Mastodon
Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
Indiana Jones and the Last Crusade
Année : 1989
Système : Amiga, Atari ST, Mac, Windows
Développeur : Lucasfilms Games
Éditeur : Lucasfilms Games
Genre : Aventure / Point'n click
Par chatpopeye (07 septembre 2015)

1989 fut certainement l'année la plus riche en évènements de la fin du XXe siècle. On a ainsi pu assister, en vrac, à la fin de l'apartheid, à la chute du mur de Berlin, à la répression de la place Tien An Men, à la mort de Khomeiny et bien d'autres encore qui ont profondément marqué cette fin de siècle. 1989 est aussi l'année de sortie du troisième opus d'une série de films d'aventures dont la qualité n'a jusqu'à présent pas été égalée. Je veux bien entendu parler d'Indiana Jones et la dernière croisade, qui narre les aventures du célèbre archéologue à la recherche du Saint Graal, coupe ayant, selon la légende, recueilli le sang du Christ lors de sa crucifixion.
Parallèlement à la sortie du film, le studio Lucasfilms Games a édité deux jeux s'inspirant du film : Indiana Jones and the Last Crusade: the Action Game, et Indiana Jones and the Last Crusade: the Graphic Adventure. Si le premier a été adapté sur bon nombre de supports, du CPC à la Game Gear, il ne possède cependant pas un grand intérêt en raison notamment d'une difficulté redoutable. Le second, en revanche, n'a été porté que sur les micros de l'époque, et est demeuré une référence du jeu d'aventures. Alors enfilez votre veste en cuir et votre fedora, enroulez votre fouet, c'est de ce dernier jeu que je vais vous parler.

Le générique du début nous montre le jeune Indiana en train de courir sur le toit des wagons du cirque « Lucasfilm Games ». Sur les wagons figurent les noms des membres de l'équipe de développement, parmi lesquels on retrouve notamment Ron Gilbert, créateur avec Aric Wilmuder du moteur de jeu SCUMM (Script Creation Utility for Maniac Mansion), déjà utilisé dans le jeu Maniac Mansion, et réutilisé plus tard dans des jeux tels que The Secret of Monkey Island. On voit donc Indiana sauter de wagon en wagon, en essayant d'échapper à ses poursuivants qui veulent récupérer la croix de Coronado (dont la place est dans un musée). Suite à ce prologue, sympahtique mais obscur pour quiconque n'a pas vu le film, on fait un bond de quelques années et l'on retrouve notre professeur en 1938 à l'Université Barnett. Et c'est là que l'aventure commence réellement.
Si vous n'avez pas vu le film, vous avez tort. Aussi, je vous suggère de le regarder avant de lire cet article, car je vais bien évidemment dévoiler des éléments cruciaux du film. Si vous avez vu le film mais que vous n'avez jamais joué au jeu, sachez que je vais également évoquer des énigmes, des lieux, ce genre de choses... mais ce n'est pas grave, car même avec une soluce sur les genoux, le jeu reste très plaisant à parcourir.

Le jeu reprend la trame du film, avec bien évidemment quelques différences. Il s'agit pour Indy de retrouver son père, capturé par les Nazis, ainsi que le Graal, convoité par Hitler pour ses vertus supposées curatives. Ce périple mènera notre héros de Venise à Iskenderun (Alexandrette) en passant par le château de Brunwald. Il fera la rencontre d'Elsa Schneider, archéologue autrichienne qui révèle bien vite sa fourberie, telle Marie-Antoinette en son temps. Plusieurs moments du film sont absents du jeu, comme la poursuite en vedettes dans les canaux de Venise ou la partie avec le tank dans le désert. En revanche, les deux parties les plus longues du jeu, celle dans les catacombes de Venise et celle dans le château de Brunwald, sont bien plus courtes dans le film.

