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Master of Magic
Année : 1985
Système : C64
Développeur : Mastertronic
Éditeur : Mastertronic
Genre : Aventure
[voir détails]

Un scénario en béton armé.

L'histoire de Master of Magic mériterait une adaptation cinématographique de grande envergure. Jugez plutôt : un jour, tandis qu'un jeune garçon se promène dans une caverne (?!), une main l'agrippe fermement et le plonge dans une étrange mare d'eau renfermant un monde imaginaire. La main appartient à Thelric, le Maître de la Magie, dont la vie ne tient plus qu'à un fil. Après lui avoir enseigné quelques sorts, Thelric envoie le jeune garçon à la recherche de l'Amulette d'Immortalité. Thelric n'acceptera de renvoyer le jeune garçon dans le monde des humains que s'il parvient à lui ramener l'amulette tant convoitée.

Temps de jeu = 0. Thelric donne une dernière fois ses instructions au jeune garçon.

On l'aura compris : le scénario, indigent, est le prétexte à un jeu d'aventure des plus classiques avec pour cadre un monde d'heroic-fantasy dégoulinant de magiciens, chauves-souris, orcs, chiens-loups, araignées géantes et autres vampires. Tous les poncifs y passent. Cela n'a rien de rédhibitoire, d'antant que là ne réside pas l'intérêt de ce jeu. Car Master of Magic, c'est avant tout une ambiance. En 1985, rares sont les jeux à parvenir à créer cette sensation de crainte de la mauvaise rencontre. Au fur et à mesure qu'il s'enfonce dans les ténèbres, l'avatar prend le risque toujours plus grand de faire face à des créatures toujours plus puissantes et terrifiantes ; chaque porte croisée peut, si le joueur décide de l'ouvrir, mener à un trésor ou, au contraire, à un piège. Ainsi, la rencontre prématurée d'un vampire en début d'aventure a toutes les chances de déboucher sur un "game over" cinglant.

Voici une scène résumant à elle toute seule le déroulement global du jeu. En face de soi, trois portes. Pendant la lecture d'un parchemin, une araignée nous pique tandis qu'un squelette s'approche. Il faut faire vite, et choisir l'une des trois portes.
Pas de chance : en ouvrant la première porte à gauche, on libère deux individus extrêmement puissants - un magicien (peut-être s'agit-il du "gentil magicien" mentionné par le parchemin ?) et un vampire, dont seule une arme bien spécifique aura raison. A défaut, et à moins d'un miracle, la partie se terminera très vite.

Il est bien entendu toujours possible de fuir, mais la vitesse déplacement et d'attaque d'un vampire ne permet que rarement d'échapper à son étreinte mortelle. La musique qui accompagne le déroulement du jeu, un vieux morceau très angoissant composé par le groupe de new-age Synergy et adapté de main de maître par l'inusable Rob Hubbard, accentue le stress ressenti par le joueur. Et ce dernier de se passionner pour la fuite d'un point grossier sur une carte minuscule - les artifices que constituent une mélodie sur trois voies et quelques pixels mis bout à bout permettent, lorsqu'ils sont utilisés intelligemment, de bien grandes choses.

Car si le jeu s'avère si vite passionnant, c'est parce qu'il se révèle totalement crédible. Chacune des créatures qui peuplent son univers dispose d'un comportement qui lui est propre. Vitesse de déplacement, précision dans les mouvements, agressivité, force de frappe, entêtement à poursuivre l'avatar... Autant de critères qui, en plus de plonger le joueur un peu plus dans l'ambiance, lui offrent autant de stratégies d'approche. S'il est, par exemple, aisé de semer une chauve-souris dans les étroits couloirs du début de l'aventure, échapper aux chiens errants dans les vastes salles du manoir final n'est pas de tout repos. Le joueur observateur remarquera toutefois que derrière leur vitesse de course effrayante se cache un défaut dont il convient de tirer partie : leur incapacité à changer de direction aussi rapidement que l'avatar. Ce petit détail fait, d'un point du vue du gameplay, toute la différence, car en multipliant habilement les tours et détours, le joueur peut, en planifiant ses trajectoires, trouver refuge derrière une porte que les chiens seront bien incapables d'ouvrir... sauf si, bien sûr, ils sont accompagnés d'un être humanoïde. Dans Master of Magic, l'horreur n'est jamais loin.

Les chauves-souris ne sont pas très rapides, manquent de précision, mais possèdent une grante dextérité - pendant que l'avatar frappera une fois, elles contre-attaqueront deux ou trois fois. Il est donc préférable de les fuir plutôt que de perdre de l'énergie à les affronter. Elles n'ont, en outre, aucune richesse à offrir, et une porte refermée derrière soi constituera un excellent bouclier.
Le serpent est, dans Master of Magic, une créature à part : souvent situé dans de tout petits passages, il semble rendre l'affrontement totalement inévitable - sauf que son manque total d'agressivité autorisera le joueur perspicace à poursuivre sa route comme si de rien n'était. Apprendre à connaître le bestiaire de Master of Magic est un de ses grands intérêts.
L'orc est aussi stupide que brutal et imprécis. Ce spécimen se rencontre très vite au cours de l'aventure. Inutile d'imaginer ne pas prendre un coup en le croisant dans cet étroit couloir. Peu équipé, le joueur novice en vient souvent à prendre la décision rebrousser chemin. Erreur...
... car en acceptant de sacrifier une partie de ses points de magie pour terrasser la bête, l'avatar se voit octroyé le droit de revétir une armure qui lui sera bien utile pour le reste de l'aventure. L'expérimentation, riche en enseignements, rend Master of Magic vite passionnant.

