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Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
La première décennie de Thezis
Date de Sortie : 1978
Système : Bugs & Craches
Développeur : MomAndDad
Editeur : MicroProse
Support : Dématérialisé

1) Bonjour Thezis, peux-tu te présenter aux lecteurs les plus récents (nom, prénom, boulot, passions, premières machines, ...) ?

Bonjour. Je m’appelle Julien Annart, j’ai 34 ans, une petite fille de trois ans (née le 09/09/09 !) et je suis enseignant (et belge, enfin tant que mon pays existe). Je suis titulaire de plusieurs diplômes en pédagogie et en philosophie, matière pour laquelle j’ai conservé un intérêt à travers la philosophie politique comme outil pour lutter contre les inégalités sociales et politiques. Et depuis la crise financière puis économique de 2008, notre époque en déborde de manière particulièrement obscène. Mais ce n’est pas le sujet ici... Membre de la team GrosPixels, il m’arrive aussi d’écrire pour la presse vidéoludique, en particulier pour les éditions Pix’n Love.

J’ai longtemps été passionné de cinéma, muet et de genre surtout, et de bd, particulièrement franco-belge, comme beaucoup de membres de la communauté de GrosPixels à en lire le forum. J’ai même donné des cours du soir d’analyse et d’écriture sur ces deux sujets. Sans vraiment savoir pourquoi, je m’en suis détaché ces trois dernières années. Cela va sûrement revenir. Il y a encore quelques jours, j’ai vu un ancien film humoristique muet, Hunger (Steve McQueen, 2008). Des films sublimes, qui utilisent le cinéma dans toute sa force visuelle et sa touchante humanité.

Les jeux vidéo sont bien sûr une autre passion, comme tout le monde ici, depuis toujours ou presque. Difficile de me souvenir de mes premiers jeux avant 1986 et un jeu de combat de ninjas sur Commodore 64 en 1986. Jeu qui a planté d’ailleurs, le premier d’une longue série de crashs. Depuis, je n’ai jamais arrêté de jouer et j’imagine que cela continuera même si la manière change avec la diminution du temps libre à y consacrer et une intellectualisation de ce hobby par l’écriture.

Ma première machine fut une Master System et à la même époque mon frère fit l’acquisition d’un Amiga sur lequel j’ai passé autant de temps que sur la 8-bits de Sega. De 1987 à 1994, je n’ai pratiquement joué sur rien d’autre que sur ces deux plateformes ainsi que sur la Mega Drive.

2) Comment es-tu arrivé sur GrosPixels ?

En 2002, je cherchais des informations pour faire tourner dans de bonnes conditions GTA III sur mon PC et je me suis retrouvé sur un forum francophone que j’ai fréquenté quelques mois. En discutant, la conversation a dérivé vers Bill Gates et un forumeur a pointé la bio disponible sur GP. Je l’ai trouvée excellente et je l’ai écrit à l’auteur, à savoir Laurent. Celui-ci m’a encouragé à rejoindre le forum. Et malgré ma réticence, pourquoi ne pas s’engager sur un second forum ? Je me suis lancé. L’accueil fut très particulier, je m’en souviens très bien et avec un grand sourire : à peine un post écrit que Wish me demande s’il y a des filles sur mon forum d’origine. Ambiance... Ce que je ne savais évidemment pas c’est que Wish était à l’époque la seule fille du forum de GrosPixels et voulait savoir si d’autres forums de jeu vidéo accueillaient eux des filles :-)

J’ai progressivement accroché à l’état d’esprit, un humour léger et une certaine réflexion entre finalement peu de personnes à cette époque, pour y venir tous les jours. À l’époque, je rédigeais mon mémoire de DEA et le forum m’a souvent, et précieusement, aidé à décompresser, à discuter d’autre chose.

3) Comment as-tu décidé d'écrire pour le site puis intégré l'équipe ?

