Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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C'est avec G-Darius qu'on se dit que, finalement, le bestiaire maritime n'était pas une idée si folle que ça. Quiconque regarde quelques minutes un bel aquarium ou un documentaire sur les fonds marins verra dans le déplacement des poissons une souplesse princière et une grâce infinie. Les monstres de G-Darius ont beau être vindicatifs, leurs mouvements gardent cette même élégance. Et ça, seule la 3D le permet. On sent que les graphistes ont passé du temps à faire bouger virtuellement leurs créatures avant même de les doter d'un arsenal. C'est avec le Queen Fossil et le Fire Fossil que ce travail est le plus apparent. Ces deux boss géants font des vrilles, des pirouettes, perçant les nuages comme s'ils bondissaient hors de l'océan, comme le ferait un véritable poisson. Le Dimension Diver utilise lui aussi l'espace avec classe. Comme son nom l'indique, cette créature se sert des failles dimensionnelles pour prendre des raccourcis, ce qui fait qu'on retrouve deux parties de son corps à deux endroits ou sur deux plans différents. On peut aussi mentionner le Dual Horn, un homard très agité qui vous fonce dessus à plusieurs reprises, se recroqueville et tourne sur lui-même en parcourant tout l'écran, puis finit son show en vous encerclant de toute sa longueur. En regardant ces affrontements marathons et le nombre incroyable d'acrobaties dont est capable l'ennemi, on ne peut que penser à Radiant Silvergun, autre « shoot à boss », dont la grandeur visuelle repose tout autant sur le même genre de spectacle. Il n'est pas impossible, bien que les deux jeux n'aient qu'un an d'écart, que Treasure soit allé pêcher quelques idées dans G-Darius. Difficile de citer des éléments précis, car prendre des idées chez les collègues et les inclure telles quelles dans leurs jeux est bien la dernière chose que les développeurs Treasure oseraient faire, habitués qu'ils sont à tout remanier à leur sauce. Il y a quand même des signes : la technique de « confinement » utilisée par l'Eternal Triangle, un espadon qui se divise en trois (autre excellente idée), fait penser au module rotatif du stage 2C de Radiant. Les balles rebondissantes du Dual Horn évoquent le boss 17VA-50 du stage 4B ou encore le Daikaiten du stage 2D. On peut également comparer les lames en rotation que le Queen Fossil et le Fire Fossil envoient avec leur nageoire et les attaques « fauchantes » du fabuleux Penta (stage 4D). Au-delà de ces rapprochements, qui ne peuvent être que pure spéculation, il y a bien un point commun entre les deux titres plan de la démarche : une volonté de pousser la phase de boss dans les limites du concept, loin au-dessus de la masse des autres shoots, devenus tellement modestes en comparaison. Un mot sur les deux boss un peu à part que sont le Queen Fossil et le Fire Fossil. Ces deux gigantesques poissons succèdent en quelque sorte au Titanic Lance de Darius Gaiden. Deux boss forteresses en apparence très proches (même graphisme à part la couleur, mêmes acrobaties) mais ayant chacun leurs propres armes. Le Queen Fossil se rencontre à la deuxième zone et le Fire Fossil à la quatrième, ce qui change également la difficulté du tout au tout. Ils apparaissent dans le niveau très tôt, au moment où vous devez choisir votre itinéraire interne (choix qui comme d'habitude modifiera en partie leur comportement) et, comme vous vous en doutez, on passe un temps particulièrement long à les affronter. Ce sont eux qui détiennent le record du nombre d'attaques, plusieurs dizaines chacun. La moindre partie de leur corps cache une arme, ils peuvent envoyer leurs écailles, s'en servir comme bouclier ou encore s'éloigner à l'horizon pour mieux vous viser avec une salve de missiles. Etant donné la longueur de ces séquences, un mini-boss vous est « offert » vers le milieu de l'affrontement. Le combat pour en prendre le contrôle est volontairement aisé, puisque aucun autre danger ne vient l'interrompre. Ce cadeau au joueur n'est pas fait par hasard, puisque ces deux boss offrent l'opportunité la plus nette pour sortir un quadruple alpha beam. Tard dans la séquence, ils se mettent de côté et envoient plusieurs beta beam de suite. C'est LE moment pour saisir sa chance. On y arrive assez vite contre le Queen Fossil, qui fait un peu office de tutorial puisqu'il n'est nul besoin de marteler le bouton à en perdre haleine pour gagner les duels. Face au Fire Fossil, en revanche... C'est aussi contre ce dernier qu'on subit certaines des attaques les plus