Mastodon
Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
Dragon Quest IX: Les Sentinelles du Firmament
Année : 2009
Système : DS
Développeur : Level-5
Éditeur : Square Enix
Genre : RPG
Par MTF (11 mars 2022)

Dragon Quest IX : Les Sentinelles du firmament (Dragon Quest IX: Sentinels of the Starry Skies / Doragon Kuesuto IX: Hoshizora no Mamoribito)
Nintendo DS (2009, 2010)

Après la déception, légère, de Dragon Quest VIII me concernant, je suis rentré directement dans le neuvième épisode avec une envie féroce de retrouver cette joie qui m'avait pris lors de mon parcours des précédents jeux de la série. Au terme de presque cent heures de jeu, je suis en mesure d'affirmer avoir été conquis d'un côté... et encore une fois avoir plutôt été déçu de l'autre. En vérité, on pourrait volontiers faire de ce neuvième épisode le parfait miroir du huitième : si ce dernier portait une attention particulière à son intrigue au point de mettre de côté ses aspects ludiques, Dragon Quest IX opère un virage franc et considère avant toutes choses son système de jeu, l'histoire passant à l'as.
C'est là un choix dont il faut avoir conscience pour apprécier à sa juste valeur ce premier épisode exclusif à une console portable, si l'on met de côté les épisodes spin-off. La période était à cela : Square Enix avait porté, cette année-là et la précédente, Dragon Quest IV et Dragon Quest V, le sixième épisode suivrait peu après. Et comme les portages, jadis, des premiers épisodes sur Game Boy Color l'avaient amplement montré, il y a une évidence quant au fait de jouer à Dragon Quest non sur son écran de télévision, mais dans le creux de sa main.

Lors de la partie, on joue sur l'écran du bas (et ce bien que les fonctions tactiles ne soient que peu sollicitées). L'écran du haut affichera soit les ennemis, soit une carte de l'intérieur ou de l'extérieur. Ces cartes sont une bénédiction lors du parcours des labyrinthes. Pour des raisons de clarté, cet article ne se focalisera que sur l'écran principal du jeu.

Contrairement cependant aux autres portages sur Nintendo DS, ce neuvième épisode exploite parfaitement la puissance de la console, première de Nintendo à savoir gérer la 3D et à bénéficier d'un espace de stockage moins modeste qu'alors. Le jeu, non content d'être en trois dimensions et, dans ses grandes lignes, polygoné de partout, propose aussi plusieurs séquences cinématiques à la façon d'un dessin animé muet. C'est là une belle surprise et, globalement parlant, le jeu demeure assez agréable à l'œil, quand bien même ne chercherait-il point à en mettre plein les yeux.
C'est ainsi un épisode agréable à parcourir, mais qui finit cependant par nous laisser sur notre faim. Tout dépend en vérité ce que vous recherchez dans J-RPG, et si vous privilégiez plutôt la narration, ou plutôt la richesse de jeu : heureusement, le jeu annonce directement la couleur et ne cherche pas à vous tromper sur ses ambitions.

Des intérieurs aux séquences de combat, l'esprit de la saga a été bien préservée. Bienvenue au bercail !

Quand les étoiles tomberont

L'histoire de Dragon Quest IX nous met aux commandes d'un Célestien (ou d'une Célestienne), une sorte d'ange qui veille, du haut d'un observateur céleste, sur les êtres humains du Protectorat, le monde de la surface. Ces anges, créés par le Tout-Puissant, apportent aux humains soutien et secours, les aident à se défaire des monstres et apportent réponses à leur prière. En signe de reconnaissance, les humains sont capables de générer une substance magique, la « bienveillessence ». Celle-ci est d'un intérêt particulier, car elle permet à l'arbre sacré surplombant l'Observatoire, l'Yggdrasil, de croître et, du moins les Anges l'espèrent, de leur permettre de rejoindre le Tout-Puissant.
Au début de l'aventure, cette quête semble enfin achevée : le héros ou l'héroïne, l'une des dernières recrues de la bande, a apporté ce qu'il fallait de bienveillessence pour invoquer l'Orion Express, un genre de locomotive magique censée amener les Célestiennes et les Célestiens au paradis. Au moment cependant où le véhicule s'approche, une attaque maléfique pourfend l'Observatoire, envoie valser ci et là ses locataires et nous expédie, quant à nous, à la surface, hélas privé de tous nos pouvoirs et réduit au rang de « simple » humain. Il nous faudra alors trouver l'origine de la catastrophe et, peut-être, retrouver notre divinité disparue.

