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Les Jeudis Découverte de Grospixels
Une rubrique de 2008 dont le concept consistait, chaque semaine, à proposer aux lecteurs trois jeux découverts par les habitués du forum lors de l'exploration de leurs romsets.

Aujourd'hui, jeudi-découverte vous emmène vers les voies inexplorées du plus consolesque des micro-ordinateurs : l'Amiga! Cette merveilleuse machine a enchanté bon nombre d'entre nous grâce à ses capacités survitaminées qui écrasaient la concurrence (la guerre Atari ST-Amiga ne s'arrêtera jamais). Plate-forme protéiforme, l'Amiga a donné naissance à une foultitude de jeux aussi divers qu'originaux, tordus ou inconcevables. Lyle nous emmène cette semaine à la découverte de trois d'entre d'eux. Enjoy!

Spherical
(Rainbow Arts, 1989)

Comme promis, de l'Amiga à partir de maintenant. C'est un petit peu plus fastidieux à faire. Les jeux sont plus retords au premier contact, plus difficiles à cerner, et je me fatigue les yeux à jouer sur une fenêtre minuscule pour prendre les screens à la bonne taille. Mais bon, il y a tellement à redécouvrir sur ce support. Ce soir, un Rainbow Arts un peu oublié, Spherical, sorti en 1989.

C’est ça que j’ai toujours aimé chez Rainbow Arts. Ils repompaient de façon indécente, mais comme ils le faisaient toujours mieux que tout le monde, on s’en moquait. En bon fan de Solomon’s Keys, Spherical m’a fait rêver dans les mags d’époque. Sans être aussi abouti que l’original, cette autre copie du dév allemand a bien vieilli. Il ne s’agit pas tout à fait d’un clone, et ce grâce à l’introduction d’une légère variante. Ici, point de clés à chercher et de portes à franchir. Vous devez, à l’aide des pierres que vous faites apparaître/disparaître, faire en sorte qu’une sphère se déplaçant « en roue libre » atteigne un endroit précis du tableau, en fait une pierre marquée d’un « IN ».

L’idée est excellente. Il vous faut construire tout un chemin vers la pierre cible, en bloquant ou en libérant des accès pour que la sphère suive la bonne route (un peu comme on le ferait dans Lemmings en fait), tout en esquivant les nombreux ennemis et en grappillant les nombreux bonus entreposés dans chaque tableau. Compte tenu du concept assez contraignant, le jeu est assez tolérant, en tout cas au début. La sphère ne se met pas en mouvement tout de suite, ce qui vous laisse le temps de poser les premiers jalons. Si la sphère se retrouve bloquée ou descend un « étage » inférieur à la pierre cible, vous n’avez plus qu’à recommencer le niveau. Mais vous pouvez le faire à n’importe quel moment, en appuyant la touche ESC (il semble que vous n’êtes pas pénalisé pour ça).

D’autre part, vous avez de l’énergie et non des vies à gérer, ce qui vous permet de « traverser » l’ennemi une fraction de seconde si vraiment vous n’avez pas de meilleure solution. Il y a des bonus spéciaux, par exemple des warp zones, qui m’ont permis de constater que le level design exploite à fond le concept, s’enrichit énormément et devient vite exigeant. Il y a aussi des objets à éviter, comme ceux qui vous bloquent votre magie. La profusion de bonus et le design des ennemis rappellent énormément Solomon’s Keys, sauf que pour l’instant, aucun des monstres que j’ai rencontré n’est capable de détruire les pierres que vous faites apparaître (une capacité qui compliquait bien des niveaux dans SK).

Bref, très bonne première impression. Seuls quelques détails gênent un petit peu comparé au classique de Tecmo. D’abord, le magicien est moins maniable (notamment pour faire demi-tour ou pour faire apparaître les pierres en plein saut). Et puis on ne peut pas casser les pierres au-dessus de soi, ce qui fait qu’on peut réussir à se bloquer tout seul. J’imagine qu’on prend ensuite le coup, mais quand on commence une partie avec les mêmes réflexes que dans Solomon’s Keys, on a forcément l’impression d’une limite artificielle dans le gameplay. Tout le reste est de qualité, y compris l’animation et les graphs. Je trouve un charme à leur aspect austère et granuleux. J’ai aussi souvenir de screens avec des boss (dont un très beau dragon), mais je n’ai pas encore été assez loin pour les voir. Notons enfin qu’un système de code est inclus dans le jeu. Prometteur.

Guldkorn Expressen
(SuperSoft, 1991)

Ce soir le premier titre danois du thread, Guldkorn Expressen de SuperSoft, sorti en 1991.