Indiana Jones and the Last Crusade est donc un jeu d'aventures, digne représentant du point'n click et du système SCUMM. Concrètement, ce système, déjà utilisé auparavant dans Maniac Mansion, vous permet de choisir un verbe parmi une liste proposée, et de l'appliquer sur votre environnement, en espérant bien sûr que cela débouche sur quelque chose. Ce système rend plus aisée la progression dans le jeu qu'un système à base d'analyse syntaxique, en vogue dans les jeux Sierra par exemple. Quand bien même vous ne sauriez pas sur quel élément du décor cliquer, l'utilisation de « What is » permet de balayer l'écran avec la souris pour savoir quels sont les éléments utilisables.
Parallèlement à ce système de Point'n Click, qui concerne la majeure partie du jeu, vous allez par moments devoir vous battre à mains nues car le fouet ne peut pas être utilisé contre les personnes, ce qui est dommage. Vous utilisez pour cela le pavé numérique qui vous permet de frapper, bloquer ou reculer. Une barre de santé et une petite barre d'endurance vous incitent à ne pas y aller comme un bourrin, mais à gérer au mieux vos déplacements et vos coups. Attention, la santé que vous perdez au combat ne se reconstitue pas, et si votre barre de santé est épuisée, c'est le game over. Faites de beaux rêves, Docteur Jones...
Il me semble qu'il n'y a qu'une trousse de soin dans le jeu, que l'on peut trouver dans le château de Brunwald, et qui vous permettra de vous refaire une santé. Donc, évitez au maximum la confrontation physique, d'autant que le système de combat n'est pas d'une précision à toute épreuve.
Et là, vous vous demandez : « Mais comment faire pour éviter la bagarre, alors que ce jeu est rempli de Nazis et que je déteste ces gars-là ? ». Sachant que vous ne pourrez pas vraiment éviter d'en rencontrer, le mieux est de les baratiner, en choisissant les bonnes lignes de dialogue. Parfois, il faudra non seulement choisir les bonnes répliques, mais également être déguisé en officier SS ou bien en serveur, donner un petit quelque chose à lire à tel ou tel soldat, etc. : alors vous pourrez traverser le jeu sans anicroche. Sauvegarder sa partie très régulièrement, et sur plusieurs fichiers est donc capital si vous ne souhaitez pas avoir à recommencer depuis le début, car il est quand même très difficile de trouver les bonnes répliques du premier coup.

Recommencer sa partie n'est de toute façon pas un problème, le jeu a été pensé pour cela puisqu'il dispose en effet d'une rejouabilité importante. Tout d'abord, le jeu comprend un système de points « IQ »(Indy Quotient) que vous engrangez au fur et à mesure de la résolution des énigmes. On trouve déjà à l'époque ce genre de points gagnés dans les jeux d'aventure de Sierra. Le total maximum de 800 points ne peut être atteint en une seule partie. Mais, à l'instar des succès et autres trophées des consoles et systèmes post-2005, les points engrangés lors d'une partie le restent si l'on commence une nouvelle partie. Par exemple, réussir à passer un soldat allemand par la négociation plutôt que par un coup de poing (américain) vous rapportera un certain nombre de points. Et à la fin, votre score s'affichera et vous pourrez ainsi flamber sur les leaderboards en ligne, si d'aventure Lucasarts se décide à sortir un patch pour ajouter cette fonctionnalité au jeu (ce dont je doute quelque peu).

Ensuite, le jeu est tellement sympathique à parcourir que l'on n'hésite pas à se refaire une partie de temps à autres, de la même manière que l'on prend plaisir à revoir un film que l'on connaît pourtant par cœur. Et dans le cas présent, les deux effets sont combinés. Enfin, et le jeu préfigure en cela Indiana Jones and the Fate of Atlantis, il n'y a pas une solution unique au jeu. Par endroits, le joueur aura la possibilité d'avancer de plusieurs façons. On l'a déjà vu dans le cas des phases de combat, mais cela se retrouve à de nombreux endroits dans le film. Là, on se souvient que Maniac Mansion auparavant offrait déjà ces possibilités, à travers le choix de différents personnages, certains ayant la capacité d'agir sur tel ou tel objet et, partant, de résoudre telle ou telle énigme. Dans Indiana Jones and the Last Crusade, on ne dirige qu'un seul personnage, mais dès le début, deux possibilités nous sont offertes pour résoudre la première « énigme ».

Un petit tour par la cuisine avant d'aller voir un soldat et de lui faire son Oktoberfest.