Les Célestiens et les Célestiennes sont invisibles aux humains, et portent une auréole. Quant à l'Orion Express, le choix d'en faire une locomotive est pour le moins curieux dans ce monde inspirée du Moyen Âge.

L'histoire du jeu poursuivra, dès lors, sur cette direction, avec plusieurs grandes étapes : il faudra rapidement trouver le moyen de refaire voler l'Orion Express, en récupérant de la substance de reconnaissance, puis rejoindre l'observatoire pour comprendre ce qui s'est passé du côté du Tout-Puissant. L'intrigue s'achèvera par un combat contre Corvus, un ancien Célestien qui aura connu un sort funeste et dont le parcours n'est pas sans faire penser à Lucifer, dans la version relatée par Milton ou Alfred de Vigny. Il sera notamment question de son amour avec une jeune femme, figure d'Éloa, la « sœur des Anges ». Il est malheureux cependant que l'on ne découvre tout cela que dans le tout dernier tiers du jeu, et que l'intrigue prépare finalement assez mal sa grande révélation.
Le jeu s'inspire en vérité assez de Dragon Quest III, y compris dans son système de jeu comme je le dirai plus bas, et on a alors ce balancement entre une quête chapitrée et une assez belle liberté offerte, notamment dans le second tiers de la partie puisque l'on doit faire plusieurs quêtes dans un ordre indifférent pour avancer dans l'intrigue. Mais alors que le troisième épisode présentait dès son commencement l'antagoniste et que sa menace planait toujours, Dragon Quest IX opère une précipitation brusque de ses enjeux et après avoir été plutôt resserré sur lui-même, s'ouvre tout à un coup à la menace d'une annihilation sans l'avoir suffisamment préparée.

Ce personnage, entrevu au début du jeu, aura finalement une grande importance... Dommage que la révélation ne soit pas mieux préparée. Globalement, les moments historiques sont assez maladroits, et ralentissent plus que stimulent l'aventure.

Ce n'est donc clairement pas pour ses enjeux narratifs que ce neuvième opus retiendra l'attention, raison pour laquelle, finalement et à l'encontre de ce que j'ai pu faire pour le septième ou le huitième épisode, je ne m'attarderai guère sur ceux-ci. Qu'on ne s'y trompe, elle a ses moments, quelques fulgurances mêmes, et les micro-chapitres qu'on nous demande de parcourir ne sont pas inintéressants, qu'il s'agisse d'aider une orpheline à invoquer une divinité marine, de ramener la paix à une école d'élite ou de sauver une orgueilleuse reine du désert. Même, certaines étapes sont franchement stimulantes et ne donnent pas trop dans la citation : mais cela demeure cependant trop timide pour contenter.
Reste, cependant, cet ultime coup d'éclat, Corvus et sa chute du paradis et là en revanche, on tient quelque chose de bien plus fascinant et qui aurait mérité un développement plus large que les cinq ou dix dernières heures de jeu qu'on nous propose. Certes, ce fonds mythologique chrétien est loin d'être neuf dans les J-RPG, Final Fantasy VII allait volontiers dans cette direction, d'autres séries également : mais c'était une petite première pour Dragon Quest. Il est dommage que cela ne reste qu'une évocation, et que le jeu ne prenne pas le temps d'installer son propos plus solidement.

La mythologie de l'univers hésite entre fable chrétienne et déisme propre à la saga depuis ses commencements. Cela n'aide pas à offrir un arrière-plan intéressant.

Select your fighter

Si les aspects narratifs de cet épisode m'ont particulièrement déçu, il n'en va absolument pas de même pour le système de jeu qui n'est pas loin d'être, il me semble, le meilleur de toute la série principale et ce jusqu'à aujourd'hui. Il reprend effectivement le système de classes inauguré dans le troisième épisode, et depuis exploré dans les sixième et septième, mais il en corrige les aspérités et les défauts les plus nets pour proposer quelque chose de bien plus équilibré et de bien plus stimulant. Le principe général est le même : très tôt dans l'aventure, nous aurons accès à l'Abbaye de Dharma (ou de « l'Abbaye des Vocations ») et nous pourrons donner aux membres de notre équipe un métier spécifique. Ce choix s'accompagne non seulement d'une modification notable des statistiques (le Guerrier a beaucoup de points de vie, le Voleur est agile, etc.), mais il nous autorise également à débloquer des sorts et des compétences spécifiques que cette classe est seule à maîtriser. En changer, c'est donc se priver de ses habilités et de dramatiquement changer de style de jeu.
Du reste, chaque classe s'accompagne de contraintes quant aux objets que l'on peut équiper, des casques aux armes, même si ceux-ci sont parfois communs à plusieurs classes. Lors d'une montée en niveau de plus, il nous sera possible d'augmenter notre maîtrise des armes, en plus d'une compétence spécifique, pour débloquer de nouvelles possibilités d'action. Rapidement, l'on se rend compte que les combinaisons sont des plus nombreuses et que le choix de la classe influence dramatiquement notre style de jeu. Et comme l'on garde les niveaux acquis à chaque changement de métier, on se plaît à expérimenter et à changer la composition de notre équipe au fur et à mesure de l'aventure, sans se sentir particulièrement bloqué par nos décisions.

