Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par LVD (16 juillet 2007) L'histoire des ErogeVouloir parler des eroge, c'est-à-dire des jeux vidéo pornographiques japonais, c'est un peu casse-gueule... comme à chaque fois qu'on parle de X en général d'ailleurs. Il est difficile de trouver un juste milieu sans tomber dans le graveleux, mais si initialement j'ai décidé d'écrire sur un type de softs que je n'ai quasiment jamais pratiqués – j'en ai fait quelques-uns bien sûr, mais ils ne dépassent pas la vingtaine – c'est pour deux raisons :
Je ne cherche nullement à faire apprécier le genre, je souhaite seulement mieux faire connaître les eroge et participer à un minimum de travail patrimonial et ce de manière neutre et objective. On peut très bien parler de X sans ricaner bêtement comme un ado attardé. Avertissement : toutes les images d'illustration seront, bien évidemment, peu explicites. Les jeux X nippons peuvent être appelés 18sai game (littéralement, « jeux pour 18 ans et + »), H game, ou adult game, mais plus souvent eroge, qui est tout simplement la contraction de « erotic game », c'est donc ce terme que j'adopterai. On dit parfois hentai game en Occident, mais vu le sens du mot à la base (qui n'a rien de sexuel et veut simplement dire pervers), je préfère l'éviter. L'écrasante majorité de ces jeux, pour ne pas dire la quasi-totalité, est sortie sur micro-ordinateur, puis plus tard sur PC. Depuis le début des années 2010, on en voit aussi sur tablette et smartphone. Les consoles, elles, n'ont et n'accueilleront sans doute jamais de jeux véritablement pornographiques. La politique de Sega elle, était assez particulière. Identique à celle de Nintendo durant l'ère 8 et 16 bits, la firme a changé son fusil d'épaule après son passage aux 32 bits. La Saturn accueillera en effet des jeux édités sous deux labels : « conseillé aux plus de 18 ans »(avec un logo jaune) et carrément « X-rated »(logo rouge), mais ce dernier sera stoppé assez vite. La différence ? Dans le premier cas, on ne peut même pas voir de tétons, ce qui met les titres sortis sous cette appellation au même niveau que ceux de la PC-Engine. 43 jeux sont sortis sous ce label ; pour les X-rated en revanche, il semble n'y en avoir eu que 13 édités, dont essentiellement du mah-jong, ainsi que... Mortal Kombat II ! À cause de sa violence bien entendu, mais c'est le seul sur les 13 à ne pas comporter de sexe. Rien de bien hard toutefois là non plus, et le seul et unique eroge digne de ce nom est l'adaptation du jeu PC Nonomura byôin no hitobito, mais là encore bien adouci par rapport à sa version originale. En 2021, on en est au même point, et alors qu'on voit des jeux toujours de plus en plus violents (et j'ose le dire parfois carrément malsains), le sexe reste prohibé sur console. À noter que les eroge ont quand même gagné les salles d'arcade, généralement par le biais de jeux de mah-jong comme le célèbre Super Real Mah-Jong de Seta, mais il s'agissait de jeux érotiques et non réellement pornographiques. Ces bornes se partageaient en deux catégories : celles avec des actrices digitalisées, ce qui n'est pas très courant, et surtout celles avec des personnages dessinés (parfois de manière très réaliste). La très grosse majorité des titres, quelle que soit la plate-forme, n'a jamais proposé de représentation graphique réaliste, ni en 3D, à l'exception de l'éditeur Illusion. Par contre certains jeux peuvent avoir des scènes en 3D, comme sur la carte de déplacement par exemple. Comme il s'agit exclusivement de jeux sur micro-ordinateur, on a eu droit à pléthore de softs qui ne nécessitaient pas un achat de licence ou du matériel de développement spécifique, et donc de nombreuses PME peu fortunées se sont lancées sur ce marché. Alors que les éditeurs de jeux console sont somme toute peu nombreux et se rachètent entre eux (Square-Enix, Bandai-Namco, etc), on recense plusieurs centaines d'éditeurs d'eroge depuis 40 ans ! Ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui mais certains travaillaient carrément chez eux en indépendant ou par groupes de deux ou trois personnes, au moins jusqu'au début des années 2000. Parfois, il s'agissait carrément d'entreprises d'informatique « sérieuses » qui faisaient produire des eroge en sous-traitance, ce qui leur rapportait des revenus annexes non-négligeables. Je parle au passé car on verra plus tard que l'évolution du marché ne leur aura pas été bénéfique. Des débuts du genre à la révolution DokyuseiPendant longtemps, on a considéré Night Life de Koei (oui, le même Koei derrière les Muso), édité sur FM7 et PC88 comme étant le tout premier eroge, même s'il n'est pas totalement exclu qu'il y ait pu y avoir des jeux de type aventure purement textuelle auparavant, comme aux États-Unis. Le soft est en effet sorti en avril 1982. Or, cet honneur revient plutôt à Yakyûken, de Hudson (oui, le même Hudson derrière les Bomberman), sur MZ80K et MZ700 sorti à peu près en même temps (impossible de trouver une date exacte de sortie, un travail de recherche pour les spécialistes de la playhistoire ?). Pourquoi ? Eh bien, parce que Night Life n'est pas un jeu à proprement parler, mais plutôt un « utilitaire » censé aider les couples dans leur vie sexuelle, avec tout un tas d'indications comme calculer au mieux la période de fertilité de Madame, un catalogue de positions, etc. Yakyûken lui est un véritable jeu, qui plus est, il était déjà annoncé dans les pages d'une revue informatique de 1979 ! Grossièrement, c'est une sorte de strip poker mais sous la forme du papier-caillou-ciseaux. Emmy, édité par ASCII en 84, propose une sorte de chat virtuel avec un personnage nommé... Emmy, oui, bravo. C'était évidemment très réduit niveau possibilités. En 85, sort le premier épisode de la série Tenshitachi no gogo, qui se poursuivra jusqu'en 2001 tout de même. il semblerait que ce soit le premier titre à adopter la forme définitive du jeu d'aventure traditionnel associé aux eroge. Aux débuts du genre, soit en gros de 1982 à 1987, on l'a vu, des éditeurs « classiques » comme Koei, Hudson, ou même Falcom ou Enix ont développé et vendu des eroge. Ils devront arrêter à partir du moment où ils manifesteront la volonté de vouloir développer sur Famicom, Nintendo n'aurait jamais accepté sinon. Des magasins spécialisés en informatique comme PSK s'y sont également mis. Tout comme en Occident, les différentes marques de micro-ordinateurs ont fleuri au Japon à cette époque, comme le FM7 de Fujitsu ou le MSX, mais NEC et ses séries PC88 et PC98 vont peu à peu prendre l'ascendant sur leurs concurrents, pourtant plus performants (le FM7 fut par exemple le premier à proposer une extension CD-ROM). Pourquoi ? Parce que les éditeurs de eroge se sont tournés en masse vers le PC98 pardi ! Le X68000 était certes plus puissant mais aussi bien plus cher. Par comparaison, ce dernier proposait plus de 30000 couleurs affichables contre seulement 4096 pour le PC98... Bon, évidemment, même pour l'époque, c'étaient quand même des jeux graphiquement pourris. Je rappelle que les softs étaient alors sur cassette ou disquette ; or un eroge se doit fatalement d'accorder une place primordiale à l'aspect visuel, c'est une des rares catégories de jeux où à lui seul, le gameplay ne suffit pas pour faire un bon jeu. Un bon eroge DOIT en plus être beau. On l'a vu, l'imagination joue aussi partiellement mais franchement, comment peut-on être excité par une bouillie de pixels en 16 couleurs ? Même cet aspect mis à part, la jouabilité était souvent ultra-limitée : généralement une fille apparaît à l'écran et au joueur de lui faire faire tout ce qu'il voudra. Au mieux, on a un semblant de progression où le héros peut rencontrer successivement plusieurs filles, qui passeront toutes à la casserole, qu'elles le veuillent ou non. Les jeux érotiques de m..., ça suffit ! Nous, nous allons réaliser de véritables jeux vidéo pour un public adulte, qui n'auront pas à rougir face aux productions console. C'est ce qu'a dû se dire Masato Hiruta, fondateur de la société Elf en avril 1989 et qui avait déjà réalisé le premier Lipstick Adventure l'année précédente pour le compte de la société Fairytale, et qui mélangeait enquête policière et histoire d'amour entre un détective et une étudiante. Par ailleurs, Hiruta est non seulement PDG de la boite mais également scénariste pour de nombreux jeux de la firme. Leur premier titre, Dokidoki Shutter chance ne restera clairement pas dans les annales (hem...). Il était très laid, et sera suivi d'une poignée d'autres titres absolument sans intérêt. Et puis, en novembre arrive le premier Dragon Knight, un RPG qui connaîtra un beau succès, et sera d'ailleurs porté sur PC-Engine dans une version édulcorée, comme je vous en parlais plus haut. Il s'agit du premier veritable ren'ai game, soit « simulation d'amour », plus communément appelée « simulation de drague » chez les joueurs occidentaux. Concrètement, le joueur incarne un jeune homme qui va devoir séduire une (ou plusieurs) jeune(s) femme(s) (ou moins jeunes d'ailleurs), même si généralement c'est une seule par partie, ce qui est moralement bien plus convenable. Le jeu demande de la stratégie, à laquelle il faut ajouter une certaine psychologie. Dôkyûsei n'est pas un « bête jeu de cul » : si on se comporte en goujat fini (ou même tout simplement si on accumule les maladresses), il est tout à fait possible de finir le jeu sans avoir réussi à conclure avec qui que ce soit ! Pour simplifier, le concept d'un bon eroge de type ren'ai est le suivant :
Doté d'une mise en forme impeccable, tant grâce à son design que ses personnages réussis et son déroulement passionnant (pour peu qu'on ne soit pas allergique au genre « livre dont vous êtes le héros » bien entendu, ce type de jeu, c'est avant tout du texte), Dôkyûsei marque une étape majeure dans son genre, tout comme il y eut un avant et un après Super Mario Bros., et il influencera une partie de l'industrie dans son ensemble (sans Dôkyûsei, pas de Tokimeki Memorial de Konami plus tard). De plus, il s'agit du premier eroge de l'histoire à dépasser les 100 000 exemplaires vendus !
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