L'autre jour, j'ai ressorti toute ma clique ColecoVision et Adam, pour refaire des photos et une vidéo sur le sujet (disponible sur la page de l'Adam). Malgré ses 33 ans, la console a démarré vaille que vaille, et même si j'ai eu un petit peu peur à cause de l'affichage catastrophique des premières minutes, tout est vite rentré dans l'ordre. Et j'ai pu faire ce que je voulais.
Sauf avec les Super Controllers. Déjà, il ne m'en reste plus qu'un (les deux joysticks ont servi à n'en faire plus qu'un seul opérationnel) ; et bizarrement, cette fois-ci, plus aucun bouton de tir ne fonctionne. J'ai tout redémonté et je n'ai pas trouvé la cause de la panne : en tout cas, ce n'est pas un fil dessoudé ou coupé. Donc, peu d'espoir d'arriver à le refaire fonctionner - mais je vais le garder au cas où.
C'est dommage pour la prise en main exceptionnelle par rapport aux contrôleurs standards de la Coleco ; mais c'est surtout bien embêtant pour Rocky et Front Line, deux jeux qui ne se jouent QU'AVEC les Super Controllers. Rocky, j'en ai déjà parlé sur GrosPixels ; mais de Front Line, aucune trace sur le site.
Dans ce jeu, vous incarnez un soldat au casque rouge qui, à lui tout seul, va mettre fin à la guerre en détruisant le QG de l'adversaire, supposé à l'abri dans son bunker imprenable, et protégé par toutes les lignes ennemies : une suite de zones à traverser, de plus en plus difficiles évidemment.
Suivez la route...
Vous dirigez le soldat dans les 8 directions traditionnelles ; mais votre angle de tir (lui aussi dans les mêmes 8 directions habituelles) est indépendant de la direction dans laquelle vous vous déplacez. Du coup, il est possible de s'éloigner d'un ennemi situé à votre gauche, tout en tirant vers lui, comme vous pouvez faire un tir de barrage vers le haut en avançant en diagonale.
Vos armes sont le tir au pistolet, qui élimine tout ce qu'il rencontre, avec un portée assez limitée ; et la grenade, qui a une portée un peu plus courte mais qui a l'avantage 1/ de faire plus de dégâts (on peut tuer plusieurs ennemis d'un coup) et 2/ d'être lancée en hauteur : attention donc, si un ennemi se trouve tout près de vous, il ne sera pas touché car la grenade passera au-dessus de lui et explosera en touchant le sol un peu plus loin. Il est indispensable d'apprendre à bien maîtriser le tir à la grenade, c'est une question de survie.
Tout commence sur une route, bordée par des tranchées infranchissables. Attention aux mines qui sont disséminées un peu partout, elles explosent si quoi que ce soit les touche - mais on peut les détruire de loin avec un tir ou une grenade, en revanche pour faire ça il faut bien viser.
C'est pas tout ça : il faut avancer, et pour cela aller vers le haut. Quand vous approchez d'un des bords de l'écran, le décor se met aussitôt à défiler pour suivre votre mouvement ; si vous vous arrêtez, plus de scrolling. Le but est de pouvoir bouger quand on le désire et de garder une assez bonne visibilité, sans être esclave d'un scrolling forcé.
Mais ne traînez pas : si vous restez trop longtemps au même endroit, un rocher va dévaler la pente et rouler vers vous. Il est indestructible évidemment, il faut arriver à l'éviter.
Vous vous doutez bien que vous n'êtes pas seul. Des fantassins ennemis sont de la partie, armés comme vous de pistolets et de grenades. Tout comme vous, ils peuvent se déplacer dans un sens et tirer dans un autre, donc faites bien attention. Ils sont rapides, parfois imprévisibles, et souvent par groupes de deux ou trois, ce qui ne facilite pas les choses. Il ne faut pas les percuter, cela équivaut à une mort aussi rapide que par balle.
Les arbres présents çà et là servent à se mettre à couvert - ce qui est valable pour vous étant également valable pour vos ennemis. Mais s'ils arrêtent les balles directes, il est toujours possible de faire un joli lob par dessus avec une grenade, afin d'éliminer ce qui se trouve de l'autre côté de la végétation.
