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Antecrypt
Année : 2021
Système : Windows
Développeur : PUNKCAKE Délicieux
Éditeur : PUNKCAKE Délicieux
Genre : Réflexion / Action / Arcade
Par Simbabbad (10 février 2023)

Antecrypt est un jeu exemplaire, qui représente bien sa petite compagnie PUNKCAKE Délicieux et le mouvement néo-rétro en général. Composée de Benjamin Soulé (co-fondateur de Motion Twin) et Rémy Devaux (sorti prématurément d'école de jeu vidéo), deux Français habitant en Aquitaine près de Bordeaux, avec à l'occasion la participation du compositeur espagnol Pentadrangle, la compagnie a en fait commencé avec Antecrypt qui est son tout premier jeu, sorti le 10 juin 2021 sur le magasin itch.io puis porté sur Steam deux ans plus tard.

Avant cela, le duo avait beaucoup programmé chacun de son côté sur PICO-8, une console virtuelle en basse résolution n'existant qu'en émulation et très prisée par les développeurs indépendants. Comme un certain nombre d'autres jeux PUNKCAKE Délicieux, Antecrypt est d'ailleurs une relecture d'un jeu PICO-8 d'un de leurs auteurs, Mr. Beam de Benjamin Soulé publié en mai 2015 et conçu lors d'une "game jam" (concours de programmation rapide) – créer un jeu complet à partir d'un prototype de "game jam" est plutôt habituel pour la compagnie.

PUNKCAKE Délicieux repose sur trois piliers : le moteur de jeu SUGAR développé par Rémy Devaux depuis 2018 ; un modèle économique original proposant un abonnement où chaque nouveau jeu coûte 3€ (deux fois moins que leur prix individuel) ; et une philosophie de game design qui matérialise exactement l'esprit de la vague rétro de 2010 tel que je l'avais compris et défini dans l'article sur le sujet publié ici en août 2021...

J'argumentais alors que l'évolution du jeu vidéo, jusqu'à cette période charnière, suivait en gros un processus d'addition continue : l'addition de mécaniques, de conventions, d'acquis techniques, etc. – les nouveaux jeux conservant en général les acquis des jeux précédents et offrant pour faire évoluer leur expérience toujours plus d'éléments, d'environnements, d'effets, etc.

Ce modèle, qui semblait alors synonyme de progrès et était peu remis en cause, avait l'inconvénient d'encroûter le jeu vidéo : les derniers ajouts proposés par un nouveau jeu ne formaient que la couche superficielle recouvrant un genre déjà connu et établi, et l'expérience changeait donc très peu. Autre inconvénient : cette superposition devenait parfois compliquée à gérer pour le joueur (contrôles complexes, lisibilité des jeux en 3D pouvant devenir problématique, environnements immenses difficiles à se représenter mentalement, etc.), et pour compenser, les jeux devenaient toujours plus guidés, s'éloignant du même coup des fondamentaux de défi d'adresse qui avaient rendu le jeu vidéo populaire.

L'avènement de la vente de jeux par téléchargement a changé tout cela en donnant un débouché économique à la vague rétro qui existait déjà sous une forme ponctuelle, gratuite ou indépendante : on a soudain vu un afflux de jeux plus concis, plus épurés, plus intuitifs, reposant davantage sur leurs mécaniques de base et se rapprochant des expériences des années 1980 ou 1990.

Certains de ces jeux ressemblaient en fait tellement aux jeux de ces années-là (comme Megaman 9 ou Cursed Castilla) qu'ils auraient très bien pu sortir tels quels incognito à leur époque de référence, alors que d'autres productions utilisaient plutôt ce retour aux sources pour bousculer lesdites sources et innover – comme ces changements étaient réalisés à "bas niveau" sur des formules très dépouillées voire primitives, ils avaient bien entendu plus d'impact sur le gameplay, créant des mécaniques et des sensations surprenantes et rafraîchissantes (cf. la série des Bit. Trip).

J'ai pris soin de résumer tout cet argumentaire car il se trouve que PUNKCAKE Délicieux correspond précisément à celui-ci, ayant l'air de proposer des expériences simples et familières, mais bouleversant les concepts de façon parfois très inattendue et surtout très déroutante voire transgressive, résultant en des jeux extrêmement amusants et originaux, mais aussi voire surtout en des jeux intéressants, ce qui n'est pas si courant. En particulier, la compagnie aime beaucoup les croisements de genres, avec parfois des mélanges invraisemblables et expérimentaux dont on se dit qu'ils ne devraient pas marcher, et pourtant...

Antecrypt ne résulte pas d'un croisement de genres, il est encore plus bizarre. En apparence, comme beaucoup de jeux de notre duo de développeurs, il a en fait l'air déjà connu et très banal : un simple twin stick shooter intermédiaire entre Robotron : 2084, l'ancêtre du genre, et son successeur Smash TV (tous deux de Williams, 1982 et 1990) – le jeu reprend en effet la formule d'un personnage dans une arène fixe qui peut se déplacer dans huit directions, et qui peut ici tirer un rayon autour de lui à 360° grâce à un viseur afin de triompher de vagues ennemies.

Comme dans Robotron : 2084, le cadre est très abstrait puisque notre héros est un programme informatique devant exterminer l'intégralité des malwares qui infestent et encryptent le dernier disque dur existant sur Terre, ultime vestige de l'humanité (pour qui travaille donc ce programme informatique, mystère) ; mais l'action du jeu évoque plutôt Smash TV, avec des vagues ennemies successives et très nombreuses qui sortent de portes sur les côtés de l'arène, et une grande importance accordée au contrôle de masses qui attaquent en groupes. L'emplacement des portes et la composition des vagues ennemies sont le seul level design que l'on trouvera dans le jeu : les arènes sont toutes carrées et vides, sans aucun obstacle autre que les malwares eux-mêmes.