A première vue, le prétexte de ce jeu conçu par une équipe danoise est un peu ridicule. Il s’agissait avant tout de faire la promotion d’une marque locale de céréales. On voit donc des paquets marqués « Guldkorn » partout dans le jeu. Même les textes de l’écran titre sont entièrement écrits en danois. Statistiquement, les licences n’aboutissent pas très souvent à des jeux intéressants. Alors que dire des licences publicitaires. En dehors de quelques contre-exemples, comme la série des Cool Spot, on se retrouve souvent avec des choses grotesques. Guldkorn Expressen est plutôt une bonne surprise.

Une bonne surprise, car un concept intéressant. Vous dirigez une locomotive et devez transporter des paquets de céréales à la fin de chaque niveau. Il y a plusieurs étapes, dont il faut respecter l’ordre. D’abord aller chercher les wagons, puis charger les paquets, enfin ajouter du miel sur les céréales via un silo avant de les décharger. Il y a de nombreux aiguillages à utiliser et les leviers se commandent avec une abeille qui suit en permanence le train (vous passez de la loco à l’abeille en appuyant sur le bouton).

C’est surtout l’inertie « réaliste » du train qui donne du piment aux parties. Il faut par exemple prendre de l’élan pour arriver au sommet d’une côte tout en calculant sa distance de freinage pour éviter un rocher posé sur les rails. Il faut aussi tenir compte du poids supplémentaire une fois que l’on a accroché ses wagons. En gardant appuyé le bouton, on fait apparaître d’autres possibilités. L’ourson qui manœuvre la loco peut descendre pour dégager un tas de gravas, envoyer de la dynamite pour détruire un rocher ou taper dans le wagon de céréales pour être super en forme et sauter par dessus un tronc d’arbre avec son train !

Enfin, ça a l’air bête comme ça mais le jeu est plutôt sympa. L’animation du train en mouvement, notamment, est assez marrante. Deux choses un peu agaçantes : on recommence tout le niveau du début si l'on percute un obstacle et manœuvrer les leviers d’aiguillage est délicat lorsqu’ils sont cachés par le train. Il y aussi les cut-scenes avec chargement, qui alourdissent le gameplay même si elles sont motivées par la vocation promotionnelle du jeu. Une curiosité à essayer.

Krypton Egg
(publié par Rainbird Software et développé par HitSoft, 1990)

Ce soir un deuxième casse-brique, après le Block Carnival de Sodom. Et pas des moindres, Krypton Egg, toujours sur Amiga.

Krypton Egg n’est guère cité comme une référence du casse-brique, Breakout et Arkanoïd étant restés les deux seuls titres emblématiques du genre. C’est vraiment injuste car ce titre était certainement, à sa sortie, le casse-brique le plus complet jamais sorti. Evidemment entre temps, j’imagine que des titres amateurs PC ont été encore plus loin. Ne vous attardez pas sur la réalisation accessoire, très marquée demomaking (très propre et précise, tout de même). L’intérêt du jeu vient d’abord de deux aspects : le grand nombre d’options disponibles et le fait qu’elles soient, contrairement à Arkanoïd, systématiquement cumulables.

Certaines options sont directement reprises du classique de Taito, comme la « colle » qui permet de retarder l’envoi des balles, la mitrailleuse, l’agrandissement de la raquette ou les balles supplémentaires. Mais d’une manière générale, Krypton Egg pousse chaque idée, ancienne ou nouvelle, beaucoup plus loin. On peut par exemple agrandir la raquette une bonne dizaine de fois, jouer avec un nombre ahurissant de balles de tailles différentes (le bordel à l’écran est assez impressionnant pour un casse-brique), on peut accumuler des raquettes fixes ou attraper un bonus qui commande temporairement la raquette (à double tranchant celui-la).

La plus sympa des bonus est sans doute celui qui permet de manier sa raquette sur l’axe vertical. On peut alors aller partout à l’écran, ce qui facilite grandement l’accès au tableau suivant. Krypton Egg développe également l’option malus introduite par Arkanoïd II. Raquette rapetissée, bien sûr, mais aussi tableau « dans le noir », commandes inversées, raquette immobilisée ou détruite. Il semble enfin y avoir des options random (les points d’interrogation). Les ennemis parasites sont très nombreux, et certains sont à esquiver à tout prix car ils détruisent votre raquette.

Le level design semble tout aussi riche. Par exemple, on a dès les premiers niveaux des téléporteurs de balles, assez dur à gérer. Le jeu est difficile, même s’il n’y a plus les accélérations ranking d’Arkanoïd. Seule régression par rapport à ce dernier, on ne peut pas modifier l’angle de la balle avec sa raquette. Ca rend les bases du gameplay moins subtiles, mais la grande variété des niveaux et des options le compense largement. Trois choses à évoquer pour finir, les bruitages de casseroles assez marrants, le jeu entièrement jouable à la souris et deux généreuses initiatives des programmeurs : des séquences shoot’em up et un éditeur de tableau. Excellent titre à réhabiliter. A noter, tout de même, qu’à l’époque plusieurs mags en ont dit énormément de bien.