Les compétences d'armes et de classe sont variées, et elles ont une influence décisive dans les combats. C'est, à ce jour, le système que j'apprécie le plus.

Pour avoir joué à l'ensemble de la série à présent (exception faite du dixième épisode, un MMORPG sorti exclusivement au Japon), je dois dire qu'il s'agit là du système que j'ai le plus préféré et celui que je trouve le plus abouti de tous. J'ai pris un réel plaisir à essayer différentes équipes, à débloquer les compétences, à changer d'armes et de style de jeu, toujours en étant récompensé de mes efforts. Comme il y a de plus des classes cachées, déblocables en faisant telle ou telle quête secondaire, on prend un grand plaisir à se plonger dans les arcanes d'un système qui pourra certes paraître simple aux vétérans du J-RPG, mais qui remplit parfaitement son rôle et autorise l'inventivité.
Alors, bien entendu, tout n'est pas parfait : certaines classes semblent clairement moins intéressantes que d'autres et je regrette le système antérieur, qui demandait de faire des combats pour gagner des points de compétence plutôt que de tout rabattre sur les points d'expérience. De même, on regrettera que maîtriser deux classes parallèlement ne donne plus accès, comme jadis, à des habiletés secrètes. Il semble cependant qu'il s'agit bien là de la façon la plus élégante de gérer la chose, et il était plus que temps que l'équipe de développement atteigne enfin cette perfection après des années de tâtonnements.

Les ennemis apparaissent à présent sur l'aire de jeu et nous poursuivent, voire fuient si nous sommes trop forts. Les boss sont en revanche un peu en retrait, et peut-être faute de puissance de la console, ne sont pas franchement impressionnants.

On notera également à l'instar, une fois encore, du troisième épisode, que le jeu nous laisse composer notre équipe comme nous l'entendons, sans toutefois dépasser les quatre compagnons. Dès le début de l'aventure, l'on pourra recruter dans une auberge les membres de notre cohorte, personnalisables dans leur apparence, leur genre et, bien sûr, leur classe. L'expérience acquise après les combats est alors uniment répartie ; mais rien ne vous empêche, comme j'ai eu à l'essayer, de cheminer solitairement, ou bien en duo, ou bien en trio. Si terminer l'aventure en solitaire est une gageure, cela n'en reste pas moins un challenge intéressant pour qui connaîtrait bien le jeu : il est cependant dommage qu'on ne nous propose qu'un seul fichier de sauvegarde...
En contrepartie, et comme on peut s'en douter, le fait de construire son équipe comme on l'entend n'autorise pas l'histoire, une fois encore, à briller particulièrement. Si ce n'est le héros ou l'héroïne, que l'on ne voit d'ailleurs que peu dans les cinématiques (et lorsqu'on doit la voir, il faut s'encaparaçonner de la tête aux pieds, pour ne pas nous reconnaître !), nos comparses sont toujours invisibles, sans caractère ni mouvement, ce sont des pantins seulement habités par nos décisions. Peut-être aurait-il été mieux de laisser le choix et d'autoriser certains personnages secondaires à nous rejoindre en cours d'aventure, il y avait des candidats ; mais la chose était peut-être trop ambitieuse.

Bien que limitées, les options de création des personnages permettent de créer un avatar sur mesure. Dans les scènes scriptées en revanche, ce sera toujours l'héroïne ou le héros que l'on verra.