... prenez un tank...
Au bout d'un moment, la route se termine et vous arrivez dans la plaine. Tiens, il y a d'ailleurs un tank bleu, vide, qui semble vous attendre... Je ne peux que vous y conseiller de vous y rendre au plus vite, et surtout faites attention, ce serait bête de mourir maintenant !
À partir du moment où votre soldat atteint le tank bleu, même s'il n'y entre pas, il se passe deux choses :
- les fantassins se tirent ailleurs (désolé mais je devais forcément la placer celle-là !) et sont remplacés par les tanks ;
- la route dont vous avez réussi à atteindre le bout devient inaccessible : vous pourrez aller où vous voulez, mais pas plus bas.
Affronter les tanks ennemis à pied est assez flippant, et accessoirement suicidaire. On ne peut les détruire qu'à la grenade (un lancer suffit), ce qui implique de bien avoir pris le coup de main pour viser. Et en plus, il ne faut pas se faire écraser... Fort heureusement, il y en a également quelques-uns, de couleur bleue et abandonnés à divers endroits, dans lesquels vous pouvez vous glisser pour continuer votre parcours (ce n'est pas obligatoire mais plus que vivement conseillé).
Il y a deux sortes de tanks (les vôtres et les ennemis partagent ces mêmes caractéristiques) :
- le léger est rapide et peu résistant. Il possède un tir de mitrailleuse assez faible : d'un coup vous pouvez détruire un tank léger ennemi, mais pas un tank lourd : il vous faudra tirer deux fois pour ça. Côté blindage, un seul tir de n'importe quel ennemi suffit à le détruire.
- en comparaison, le tank lourd est plus gros, plus lent mais plus blindé. Il tire des obus, bien plus efficaces que le tir de mitrailleuse : un seul coup suffit à dégommer n'importe quoi. Il faut deux tirs légers ou un tir lourd pour le détruire.
Votre tank a trois particularités :
- comme pour le fantassin, le déplacement du tank et l'orientation du canon, tous deux dans les 8 directions standards, sont indépendants ;
- s'il est touché, vous pouvez en sortir avant qu'il n'explose, mais ne restez pas collé contre lui : vous subiriez les dégâts de l'explosion comme pour une mine ;
- si vous êtes dans un tank lourd touché par un tir léger, vous pouvez sortir et aussitôt remonter dedans, comme si vous l'aviez réparé. Mais ce n'est valable qu'une fois : le second tir léger lui sera fatal (vous ne pourrez que sortir et vous enfuir).
... et pénétrez au cœur du camp ennemi !
Revenons à notre plaine. Elle est constituée de routes et de champs, sans configuration particulière. Les tanks se déplacent plus rapidement sur les routes ; en revanche, il n'y a d'obstacles nulle part. Vous êtes livré à vous-même, sachant que vous devez continuer à vous diriger vers le haut.
La plaine est large. Elle fait plusieurs écrans de large, et est bordée sur les côtés gauche et droit par le même talus infranchissable qu'il y avait sur la route. Les tanks peuvent surgir de n'importe où. Comme vous, ils sont plus rapides sur la route que dans l'herbe, mais ils sont nombreux. Et surtout, ils sont partout : vous ne pourrez pas espérer trouver une zone vide pour souffler un peu.
À force de vous diriger vers le haut, la plaine laissera bientôt la place au désert. La limite est tracée au cordeau, d'ailleurs ça me rappelle une image de Lucky Luke (Des rails sur la prairie) ! Dans le désert, on trouve juste des rochers disposés un peu n'importe où, qui bloquent les tanks et leurs tirs. Le désert fait approximativement la même taille que la plaine, mais sa surface est unie : plus de routes, uniquement du sable, dans lequel les véhicules ont une inertie plus prononcée.
Au bout du désert, un fleuve qui coupe horizontalement toute la surface de jeu. De l'autre côté, la base ennemie. On ne peut y pénétrer que par 2 ponts qui ne sont pas particulièrement gardés, mais les tanks sont toujours là et peuvent poser souci au moment de les franchir.