Dans le film, suite au prologue, Indy se retrouve dans son université et tente d'entrer dans son bureau. Or, celui-ci est envahi par une foule d'étudiants qui ont tous une question pour le professeur Jones, et la secrétaire de ce dernier est totalement débordée. Afin de pouvoir atteindre la porte de son bureau, Indy dit simplement à la secrétaire de prendre le nom de chaque élève, et qu'il les verra individuellement. Cela ajoute à la cohue, mais il peut ainsi atteindre son bureau. Dans le jeu, vous avez deux possibilités. Soit vous agissez comme dans le film, soit vous indiquez aux étudiants qu'un nouveau professeur, un spécialiste qui vient d'arriver, sera ravi de répondre à toutes leurs questions. Et les étudiants libèrent alors les lieux. Bien sûr, pour être au courant de l'existence de ce professeur, il faudra auparavant avoir discuté de cela avec Marcus Brody... Quel que soit votre choix, cela ne changera pas grand-chose à la suite de l'histoire. Dans un cas, la secrétaire sera toujours débordée, les étudiants seront toujours amassés devant votre bureau, et vous devrez passer par la fenêtre pour quitter l'université. Dans l'autre, les étudiants partiront et vous pourrez sortir par la porte, comme tout professeur d'université qui se respecte au lieu de sortir par la fenêtre comme tout étudiant qui se respecte.

Plus tard, en revanche, opérer un choix différent de ce qui se passe dans le film pourra vous faciliter grandement la tâche. Rappelez-vous : dans le film, Indy doit faire un crochet par Berlin pour récupérer le journal du Graal qu'on lui a pris au château de Brunwald. Une fois le journal du Graal récupéré des mains d'Elsa Schneider, Indy tombe nez-à-nez avec Adolf Hitler qui... lui signe un autographe sur le journal.
Dans le jeu, vous pouvez très bien sauter cette étape (ce qui serait dommage car Berlin et une bien jolie ville, même remplie de Nazis), en refilant à l'officier du château de Brunwald un faux journal du Graal, élaboré par Indy pour s'amuser quand il était petit, et qu'il aura bien entendu récupéré au préalable dans la maison de son père. Plus besoin alors d'aller à Berlin.
Ou bien, et nous tenons là la possibilité la plus intéressante, vous pouvez également, à Berlin, faire signer à Hitler un laissez-passer que vous aurez récupéré dans un coffre-fort du château. Et là, c'est comme si vous aviez trouvé le Graal, car ce précieux document vous permettra de gagner un temps fou et de passer tous les barrages, vous évitant ainsi de nombreuses bagarres avec les soldats allemands.
C'est en cela que le jeu est extrêmement intéressant et que bon nombre de joueurs se sont inutilement compliqué la tâche. Celui qui n'avait pas vu le film, qui ne connaissait donc pas l'histoire, pouvait avoir eu l'idée de faire signer le laissez-passer à Hitler plutôt que le journal du Graal. C'est même tout à fait logique. Celui qui avait vu le film, au contraire, était tenté de suivre le déroulement de celui-ci le plus fidèlement possible, et passait donc à côté de la solution la plus simple.

Plus loin dans le jeu, Indy et Henry cherchent à s'enfuir d'un aéroport. La première solution est de chercher à se procurer des billets de dirigeable (notons par ailleurs que les vols commerciaux de dirigeables avaient cessé depuis l'accident du Hindenburg, un an auparavant, mais bon...). Une fois les billets en poche, nos deux compères doivent accéder à la structure métallique (en plomb ?) du Zeppelin, se frayer un chemin dans un dédale de coursives tout en ne se se faisant pas repérer par les gardes, puis voler un biplan et quitter le dirigeable avant d'engager un combat aérien et de finir par s'écraser. Bien qu'intéressante, cette partie est assez longue et difficile. L'autre solution consiste à voler le biplan dès l'aéroport, et de sauter toute la phase à bord du dirigeable. Vous prendrez part aussi à un petit combat aérien et finirez aussi par vous écraser. À votre avis, quelle solution est choisie spontanément par ceux qui ont vu le film et par ceux qui ne l'ont pas vu ? Par la suite, vous volerez une voiture et en fonction du temps que vous aurez réussi à rester en l'air, vous aurez un certain nombre de barrages à passer. Et c'est là que le laissez-passer signé par Hitler vous simplifiera grandement la tâche. On pourrait même dire que certaines résolutions d'énigmes, en s'éloignant du film (autographe d'Hitler, étudiants dans le bureau) et en étant plus simple, font écho au combat entre Indy et un Égyptien dans Les Aventuriers de l'arche perdue...

