse de déplacement, précision dans les mouvements, agressivité, force de frappe, entêtement à poursuivre l'avatar... Autant de critères qui, en plus de plonger le joueur un peu plus dans l'ambiance, lui offrent autant de stratégies d'approche. S'il est, par exemple, aisé de semer une chauve-souris dans les étroits couloirs du début de l'aventure, échapper aux chiens errants dans les vastes salles du manoir final n'est pas de tout repos. Le joueur observateur remarquera toutefois que derrière leur vitesse de course effrayante se cache un défaut dont il convient de tirer partie : leur incapacité à changer de direction aussi rapidement que l'avatar. Ce petit détail fait, d'un point du vue du gameplay, toute la différence, car en multipliant habilement les tours et détours, le joueur peut, en planifiant ses trajectoires, trouver refuge derrière une porte que les chiens seront bien incapables d'ouvrir... sauf si, bien sûr, ils sont accompagnés d'un être humanoïde. Dans Master of Magic, l'horreur n'est jamais loin. Cours, Forrest, cours !Si l'avatar doit se résoudre à beaucoup courir, ce n'est pas parce qu'il dispose d'un temps limité pour mener à bien sa mission, mais parce que face à l'armada de monstres qui déambulent dans ce nouvel enfer, il ne fait tout simplement pas le poids. Armé de ses poings, il éprouve dès le début de l'aventure les pires difficultés à se débarrasser d'une simple araignée sans frapper plusieurs fois à côté et se faire mordre à de nombreuses reprises, alors imaginez l'issue d'un combat contre un orc à armure brandissant une hache ! Les sorts magiques dont il dispose sont certes puissants, mais sa jauge de magie s'épuise si vite que son usage parcimonieux s'avère rapidement indispensable. Très vite donc, le joueur se résoud à adopter la stratégie dite du Forrest Gump : courir, courir le plus vite possible sans jamais se retourner ; mettre la main sur l'amulette, et décamper aussi rapidement qu'il est arrivé. La méthode est envisageable mais fait à la fois appel à une connaissance pointue des lieux (prévoir de nombreux décès dans d'atroces souffrances) et à une part de chance absolument incompressible. S'il est effectivement possible de se frayer un chemin jusqu'à l'amulette en usant et abusant de lâcheté (les subterfuges que nous offre la richesse du programme rendent la manoeuvre délicate mais très amusante), la rencontre finale avec le maître des lieux, fort comme un boeuf et vif comme l'éclair, s'avère souvent fatale pour l'avatar non préparé. Après quelques tentatives infurctueuses, le joueur raisonnable se résoudra donc faire preuve d'une approche beaucoup plus fine, permettant par la même occasion au titre de Darling de dévoiler une de ses innombrables qualités : celle d'être un formidable jeu de piste à l'organisation méticuleusement millimétrée. Bien que les indices ne manquent pas dans Master of Magic - il suffit d'examiner le moindre objet, ou de lire les parchemins jalousement gardés par certaines créatures - , seuls les joueurs les plus courageux mettront la main sur ceux qui, de fil en aiguille, leur permettront de vaincre le monstre final. Toute la difficulté du joueur se résumera donc à reconstituer la chaîne d'événements qui le conduira, bon an mal an, à affronter ce monstre dans de bonnes conditions. Une aventure courte mais intense.Master of Magic n'est pas un jeu très long. A une époque où la sauvegarde n'était encore que pur fantasme sur nos micros 8-bits, la création de Darling ne pouvait espérer faire exception. En connaissant le meilleur chemin ainsi que les diverses actions à accomplir, comptez un petit quart d'heure. En ne connaissant rien, comptez plusieurs heures de recherche et d'exprimentation avant d'aboutir à une solution viable. Master of Magic est un jeu flexible. Certes, la découverte de l'arme ultime reste un objectif prioritaire, mais 1. sa seule possession ne garantit pas le succès, et 2. il est possible de s'en dispenser - en augmentant sa défense, en s'armant d'objets magiques, en faisant collection de potions de vie... ou en courant, tout simplement. Cette flexibilité autorise toutes les approches, ce qui est d'autant plus remarquable que les faibles moyens de l'époque interdisaient généralement ce type de frivolité. Moderne et peu coûteux en 1985, attachant de nos jours, Master of Magic mérite plus qu'un simple coup d'oeil.
Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (9 réactions) |