Les plats reliefs

Un autre élément du jeu qui, selon votre sensibilité, soufflera le chaud et le froid, ce sont les graphismes. Alors, bien entendu, la Nintendo DS n'était pas une console des plus puissantes et ce même si elle savait gérer la 3D, et cela se ressent ci et là. Les modèles des ennemis notamment, dont certains ont été ouvertement repris de Dragon Quest VIII, ont moins de polygones, leurs courbes sont plus cubiques, l'animation est un peu plus décevante. L'illusion, sur petit écran, est cependant suffisante pour passer outre. Il est en revanche quelques choix qui m'ont davantage décontenancé même si je subodore des raisons liées, une fois encore, au peu de puissance de la console.
Ainsi, on verra rapidement que le jeu n'est pas exclusivement en 3D malgré les apparences : la plupart des membres des villages, ainsi que certains objets, sont en réalité des sprites plus ou moins bien inclus dans l'environnement. On peut occasionnellement faire pivoter la caméra, mais uniquement de quelques degrés à gauche ou à droite, et jamais cela n'est-il utile dans l'aventure. Même si le jeu habille ses environnements de quelques collines et de vallées, tout cela reste finalement assez plat, et assez modeste.

Le jeu propose quelques environnements nouveaux, comme cette école dans un pays enneigé.

Définitivement, et même si on ne pouvait espérer quelque chose d'aussi rebondi que le huitième épisode, il semble que l'on ait régressé au regard de Dragon Quest VII qui était bien plus agréable dans son dessin. Si le dernier donjon, qui fait alterner plan de côté (à l'extérieur) et labyrinthe intriqué (en son sein) est sans doute une belle apothéose, on ne peut s'empêcher de croire que tout cela manque singulièrement d'ambition.
À bien y réfléchir, il y a finalement peu de grottes, de cavernes ou de temples réellement marquants dans cette aventure. Ils ne tournent jamais autour d'un mécanisme particulier ou d'une astuce, on se contente généralement d'avancer et d'avaler les étages ou les sous-sols jusqu'au boss, et leurs décors se répètent souvent. Et autant les villes et le monde de la surface ont quelques attraits, surprennent parfois, autant les dédales sont, à mon sens, le point faible de la progression.

L'association de modèles 3D, pour les personnages secondaires, et les sprites pour le reste n'est pas toujours très harmonieuse.

Plus largement encore, et sans que je ne puisse précisément mettre le doigt dessus, il y a aussi comme un décalage dans le design général de cet épisode, particulièrement concernant le style des personnages et des ennemis dans lequel je peine souvent à retrouver le trait si caractéristique d'Akira Toriyama. Il est vrai qu'il est, depuis longtemps, assisté par d'autres illustrateurs et illustratrices ; mais là, c'est la première fois que je trouve le résultat disharmonieux, maladroit même par endroit. La fée Stella, qui nous accompagnera au long de l'aventure, ou le musclé Aster, sont même franchement moches, ce qui ne manque pas de me surprendre.
Surtout, autant les précédentes critiques sur la relative platitude de l'univers pouvaient se justifier par la puissance de la console, autant ces errances dans le dessin général sont bien plus inexplicables. Peut-être était-ce une volonté, pour ce premier épisode sur portable, de plaire à un autre type de public, il est vrai que tout le monde ressemble un peu à de grands enfants ou à des « chibi » ; mais cela est franchement déconcertant. Je ne doute pas que les graphismes ont leurs fans, je n'en fais cependant pas partie.

Le design alterne entre l'heureux et le moins heureux, pour un résultat que je trouve globalement maladroit.

Quêtes et requêtes

Parmi les nouveautés les plus notables du jeu, et la raison pour laquelle le système de classes gagne à être le mieux exploré, il faut citer les quêtes secondaires. Aux côtés de la conduite de l'histoire principale, on aura très régulièrement l'occasion d'aider les gens de la surface et de leur rendre divers menus services. Les récompenses varient, mais il s'agit généralement de recevoir une pièce d'équipement inédite ou encore un peu d'argent. Plus rarement, ces quêtes débloqueront de nouvelles compétences voire des classes cachées comme « Paladin » ou « Sage », classes qui vous seront particulièrement utiles pour finir le jeu dans les conditions les meilleures.
Ces quêtes secondaires sont non seulement liées à l'histoire générale du jeu mais elles sont surtout une source très utile, notamment en début de partie, de points d'expérience et d'or sonnant et trébuchant. Il est malheureux en revanche que la plupart ne sont que des « quêtes Fedex », qui vous demandent d'aller chercher un objet pour le ramener ailleurs. Les autres ne sont pas plus intéressantes et demandent d'avoir la faveur des chances ridicules qu'ont les ennemis de laisser tomber tel ou tel objet à leur mort. Certes, ces quêtes ne sont jamais que des excuses pour grinder et progresser en niveaux, mais cela devient rapidement ennuyeux.