En fait j’ai très vite proposé à Laurent d’écrire un article sur North & South (mais ayant traîné, Tonton Ben s’en est finalement chargé), Close Combat et la série des Total War. Au final, il me faudra quatre ans pour me lancer avec mon premier article en 2006 sur Total War. Un jeu de stratégie, genre qui n’est pas vraiment celui de prédilection des forumeurs et qui suscite souvent peu de réactions, comme le confirmeront plusieurs de mes articles suivants. Mais cela contribue aussi au développement du côté encyclopédique de GrosPixels. Étonnamment, ce premier article est arrivé au moment où je pensais arrêter de jouer après plus de vingt ans de pratique, poussé par l’impression que tout ce temps passé à jouer était finalement vain. "Quand je cumule tout mon temps de jeu, ces milliers d’heures, et que je pense à toutes les choses que j’aurais pu créer à la place, je n’en vois pas l’intérêt". Sans doute que GrosPixels m’a permis de relancer ma passion en l’intellectualisant et en l’associant au plaisir infini de l’écriture ?

L’année suivante, en 2007, au cours d’une conversation par mp avec Laurent, celui-ci m’a proposé de rejoindre l’équipe. Équipe au sein de laquelle j’ai découvert le travail conséquent réalisé dans l’ombre par la team, dans laquelle je me suis progressivement investi dans plusieurs tâches (mise en page, relecture, rédaction des news). Le boulot au sein de l’équipe se fait dans une ambiance bon enfant et très familiale, même si plusieurs d’entre nous ne se sont jamais rencontrés. Gageons que cela ne saurait durer :-)

4) Que représentait le site pour toi à l'époque et que représente-t-il aujourd'hui ?

Au départ, une sorte de gigantesque bibliothèque dans laquelle j’adorais me perdre, sans direction particulière, juste en cliquant sur une lettre puis un titre au hasard. Puis, je l’ai progressivement vu comme un gigantesque projet, la construction d’une énorme encyclopédie de savoir affectueux. Et c’est dans cet esprit que j’ai rédigé la quasi-totalité de mes articles. J’avais vraiment l’impression que le site et nous ses contributeurs construisions quelque chose qui n’existait pas, une mine de connaissances qui allait parler de tous les jeux. Puis, une remarque de Laurent m’a fait réaliser que GP c’était autre chose. Il comparait GrosPixels et la partie jeux vidéo de wikipedia, le second développant progressivement une véritable encyclopédie factuelle là où le premier avait finalement abandonné cette ambition pour une approche plus personnelle et analytique. Voilà, c’est ça GrosPixels.

J’ai eu un rapport passionnel avec GrosPixels, je débordais d’idées et tout me semblait important à faire. Aujourd’hui, quelques années plus tard, je suis plus posé, plus ancré, plus quotidien, plus profond en fait. Et aussi marqué par un attachement véritable au site et à sa team.

5) Quels ont été tes gros coups de cœur dans ta vie de joueur, tes trois jeux préférés et pourquoi ceux-là ?

C’est vrai qu’elle est difficile cette question ! Je vais faire comme Tonton Ben et insidieusement tricher en parlant de séries.

Caméo humoristique de Sid Meier dans Civilization I.

La série Civilization tout d’abord. Je me souviens encore du choc du premier épisode, de pouvoir mener la destinée d’une civilisation dans autant de domaines et avec une telle facilité. Encore aujourd’hui, je suis admiratif devant l’intelligence du gamedesign qui permet en un coup d’œil et quelques clics de tout maîtriser, de comprendre l’impact de nos décisions et d’anticiper leurs conséquences, de devoir faire face aux déséquilibres inévitables entre l’économie/la culture/l’alimentation/la guerre/... Je n’ai jamais retrouvé une telle ampleur de jeu accessible avec une telle facilité. De tous les épisodes, Civilization II est certainement celui qui m’a le plus marqué, c’est d’ailleurs l’un des seuls jeux que je réinstalle régulièrement.