Dernier exemple de ces différences entre le film et le jeu : le choix de la coupe. Comme vous le savez si vous avez vu le film, la coupe que choisit Indy comme étant le Graal à la fin du film est une coupe en bois, car « c'est la coupe d'un charpentier. » Forcément, le joueur qui arrive alors à cette étape va choisir la petite coupe, de couleur marron, la plus susceptible d'être en bois... et généralement, après avoir bu, il se transforme en squelette comme Donovan dans le film. En effet, la coupe est différente d'une partie sur l'autre. Vous pouvez très bien tomber sur une belle coupe en or sertie de diamants lors d'une partie, alors que lors d'une partie ultérieure, le Graal sera une sorte de bol en étain. En fait, il faudra avoir obtenu préalablement dans le jeu un indice sur ce à quoi ressemble le Graal pour pouvoir le retrouver sans souci, mais cela, bien évidemment, on ne s'en rend éventuellement compte qu'à la fin.
Ces partis-pris font que le jeu bénéficie d'une grande rejouabilité. Le joueur ayant apprécié sa première expérience avec le titre voudra y rejouer en tentant d'autres approches, et même la fin du jeu pourra varier, une en adéquation avec le film, une autre légèrement différente. Ainsi, encore une fois, à l'instar de ce que l'on trouvera plus tard dans Indiana Jones and the Fate of Atlantis, ou bien encore The Cave, de Ron Gilbert, plus d'une partie est nécessaire pour faire le tour du jeu.

Les musiques sont assez rares dans le jeu, mais reprennent les thèmes du film. Les versions Amiga et ST comportent quelques moments musicaux supplémentaires par rapport à la version PC (qui par ailleurs utilise le beep interne de la machine), mais la majorité du jeu se déroule dans le silence, si l'on excepte les bruitages. À noter qu'une version FM Towns existe, avec des musiques orchestrales de qualité CD, mais curieusement, certains passages sont muets dans cette version par rapport aux autres versions, alors que d'autres comportent une piste musicale, comme dans le château de Brunwald.

Si vous souhaitez vous lancer dans une partie, le jeu est disponible, entre autres, sur Steam, dans une version aux graphismes légèrement lissés. Vous pouvez également tenter de mettre la main sur les disquettes d'origine, et la fameuse protection anti-copie. En effet, pour lutter contre le piratage, le jeu était livré avec une feuille sur laquelle était écrite toute une série de codes, que l'on ne pouvait voir qu'en chaussant des lunettes à filtres rouges (fournies aussi avec la boîte). Il était donc impossible de photocopier cette page de codes pour la refiler à un copain, en même temps qu'une copie du jeu. Mais très vite, certains ont tout simplement recopié à la main cette page de codes (constitués de lettre grecques, quand même), et ont ainsi pu faire circuler des photocopies.

Le fameux système anti-copie avec ses lunettes à filtres rouges.

Vous prendrez certainement un grand plaisir à parcourir cette aventure, que vous ayez vu le film ou non. Vous pourrez vous amuser à repérer les clins d'œil aux autres productions LucasFilms Games de l'époque, voire à celles à venir (tel ce totem de Sam & Max dans le bureau d'Indy). Attention cependant, contrairement à la majorité des jeux d'aventure Lucasarts, je rappelle que l'on peut mourir dans Indy 3, par exemple s'il vous vient l'envie de frapper Hitler. Vous devrez veiller à faire des sauvegardes régulières, et dans différents emplacement, ménager votre santé dans les combats, et d'une manière générale éviter au maximum les confrontations. Dernier conseil, armez-vous de patience dans la bibliothèque de Venise. Vous aurez trois livres à trouver parmi les centaines d'ouvrages qui se trouvent dans les étagères. Il vous faudra parcourir les rayonnages au pixel près pour les trouver. Eh oui, archéologue, c'est aussi un travail de rat de bibliothèque...

Il a choisi... bien mal...
chatpopeye
(07 septembre 2015)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
- Wikipedia
- Mobygames
- Retro Gamer n°138
Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum
(21 réactions)