fourbes du jeu : un lance-flamme à faire une dépression, qui par la suite se tord pour vous enfermer dans un espace restreint, ou d'ignobles traînées de feu qui réduisent une à une vos options de fuite. Les deux Fossil sont des moments clés de G-Darius, des séquences où les développeurs de Taito sont allés au bout de leur logique et qui justifient à elles seules de connaître le jeu. On pourrait encore en raconter beaucoup sur les boss, sur les décharges foudroyantes du Lightning Coronatus, les batteries de lasers du G.T (Great Thing), les réacteurs du Death Wing ou le déplacement majestueux du Eight Feet Umbrella, mais on n'en sortirait pas. Mieux vaut découvrir tout cela soi-même. Deux choses, pour terminer sur ce chapitre : certains boss sont évidemment des abonnés à la série (G.T, Heavy Arms Shell, Death Wing...) et sur PS, tous sont un peu plus résistants qu'en arcade. Pour terminer, un aperçu des attaques des autres boss, parmi les plus impressionnantes et difficiles à esquiver : Chapeau bas, Taito.De quoi peut-on encore parler pour compléter le tableau ? Des fins peut-être ? Quelques cut scenes succinctes, étranges ou elliptiques. Elles sont, comme toujours dans la série, différentes selon la dernière zone empruntée. Citons la plus belle, celle de la zone Nu : après avoir vaincu The Embryon, les pilotes se retrouvent dans le vide absolu. Par malheur, ils sont dans une dimension où la matière ne peut exister. Leur corps se désagrège des pieds à la tête et ils ont tout juste le temps de s'enlacer avant de disparaître complètement. Un épilogue émouvant à cent lieues des fins délirantes qu'on pouvait trouver dans les anciens épisodes (dans Darius II, l'une d'elle montrait le pilote au lit en train de se faire gronder par sa mère. Sa victoire sur les poissons de l'espace n'était en fait qu'un rêve). Faisons à présent un bilan. D'abord, les comparaisons avec Radiant Silvergun ci-dessus n'ont pas été faites par hasard. Bien entendu, G-Darius n'aura jamais son sex appeal, son « charisme », ni ses Weapon Bonus et ses Merry Dogs si judicieusement cachés, ni son level design structuré par les chains, ni son Destruction Rate si ingénieux. Alors pourquoi un tel rapprochement ? Parce qu'à une même époque, il y a eu deux destins opposés, avec d'un côté une oeuvre de génie dont le mythe a explosé quelques années plus tard, de l'autre une oeuvre par certains aspects aussi géniale - créativité visuelle, idées de mise en scène, richesse des affrontements, patterns - et peut-être plus universelle de par son gameplay d'arcade pur, mais qui est tout de suite tombée dans l'oubli pour la grande majorité des joueurs. Cette opposition de destins est bien le reflet de tout ce que la notion de popularité peut avoir d'irrationnelle. Ce qui est injuste, ce n'est pas que Radiant soit considéré comme un meilleur jeu que G-Darius, mais qu'il y ait un tel écart de considération entre les deux, alors que dans leur philosophie, dans leur rapport au genre, ils partagent tellement en commun. Ce n'est sans doute pas anodin si Treasure et quelques codeurs de chez G-Rev (incluant des ex-membres de l'équipe G-Darius) ont fait ensemble du si bon travail sur Ikaruga et Gradius V. Ils sont de la même race, des concepteurs qui ont le shoot'em up dans le sang et ça, il faut que tous les joueurs s'intéressant de près ou de loin au genre le comprennent bien. G-Darius est à la fois le jeu le plus ambitieux de Taito et, sans l'ombre d'un doute, l'un des plus grands shoots horizontaux jamais créés. Taito l'a « sauvé » in extremis avec son excellente idée de compilation, juste avant d'être gobé par le déjà monstrueux Square Enix. Il faut en profiter. Que pourrait-on espérer de mieux ? Peut-être un remake de luxe : rien d'autre à faire qu'un énorme lifting graphique et sonore, avec les moyens techniques actuels, qui mettrait le jeu esthétiquement au niveau de l'inaccessible trio de Treasure. G-Darius le mériterait largement, lui qui fut tellement à l'étroit dans son époque. On peut toujours rêver. Pour l'heure, prenons ce qui existe. Oubliez la version PS, son frame rate la condamnant définitivement au placard (même s'il lui reste ses options et son boss mode inédits). Oubliez la vieille version PC, dépourvue de port manette, de musique, et dont les éléments 2D pixelisent. A la limite, si vous avez une très bonne config jetez un oeil sur MAME, à titre de « teaser » mais pas plus, du moins si à l'heure où j'écris ces lignes (février 2006), l'émulation est encore incomplète. Pour saisir toute la grandeur de G-Darius il faut donc pour l'instant : 1. Une PS2. 