Pour le second coup de cœur, j’hésite. D’un côté, il y le premier épisode de Half-Life, auquel j’ai rejoué récemment et qui n’a pas pris une ride, tant son game design touche à la perfection. Je suis vraiment impressionné par cette capacité à transformer un genre, à utiliser ses codes, pour le métamorphoser : du jeu de tir, le FPS devient machine à raconter. Et de l’autre, les deux premiers épisodes de Call of Duty m’ont procuré un extraordinaire plaisir de jeu. Malgré l’infâme bouillie propagandiste qu’elle est devenue, la série des Call of Duty, et en particulier le second épisode, atteint des sommets d’écriture et de mise en scène interactive. En confrontant le joueur à ce mur de sensations et en le plongeant dans une série de situations variées, Infinity Ward a vraiment utilisé les moyens du jeu vidéo pour nous plonger au cœur de l’action. En cela, il y a une filiation évidente entre les Call of Duty et Half-Life, les premiers reprenant l’importance de la mise en scène et des scripts du second. Mais le titre de Valve développe un univers original et s’oriente au final bien plus dans la direction de l’aventure que du jeu de tir. Bref, Half-Life est le meilleur et le plus éblouissant tandis que Call of Duty II est le plus fun (faut encore que je joue à Half-Life II pour vraiment comparer !).

Dernier choix et de nouveau une hésitation. Comment trancher entre mes deux séries de stratégie plus pointues préférées ? Pour toutes les raisons évoquées dans les articles qui leur sont dédiés, Close Combat et Total War sont deux extraordinaires jeux de stratégie, des petites perles dont on ne se lasse pas tant leur gameplay est profond et permet des approches différentes. Sans compter les innombrables mods qui leur ouvrent les portes de dizaines de scénarios et de campagnes. Bon, s’il faut vraiment trancher, je prends Medieval Total War, parce que la stratégie à la Civilization est au final plus détendante que la tactique à la UFO.

Juste un petit mot sur North & South, cette pure merveille, le software qui m'a initié aux jeux de stratégie avec la grâce et la légèreté d'un gameplay évident mais ultra-prenant, surtout à plusieurs. J'y ai joué des centaines de fois, vraiment, et encore aujourd'hui chaque partie est un plaisir.

Comme chacun, je pourrais encore citer beaucoup d’autres titres auxquels j’ai joué des dizaines et plus de runs complets, comme Centurion: Defender of Rome, Time Crisis, GTA III, Wonderboy III: Dragon’s Trap, Streets of Rage 2, Unreal Tournament... Mais ce n’est pas le sujet. Maintenant, j’attends encore de nombreux coups de cœur de pied ferme !

6) As-tu conservé un attachement particulier au retro gaming ? Joues-tu encore à d'anciens jeux ?

Oui, bien sûr, même si cet intérêt passe surtout par la lecture, la curiosité intellectuelle, la recherche d’informations. Moins par la pratique, rendue régulièrement difficile par les difficultés de maniabilité et d’interface de jeux plus anciens. Problème particulièrement marqué pour les jeux de stratégie. Et je ne parle même pas de ma malédiction touchant la majorité de mes utilisations d’émulateur. Puis, je manque de curiosité, problème que je regrette et que je retrouve dans beaucoup d’autres domaines de ma vie d’ailleurs.

Là où la plupart des membres du soviet ainsi que de la communauté en général regrettent parfois dans les conversations un manque de connaissance des jeux micro-ordinateurs, je serais plutôt dans la situation inverse. Je me rends compte en lisant les articles sur GP et Pix’n Love d’une grande ignorance à propos des jeux Nintendo, dont je n’ai jamais possédé une console. Mais je sais que je rattraperai un jour tout cela en achetant une console de la marque de Kyoto pour y télécharger en toute légalité les roms des différents épisodes de Super Mario Bros, Zelda, Metroid...

7) Même question pour les jeux actuels.

Oui, je joue encore pas mal. GrosPixels m’aide d’ailleurs, à la fois à découvrir des titres mais aussi des pratiques, notamment celle du multi très convivial et simple sur le Xbox Live.