Les développements historiques sont exclusifs à l'histoire principale. C'est dommage, on aurait bien voulu en savoir davantage sur certains personnages.

Malgré leur côté lénifiant, ces quêtes ont pour elles d'être très nombreuses et plutôt simples à remplir ; du reste, elles permettent d'explorer à fond notre univers et de sortir des sentiers battus. Un très grand nombre d'entre elles ne se débloque qu'une fois l'intrigue première achevée : c'est alors l'occasion de se frotter à quelques donjons cachés et à quelques boss complémentaires notamment avec ce principe, là encore assez neuf pour Dragon Quest , des cavernes secrètes. Il s'agit de donjons souterrains, générés aléatoirement, que l'on doit débusquer dans le monde de la surface en suivant des cartes au trésor. Leur difficulté est indexée sur le niveau du héros ou du l'héroïne, et ils s'achèvent généralement pas un boss assez solide.
Ces petites distractions transformeraient presque notre J-RPG en « rogue-like » et on prend plaisir à enchaîner les sous-sols, surtout qu'en compléter un nous offre souvent une carte vers la prochaine. Si la répétition finit toujours par nous frapper, le jeu n'offrant point assez de renouvellement ici, la proposition n'en demeure pas moins intéressante et elle se moule plutôt bien dans l'ensemble du jeu.

La scène du Dieu de la Mer est la plus élaborée des quêtes secondaires... ce qui la rend d'autant plus étrange. Pour une fois d'ailleurs, un Dragon sera au cœur d'un chapitre de l'intrigue !

Mais une fois encore, il est dommage qu'à de trop rares exceptions près, ces quêtes et ces donjons soient déconnectés de toute intrigue et de tout développement historique. On aurait pu s'attendre à ce que ces missions nous en apprennent davantage sur l'univers, sur un personnage déjà connu, sur une ville. Cela ne sera hélas le cas qu'à une seule reprise, et c'est encore pour obtenir le contrôle de l'Orion Express et voyager là où nous le désirons, tant et si bien qu'on pourrait considérer cette quête secondaire comme, en vérité, un épilogue tant elle est nécessaire pour la suite de notre parcours et la découverte de « après-jeu ».
On ne prendra alors ces missions que comme des prétextes, et il est vrai qu'elles remplissent assez bien leurs rôles : notamment, elles nous obligent à exploiter au mieux l'Alchimarmite qui signe ici son grand retour, et qui nous permet de créer objets et armures à partir d'ingrédients divers. Au regard de l'épisode précédent, les recettes sont cette fois-ci créées instantanément : et quand bien même devrait-on revenir à l'Auberge des Héros pour jouer aux philosophes, je préfère largement ce principe au précédent.

Le chevalier Karbon, ou le prêtre de l'Abbaye des Vocations, auraient fait de très bons compagnons. Dommage qu'on ne les verra plus vraiment passés leurs chapitres.

Connectez-vous les uns les autres

Terminons ce panorama par un dernier élément, qui fit jadis le grand succès de cet épisode mais qui, aujourd'hui, ne peut se retrouver parfaitement : les fonctions de connectivité. Il était effectivement possible, grâce à la connexion Wi-Fi de la Nintendo DS, de recruter des compagnons en ligne, de vraies créations d'autres joueurs et d'autres joueuses et de nous envoyer nous-mêmes sur la toile. Il était également possible de mener l'aventure à plusieurs, certains coffres nous étant toujours réservés pour ne pas se retrouver dans des situations bloquantes : on pouvait échanger des objets et communiquer avec un système assez simple, mais efficace. Cet élément a assuré, presque à lui seul, le succès du jeu au Japon, tant et si bien que des bars ont ouverts rien que pour permettre aux joueurs et aux joueuses de se retrouver pour faire l'aventure collectivement.
Aujourd'hui cependant les serveurs sont déserts : lorsque j'essayais de les rejoindre, en janvier dernier, je ne trouvais personne. Je ne doute point qu'au Japon la chose est différente, tant le succès du jeu y fut fulgurant, ni même qu'il doit encore exister une cohorte de fanatiques : mais quand bien même, cela demeurerait aujourd'hui exceptionnel. C'est dommage, car tous les témoignages que j'ai lus en parlaient avec beaucoup de bonheur, et je suis triste d'être passé à côté de la chose même si l'aventure en solitaire demeure agréable.