Ensuite, il faut continuer et trouver le QG ennemi. il est tout en haut, vers le milieu de la zone. Parsemé de murets et de mines, le camp ennemi est aussi large mais moins long à traverser que la plaine ou le désert. Cependant, il n'est pas facile de se diriger entre les tanks, les mines et les murets : mettez ces derniers à votre avantage pour bloquer l'avancée et les tirs ennemis, et surtout regardez où vous mettez les chenilles.
Puis c'est l'affrontement contre le QG ennemi, avec son énoÔorme canon. Il n'y a pas à proprement parler de stratégie : il suffit d'envoyer une grenade juste après qu'il a tiré, bien sûr en évitant les autres ennemis autour de vous. Là où c'est chaud, c'est que vous devez sortir du tank pour la lancer, cette fichue grenade, ce qui vous met en position délicate ! Heureusement, la grenade est efficace, pour reprendre cette expression de Sylvestre : "elle fait tout péter". Bunker détruit, le commandant blessé se rend en brandissant pathétiquement un drapeau blanc - et hop, 1000 points de gagnés.
Bravo ! Vous êtes le meilleur, grâce à vous la guerre est finie ! On va vous mettre au début d'une autre route, et vous allez détruire le QG ennemi suivant. Allez, au boulot, vous n'avez pas que ça à faire !
Sans rentrer dans les détails, lors des niveaux suivants tous les scores sont multipliés par le n° dudit niveau - jusqu'à concurrence de 10. C'est ce qui a certainement aidé John Dunlea à inscrire le record de 727 500 points !
C'est pas ma guerre !
Comme je l'ai déjà indiqué dans un autre article, en 1981 on avait peu de jeux du type de Front Line, on était plutôt dans les shoot'em up (horizontaux comme Scramble ou verticaux comme Moon Cresta) ou les labyrinthes (Amidar). Front Line pourrait passer au premier abord pour un shoot'em up vertical déguisé, mais cet argument n'est pas valable car c'est le joueur qui influe sur le scrolling. En fait, Front Line est un des premiers run'n gun, dont Berzerk est sans aucun doute le précurseur. L'appartenance à ce type de jeu, et surtout le fait que depuis le début on puisse tirer dans la direction qu'on souhaite indépendamment de la direction dans laquelle on se dirige, donne à Front Line un cachet certain et une profondeur de jeu bien plus poussée que bien des jeux d'arcade de l'époque.
Front Line est en revanche certainement le premier jeu d'arcade reprenant l'ambiance de la guerre au sol (fantassins, grenades, tanks).
On retrouvera le principe de séparation déplacement/tir quelques mois plus tard avec l'immense Robotron : 2084, mais c'est surtout Ikari Warriors qui reprendra en 1986 les mêmes ingrédients que Front Line et qui est considéré, de fait, comme sa suite spirituelle (Commando, sorti entretemps, ne propose pas de différencier le déplacement et le tir - même s'il appartient bien à la catégorie des run'n gun).
J'en profite pour vous montrer les contrôles du jeu : à gauche, une manette standard (8 directions) ; au centre, la grosse molette avec le dessus rouge sert à contrôler la direction du tir - et à tirer bien entendu ; et enfin à droite, le bouton blanc pour lancer une grenade et entrer/sortir d'un tank.
Pour en revenir à notre année 1982, Front Line offre donc un gameplay de grande qualité au joueur, surtout en comparaison avec les jeux de l'époque.
Côté graphismes, on est dans un style BD assez sympa. Les couleurs des personnages sont faciles à repérer : bleu foncé et rouge pour le soldat et les tanks qu'on contrôle, vert et bleu ciel pour les ennemis et leurs tanks. La route se démarque des arbres, sachant que sa couleur variera d'un niveau à l'autre (procédé bien connu pour briser la monotonie) mais avant d'y arriver, il faudra vous accrocher !
Les animations sont simples, bien fluides même s'il y a beaucoup de sprites à l'écran. J'aime bien la démarche des personnages, pour un peu on dirait qu'il n'y a que leurs pieds qui bougent ! En tout cas, pas de souci de ce côté.