Ma pratique des jeux récents a été sur PC de 1996 à 2005, dans tous les genres avec une prédilection pour la stratégie et le FPS. Mais des ennuis répétés, des plantages, des incompatibilités, des difficultés voire des impossibilités à faire tourner nombre de jeux en raison de problèmes techniques insurmontables pour moi, m’ont fait céder à nouveau aux sirènes de la console avec l’achat d’une XBOX 1 juste avant l’arrivée de la 360. J’ai ensuite acheté une 360 car les autres membres du soviet me jetaient des cailloux. Mais récemment, je me suis rendu compte d’une certaine lassitude de l’action sur console et d’un manque par rapport à la stratégie. Je joue dorénavant plus sur PC, exclusivement en téléchargement payant. Parce que pour les jeux de stratégie, qui sont dorénavant un genre de niche, il n’y a plus d’autre moyen de diffusion, même pour les plus gros titres. Et aussi, pour tous les autres jeux, grâce à Steam. Une merveille cette plateforme de par sa simplicité, sa convivialité et les prix bien sûr.

Left 4 Dead, une merveille de gamedesign pensé pour le jeu à plusieurs.

Même si l’on peut se demander quel sera l’impact à long terme de cette dévalorisation perpétuelle du prix des jeux vidéo sur la valeur qu’accordent les joueurs aux titres. Même question avec Apple qui a généralisé la diffusion de jeux à moins d’un euro. Personnellement je suis confiant, j’ai l’impression que cela pousse enfin à une baisse des prix que tous les joueurs réclament depuis tant d’années, que cela a au contraire augmenté le nombre de joueurs et donc l’argent disponible pour le développement et que cette manne (diffusion dématérialisée et centralisée pour plus de visibilité) pour les développeurs indépendants a beaucoup profité à la créativité ainsi qu’à la variété des genres. Nous avons vu ces dernières années des titres dotés d’une grande maturité, d’une vraie audace et d’une beauté qui, enfin, ne se réduise pas aux qualités techniques du titre.

8) Passes-tu encore sur le site ? T'es-tu engagé auprès d'un autre site ? Voire possèdes-tu un blog sur le sujet (ou un autre) ?

Bien sûr, j’ai la chance d’encore faire partie de la team et je passe quotidiennement sur le site comme sur le forum. À part un article pour cyberstratège.com, site qui vient de fermer malheureusement, je n’ai jamais participé à un autre site mais bien à plusieurs publications papier au gré de propositions tombées du ciel : les magazines Cyberstratège, Yellow Submarine, Pix’n Love... Mes contributions aux publications PNL découlent du hasard, d’une proposition de Tony Fortin pour le premier Cahiers du Jeu Vidéo sur la guerre. Il avait apprécié mon article sur Close Combat et ses quelques réflexions sur le wargame, la représentation de la guerre dans les jeux vidéo. Depuis, j’écris pour leurs ouvrages, avec comme pour GP un gros coup de frein depuis un an. Mon rapport aux deux lieux d’écriture étant assez différent, plus neutre et orienté vers l’investigation pour PNL, plus sentimental et engagé pour GP.

9) Dix ans après sa création, comment vois-tu GrosPixels, ce qu'il est devenu et son futur ?

D’un côté je suis impressionné par sa longévité, sa primeur et la masse d’informations, d’amour du média et de réflexion qu’il représente. De l’autre, je regrette parfois le manque de curiosité des lecteurs par rapport aux jeux peu connus, ceux qui sortent de la période 84-94, ceux qui ont été peu médiatisés, sur lesquels nous sommes seuls à revenir, qui sortent des trois-quatre genres préférés (je pense à la stratégie qui fait toujours un bide)... Je trouve un peu dommage aussi l’importance du forum au détriment du site, le manque de lien entre les deux pour beaucoup de forumeurs, et la peur que suscite un peu ce forum pour les nouveaux arrivants. Mais l’extraordinaire réussite des groblogs montre que de nombreuses idées et possibilités existent.

Je suis particulièrement content de voir à quel point GrosPixels s’est ouvert à tous les jeux, même les plus récents, pour devenir véritablement un site sur LE jeu vidéo, sans distinction d’époque. « Avec beaucoup de chance, je trouverai peut-être un jour une borne originale de Robotron 2084. Et le jour où je manierai enfin avec frénésie ses deux joysticks, je ne jouerai pas à un vieux jeu. Je jouerai, point. C’est comme ça qu’il faut voir les choses. » (Steven Poole, 2003) Voilà la plus belle définition du retro gaming : un bon jeu est intemporel.