2. La compilation Taito Legends 2 / Taito Memories Gekan. Rappelons qu'en plus de contenir un grand shoot, elle vous permet « accessoirement » de jouer à des petites merveilles comme Akkanvader, Raystorm, Liquid Kids ou encore Puzzle Bobble 2. Entre autres, puisque la compile compte un total de près de 40 titres (25 sur la version jap). La version européenne propose également Darius Gaiden ainsi que l'excellent Elevator Action Returns (dispos sur le Volume 1 de la version jap). Pour la première fois dans l'histoire du rétro commercial, on a enfin, avec le premier volume, des compilations dignes de ce nom. Si vous n'avez rien de tout ça, cela représente bien sûr un certain investissement. Mais voir la lumière, ça n'a pas de prix ! Une dernière comparaison : celle, inévitable, entre Darius Gaiden et G-Darius. Un bon nombre de joueurs considèrent Darius Gaiden comme le meilleur épisode de la série. Très franchement, je soupçonne certains d'entre eux d'être passés un peu vite sur G-Darius ! Darius Gaiden est peut-être plus compact, plus entier et, parce qu'il tire partie de plusieurs années d'acquis 2D, donnera forcément une impression de finition technique plus nette. Mais G-Darius est celui qui prend les plus gros risques, celui qui se fait le conquérant de tout un genre. Il est aussi indiscutablement plus riche, ce qui, face à un prédécesseur de cette trempe, est une sacrée performance. Darius Gaiden vient à la fin d'une génération de shoot'em up, G-Darius en commence plutôt une autre. De fait, ils ne jouent pas tout à fait dans la même catégorie. Ce qui est sûr, c'est qu'ils sont tous deux des incontournables du « répertoire », et les deux seuls titre à choisir pour connaître cette série à la maturité si tardive. Border Down - l'avenir du savoir-faire Taito est assuré.Impossible de ne pas évoquer cette audacieuse synthèse de traditions old school et d'expérimentations modernes conduite par G-Rev, studio composé d'anciens membres de Taito dont certains furent impliqués dans Metal Black et G-Darius. On peut d'ailleurs considérer Border Down comme la suite spirituelle de Metal Black. Le jeu est apparu dans les salles en 2002 sur Naomi, puis porté sur Dreamcast avec des options en plus et un mode remix proposant des niveaux retravaillés. Le principe de Border Down est pour le moins déroutant au début, et assez complexe à saisir quand on n'a jamais essayé le jeu. Chaque niveau, excepté le dernier, est décomposé en trois sections (deux portions de niveau plus le boss) et décliné en trois versions - ou Border - différents. Les Border correspondent à la gravité de la situation : premier Border vert, tout va bien. Deuxième Border jaune, ça se gâte. Le Border rouge est la mission de la dernière chance, avant le game over. Vous commencez dans le Border de votre choix, mais à chaque fois que vous perdez un appareil, vous descendez d'un Border, toujours selon l'ordre vert/jaune/rouge. Chaque niveau est une aire de jeu avec différentes sections, et en fonction du Border, vous explorez cette aire de plusieurs manières : soit un même lieu à plusieurs moments de la journée (jour/soir/nuit pour le premier niveau), soit à des endroits différents dans la même aire de jeu. Le Border entraînera également des modifications dans les attaques et les formes des boss. Les premières parties surprennent parce que les changements de Border cassent le rythme du jeu et parce qu'on se retrouve d'une section à l'autre sans trop comprendre pourquoi au début. Contre les boss en revanche, pas de cassure, puisque le jeu respawn le vaisseau. La façon dont vous réussissez un niveau conditionne le début du suivant : si par exemple vous terminez une mission en Border jaune, vous commencerez par défaut le niveau suivant à la même couleur. Le Border change beaucoup la difficulté d'une mission. Parfois le plus facile est le vert, parfois le rouge... A vous de jouer avec le Border qui vous convient le mieux, ce qui implique à certains moments de perdre volontairement un vaisseau. En fonction de la qualité de votre parcours, le dernier niveau et l'épilogue du jeu seront plus ou moins étoffés. Voir les « bonnes » fins demande beaucoup de pratique. C'est dans les armes que l'on retrouve l'héritage Metal Black/Darius : un tir de base automatique, des lasers à tête chercheuse que l'on actionne en relâchant le bouton de tir, et surtout notre bon vieux rayon bleu, de taille invariable cette fois. Tir et lasers augmentent d'eux-mêmes très lentement (et en détruisant des ennemis), et des bonus permettent d'accélérer ce gain de