Pour les musiques, un petit jingle au début, un autre quand on détruit le bunker, et c'est tout. Quant aux bruitages, ils sont très simples (pan, boum, le sifflement de la grenade qu'on lance) voire un peu crispants (le "ding-ding-ding" du soldat qui se déplace est un peu soûlant à la longue). Rien de vraiment exceptionnel à ce niveau.
Et en permission ?
Front Line fut porté sur Atari 2600, ColecoVision, NES, MSX, FM/7 et d'autres standards japonais.
Comme beaucoup de jeux possédant des contrôles originaux, les conversions de Front Line durent être simplifiées (à part la version Coleco, j'y reviendrai) : plus de séparation entre déplacement et tir, pour pouvoir y jouer avec un joystick traditionnel à un seul bouton. Notez que ce sera la même chose avec les conversions de Robotron : 2084, et que penser de celles de Defender...
En bref, dans presque toutes les conversions de Front Line, on tire dans la direction où on se dirige.
Front Line sur ColecoVision.
Cliquez sur la jaquette pour une version plus grande.
J'insiste un peu (une fois de plus, diront certains ;-) ) sur la version Coleco pour signaler quelques détails.
Déjà étrangement, les graphismes sont différents de l'original : si ce n'est pas flagrant pour les décors, ce sont les sprites des éléments humains qui ont subi des modifications. Ainsi, les fantassins ennemis font plus penser à des gendarmes, tout de bleu vêtus et avec bandoulière ; quant à votre soldat, je suis bien en peine de dire à quoi il ressemble, mais en combinaison rouge on ne risque pas de le rater ! Les tanks sont également un peu simplifiés mais on les reconnaît facilement. Mais ce choix graphique n'est pas un ratage en soi : le jeu reste très sympathique visuellement.
L'animation est dans les standards de la Coleco ; quant aux bruitages, ils ne sont pas plus extraordinaires que dans la version arcade.
C'est surtout la volonté de pouvoir gérer cette spécificité du jeu : la séparation entre le déplacement et le tir, qui est mise en avant et qui éclipse tout ce qu'on pourrait critiquer. Et pour cela, quoi de mieux que de tirer parti des Super Controllers, découverts peu de temps auparavant avec Rocky ?
Tirant profit des 4 gâchettes de la manette, l'ergonomie est parfaite : dans l'ordre de haut en bas, on trouve : le bouton jaune pour tirer, l'orange pour orienter le tir dans le sens des aiguilles d'une montre, le violet pour orienter le tir dans l'autre sens, et enfin le bleu pour lancer une grenade ou entrer/sortir d'un tank.
Ajoutez à cela, comme je le disais tout au début de l'article, la prise en main parfaite de la manette, et vous avez une version qui s'annonce vraiment excellente.
C'est cette version ColecoVision que j'ai connue, n'ayant jamais eu l'occasion de jouer au jeu d'arcade en dehors de M.A.M.E. Après avoir étrenné les Super Controllers et Rocky, j'avais acheté Front Line le Noël suivant (je crois). Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, si ce n'est que le test dans le Tilt n°15 (intérêt : 5/6) était élogieux. Je n'ai pas été déçu : Front Line version Coleco est, à mon sens, un des meilleurs jeux qui soient sortis sur cette machine.
Une version parallèle réalisée par Taito est sortie en 2000 sur GameBoy Color : Sgt. Rock: On The Frontline, qui reprend le jeu d'origine mais le transpose dans l'univers du Sergent Rock, personnage créé en avril 1959 par Robert Kanigher & Joe Kubert pour DC Comics.
Le jeu d'origine est ressorti des années plus tard (2006 - 2007) dans la compilation "Taito Legends 2" sur plusieurs machines de l'époque.
Apte ou pas apte ?
Comme pour tous les jeux d'arcade, avec l'évolution du temps et des technologies, Front Line a été dépassé ensuite par d'autres titres - en premier lieu Ikari Warriors, qui a certainement eu une renommée plus importante. Mais je considère que Front Line est le premier run'n gun à scrolling et qu'il mérite largement sa place dans le panthéon du retrogaming.