Cours, Forrest, cours !

Si l'avatar doit se résoudre à beaucoup courir, ce n'est pas parce qu'il dispose d'un temps limité pour mener à bien sa mission, mais parce que face à l'armada de monstres qui déambulent dans ce nouvel enfer, il ne fait tout simplement pas le poids. Armé de ses poings, il éprouve dès le début de l'aventure les pires difficultés à se débarrasser d'une simple araignée sans frapper plusieurs fois à côté et se faire mordre à de nombreuses reprises, alors imaginez l'issue d'un combat contre un orc à armure brandissant une hache ! Les sorts magiques dont il dispose sont certes puissants, mais sa jauge de magie s'épuise si vite que son usage parcimonieux s'avère rapidement indispensable.

Très vite donc, le joueur se résoud à adopter la stratégie dite du Forrest Gump : courir, courir le plus vite possible sans jamais se retourner ; mettre la main sur l'amulette, et décamper aussi rapidement qu'il est arrivé. La méthode est envisageable mais fait à la fois appel à une connaissance pointue des lieux (prévoir de nombreux décès dans d'atroces souffrances) et à une part de chance absolument incompressible. S'il est effectivement possible de se frayer un chemin jusqu'à l'amulette en usant et abusant de lâcheté (les subterfuges que nous offre la richesse du programme rendent la manoeuvre délicate mais très amusante), la rencontre finale avec le maître des lieux, fort comme un boeuf et vif comme l'éclair, s'avère souvent fatale pour l'avatar non préparé.

Après quelques tentatives infurctueuses, le joueur raisonnable se résoudra donc faire preuve d'une approche beaucoup plus fine, permettant par la même occasion au titre de Darling de dévoiler une de ses innombrables qualités : celle d'être un formidable jeu de piste à l'organisation méticuleusement millimétrée.

Bien que les indices ne manquent pas dans Master of Magic - il suffit d'examiner le moindre objet, ou de lire les parchemins jalousement gardés par certaines créatures - , seuls les joueurs les plus courageux mettront la main sur ceux qui, de fil en aiguille, leur permettront de vaincre le monstre final. Toute la difficulté du joueur se résumera donc à reconstituer la chaîne d'événements qui le conduira, bon an mal an, à affronter ce monstre dans de bonnes conditions.

Nu comme un ver, l'avatar n'a, au début de l'aventure, aucune chance de survie. Sa priorité est donc de s'équiper. Ce squelette, qui hante une caverne située à quelques pas du point de départ, tient une arme qu'il serait très utile de posséder.
Protégé par l'armure de l'orc et armé de la dague du squelette, l'avatar peut envisager l'affrontement avec ce second orc sans crainte d'y laisser sa peau. La victoire lui permet d'obtenir une arme plus puissante. L'aventure commence bien !
Les objets trouvés savent parfois garder leur part de mystère. Cette bague ornée d'une pierre bleue est-elle bénéfique ou maléfique ? La quête vers l'équipement parfait demandera quelques tâtonnements.
Les potions sont nombreuses dans Master of Magic. Si celle-ci ne prête aucunement à confusion quant à ses effets, il n'en sera pas de même pour beaucoup d'autres.
Autre priorité du joueur : trouver le sac à dos. Sans lui, l'avatar ne pourra porter que deux objets, arme(s) comprise(s) !
Prenons le problème à l'envers : si le minotaure craint la Dague de la Mort, qui la possède ? Si c'est un squelette, lequel est-ce ? Et si c'est un vampire, quelle arme devrai-je utiliser pour le tuer ? Où se trouve cette arme ? Combien d'armes spéciales devrai-je obtenir afin d'arriver à mes fins ?

Une aventure courte mais intense.

Master of Magic n'est pas un jeu très long. A une époque où la sauvegarde n'était encore que pur fantasme sur nos micros 8-bits, la création de Darling ne pouvait espérer faire exception. En connaissant le meilleur chemin ainsi que les diverses actions à accomplir, comptez un petit quart d'heure. En ne connaissant rien, comptez plusieurs heures de recherche et d'exprimentation avant d'aboutir à une solution viable.

Master of Magic est un jeu flexible. Certes, la découverte de l'arme ultime reste un objectif prioritaire, mais 1. sa seule possession ne garantit pas le succès, et 2. il est possible de s'en dispenser - en augmentant sa défense, en s'armant d'objets magiques, en faisant collection de potions de vie... ou en courant, tout simplement. Cette flexibilité autorise toutes les approches, ce qui est d'autant plus remarquable que les faibles moyens de l'époque interdisaient généralement ce type de frivolité.

Moderne et peu coûteux en 1985, attachant de nos jours, Master of Magic mérite plus qu'un simple coup d'oeil.

David
(04 août 2008)
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