Les coffres rouges ne peuvent être ouverts que par le personnage principal. Certaines séquences de jeu se font aussi en solitaire.

Reste que ces aspects communautaires, au même titre que votre implication dans les donjons cachés et les quêtes secondaires, demeurent une variable d'ajustement particulièrement forte quant au parcours de l'aventure. Sachez qu'en ligne droite, il vous faudra déjà compter entre quarante et soixante heures pour achever l'histoire principale. Le jeu a beau être assez tranquille, exception faite, comme toujours dans la saga, de quelques boss un peu retors qui vous demanderont de faire un peu d'expérience, il est bizarrement plus long que je ne l'aurais cru de prime abord, bien que sans y paraître.
En revanche, s'il vous prend l'envie de remplir vos encyclopédies, d'essayer toutes les recettes alchimiques, de finir toutes les quêtes et de maîtriser toutes les classes du jeu, alors vous pouvez très facilement doubler cette durée de vie. Il faut s'accrocher cependant, ou être particulièrement client du genre pour aller jusque là : et même moi, qui suis pourtant grand amateur de la saga depuis sa découverte et qui apprécie le J-RPG, j'ai fini — au bout d'une centaine d'heures tout de même ! — par me lasser de quelque chose qui demeure incroyablement répétitif.

On note quelques retours, tant de jeu que d'histoire : le système de tension de l'épisode précédent, qui permet d'augmenter notre attaque, est encore de la partie. Quant à la séquence où nous sommes en prison, difficile de ne pas penser au cinquième épisode.

Pour l'anecdote, Dragon Quest IX est le premier épisode à recevoir la note parfaite de 40/40 dans le magazine Famitsu, qui fait référence en termes de critique vidéoludique au Japon. Il a été l'un des jeux les plus attendus de tous les temps là-bas, détrônant les dernières itérations de Final Fantasy et battant tous les records de vente. En Occident de même, le jeu fut très bien accueilli, même si moindrement qu'au Japon, tant par le public que par les journalistes. Est-ce, cependant, le meilleur de mémoire récente, ou le meilleur jusqu'à ce point-là du temps ?
J'ai encore l'impression après ma critique du huitième épisode d'être le rabat-joie de service. Mais autant ce jeu corrige et rectifie bien des scories, autant il ne parvient pas tout à fait à opérer ce grand tournant dans mon cœur. Si le système de jeu et ses propositions, notamment en termes de classes et de personnalisation, valent le détour, et si l'on a effectivement bien plus de choses à faire dans cet épisode que dans les autres, ses incertitudes graphiques tout d'abord, son désintérêt pour la narration ensuite, l'empêchent de se hisser au plus haut de mon panthéon et notamment au-delà de Dragon Quest V ou de Dragon Quest VII qui, bien que coupables parfois des mêmes défauts, savent mieux les diluer dans leurs nombreuses qualités.

Aider les gens à être heureux, courir sur les bibliothèques d'une école en ruine, voilà ce qui compte dans la vie !

Le compte n'y est pas tout à fait pour moi ; et même si, de tous les épisodes, c'est celui que je pense relancer le plus tôt tant il ne tergiverse point et nous confronte directement à l'essentiel, ce sera aussi loin d'être mon favori de la série. Qu'on ne s'y trompe cependant, il demeure un jeu solide, assez long et avec suffisamment d'options pour varier les approches et toujours trouver de quoi s'amuser : mais il faut y entrer avec les idées nettes et ne point s'attendre à une quête épique, à une intrigue touchante, à un univers vivant et mouvant. Tout est plutôt de l'ordre du prétexte et du factice, on fait semblant. Pour peu qu'on y croie, cela marche bien : mais il faut se forcer un peu.
Il manquera cependant toujours pour moi un peu de souffle, un intérêt complémentaire, quelque chose de mystérieux et d'intrigant, que j'avais trouvé dans Dragon Quest III, qu'il y avait dans Dragon Quest VII, pour me convaincre de revenir et d'y rester. Je ne regrette rien de la centaine d'heures passées, mais je voulais simplement trouver une excuse pour en passer cent de plus. Voyez, quand on en arrive à de tels reproches, c'est que vraiment, on s'habitue au génial.

Les derniers boss du jeu ont des designs assez intéressants, et ils sont plutôt menaçants... mais ils tombent facilement, hélas.
MTF
(11 mars 2022)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Pour des raisons pratiques, les images du jeu viennent de la vidéo de la chaîne "TASVideosChannel" (lien Youtube).