puissance, représenté par une jauge à plusieurs niveaux au bas de l'écran. Le temps d'utilisation du rayon diminue la jauge en conséquence. Les duels au beam contre les boss tiennent une place essentielle dans le système de jeu. En couvrant les tirs ennemis avec votre rayon, ou en breakant contre celui d'un boss, vous augmentez un coefficient qui multipliera votre score à la fin de chaque mission. Le jeu intègre un système de ranking, c'est à dire que plus vous restez en vie longtemps, plus les difficultés s'accumulent. Il y a des subtilités : pendant les phases de boss, le temps est limité par un chrono. Si vous mettez trop de temps à détruire votre adversaire, le chrono passe en dessous de zéro et les secondes « négatives » seront un malus au moment du décompte. Le système peut aussi être un avantage : vous pouvez remonter de Border en achevant un boss juste au moment où le compte à rebours atteint zéro, ce qui nécessite de faire durer l'affrontement et d'avoir un très bon timing. Bref, un système de jeu riche, que ce soit dans le scoring ou dans sa manière d'exploiter les aires de jeu, et un titre qui révèle toute sa profondeur dans la durée. Les deux premiers niveaux de Border Down, assez simples et courts, pourront donner une première impression mitigée. Là encore, il faut persévérer, puisqu'à partir du troisième, le jeu prend son envol, avec des scènes qui rappellent les grands moments intergalactiques de Layer Section et de Raystorm. Les patterns ont fait l'objet d'un très grand soin, et s'inspirent à la fois du manic contemporain et de ce qu'on trouve dans Darius Gaiden et G-Darius. Le masque est assez réduit et le jeu clément avec les collisions contre les décors : il faut vraiment foncer dans un obstacle pour que le vaisseau explose. Les boss sont tout aussi travaillés, ont plusieurs formes et utilisent à fond leurs rayons. C'est un jeu qui cache comme par modestie un très grand souci de finition, dans tous les domaines. Le style graphique est froid, métallique et géométrique, avec un côté excessivement propre totalement assumé, et qui fait naître une ambiance unique et assez fascinante. Une atmosphère qui doit aussi beaucoup à la bande son de Yasuhisa Watanabe (membre de Zuntata, toujours eux), sûrement l'une des plus grandes OST de l'histoire du shoot. Un mélange génial de techno, de jazz, d'électro et de fusion, composé uniquement de morceaux de qualité et de quelques « tubes » inoubliables. Le décalage avec les ambiances musicales standards de shoot'em up est toujours là. Border Down est de ces jeux qui ne font rien comme les autres, ce qui ne l'empêche pas de réussir, loin de là. En fait, c'est probablement l'un des meilleurs shoots de ce début de millénaire. Le seul problème est qu'il a toujours coûté assez cher et qu'il n'est pas près de décoter, puisque G-Rev ne l'a pas édité en beaucoup d'exemplaires. Il existe deux versions, l'une avec le jeu seul, l'autre en édition limitée incluant l'OST. Border Down est vraiment un jeu à connaître et, mine de rien, G-Rev est en train de devenir le petit développeur à envisager comme une possible alternative à Treasure. Annexe TriviaPour finir, une petite section regroupant quelques anecdotes plus ou moins célèbres en relation avec la série Darius.
Thanks for reading ! Lyle (13 février 2006) Sources, remerciements, liens supplémentaires : Quelques liens :
- Un très bon dossier, plus synthétique que le mien, qui va globalement dans le même sens, et qui propose pas mal de compléments en illustration. Il m'a bien aidé et j'ai été y prendre plusieurs images : http://www.classicgaming.com/reviews/darius/darius.htm - Un site qui recense tous les boss de tous les Darius, avec des descriptions, certaines très détaillées, et des screens. Le site donne même le nom scientifique des poissons qui les ont inspirés et l'auteur s'est amusé à inventer des critères de notation pour les évaluer. Sont fous ces Anglo-saxons... Très instructif en tout cas, et puis le site permet de voir quel boss apparaît dans quel épisode. http://www.geocities.com/hugedb/ - Un FAQ très fourni et assez utile sur G-Darius : http://db.gamefaqs.com/console/psx/file/g_darius.txt Remerciements : - David pour ses conseils et ses aides de traduction, JCV pour la mise en page et les illustrations. - Radigo de http://www.shmup.com, pour m'avoir incité à découvrir G-Darius, titre qui m'est définitivement culte aujourd'hui et dont je ne me souciais même pas il y a à peine un an. - Taito, pour s'être surpassés comme jamais en cette année 1997 !
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