En regardant des vidéos de gameplay de Antecrypt, on peut ainsi avoir une impression de banalité : notre héros peut lancer des bombes sur les ennemis à l'emplacement du viseur, et il ne s'agit pas ici d'un jeu à scores, le jeu suit une structure "hardcore" à la Super Meat Boy avec 40 "fichiers" à restaurer l'un après l'autre que l'on débloquera puis choisira depuis un menu en disposant d'une seule vie par tentative (on meurt en un coup), mais rien d'autre ne semble vraiment le distinguer de ses modèles... à part le curieux comportement des joueurs, qui bougent et surtout visent de façon très inhabituelle, mais il y a une excellente raison à ça : dans Antecrypt, on ne dirige pas le viseur, il bouge tout seul comme une balle de casse-brique qui ricoche sur les murs.

Évidemment, ça change tout.

Reprendre une formule de twin stick shooter mais lui enlever le contrôle de la visée est incroyablement transgressif ; on pourrait se dire instinctivement que c'est presque du sabotage, une folie, qui prend radicalement à rebours l'histoire du jeu vidéo...

Globalement, le jeu vidéo a au fil des décennies accordé toujours plus de contrôle, de confort et d'options au joueur, et compensé cela avec des obstacles toujours plus nombreux et des décors et des mécaniques toujours plus riches. Un bon exemple de ça est l'évolution du shoot 'em up vertical : dans Space Invaders, l'ancêtre du genre, notre vaisseau ne pouvait aller qu'à gauche ou à droite et tirer une unique balle – on devait se contenter d'esquiver sans pouvoir tirer tant que notre balle restait à l'écran ; puis dans Centipede, on a pu bouger sur toute une bande horizontale en bas de l'écran et notre balle est devenue bien plus rapide ; on a ensuite pu se déplacer librement sur tout l'écran et tirer par salves ; puis on a pu tirer autant de balles que nos doigts pouvaient le supporter avec de nombreux powerups à disposition ; et enfin, on a bénéficié d'une gigantesque puissance de feu en pouvant tirer sans discontinuer et sans effort toute une large colonne de projectiles, mais en face, l'opposition avait évolué jusqu'en une armada capable de recouvrir tout l'écran d'un déluge de balles hypnotique.

On pourrait citer d'autres exemples dans d'autres genres, comme Samus Aran de la série des Metroid, qui a appris à se baisser dans Return of Samus puis à tirer en diagonale dans Super Metroid, et qui a enfin pu tirer à 360° dans Samus Returns : là encore, plus de contrôle, de confort et d'options accordés au joueur avec le temps, avec un défi plus chargé et plus complexe pour compenser et une action par conséquent plus spectaculaire, tout ça allant de pair avec les évolutions techniques – il y a bel et bien dans cette histoire des allures de progrès !

Robotron : 2084 proposait lui-même en 1982 le même type d'équilibre : "vous pouvez désormais aller dans tous les sens et tirer dans tous les sens, mais en échange vous serez attaqué de tous les côtés".

Voir l'évolution du jeu vidéo entre 1980 et 2010 comme un simple progrès croissant serait cependant très contestable – comme si à chaque étape tout ce qui précédait n'était plus que "la même chose en moins bien" : dans l'exemple du shoot 'em up vertical, le fait de ne pouvoir tirer qu'une seule balle assez lente est certes un handicap et un inconfort, mais cela produit aussi des mécaniques ludiques – il faut alors bien prendre soin d'anticiper le mouvement de l'ennemi et celui de notre balle pour qu'elle fasse mouche : dit autrement, il faut viser, ce qui n'est pas une mécanique négligeable dans un jeu de tir ! Par la suite, plus on peut tirer de balles et plus on peut se déplacer librement, moins on a besoin de viser : on n'a alors plus besoin d'anticiper quoi que ce soit, il suffit de se placer grossièrement sous un ennemi pour qu'il soit automatiquement arrosé de balles, le gameplay évoluant ainsi étape par étape jusqu'au terminus du manic shooter qui repose avant tout sur l'esquive.

Plutôt qu'un progrès, il s'agit donc d'un glissement de gameplay qui n'a pas plus de légitimité ou de pertinence que ce qui précède. C'est la même chose pour Metroid : plus Samus Aran est mobile et puissante, moins la survie et l'adresse importent – à l'origine, sur Zèbes, le Skree est par exemple dangereux dans Metroid car il attaque lorsqu'on passe sous lui, chose que l'on est obligé de faire pour lui tirer dessus à la verticale, mais il devient inoffensif dans Super Metroid puisqu'on peut alors l'atteindre sans danger grâce au tir en diagonale ! Là encore, accorder plus de confort et d'options au joueur détruit des mécaniques ludiques et laisse la place à d'autres sans que l'on puisse parler de "progrès" – en l'occurrence, la série s'éloigne de la survie pour se rapprocher du jeu d'aventure, mais ce n'est pas meilleur, juste différent...

Il est important de prendre le temps d'établir ce constat puisque c'est lui qui justifie la vague rétro et Antecrypt : si les mécaniques des anciens jeux n'ont pas été abandonnées parce qu'obsolètes mais par glissement de genre, il est alors pertinent d'y revenir !

Ainsi, pour garder l'exemple du shoot 'em up vertical, Space Invaders Extreme sorti en 2008 est revenu au Space Invaders de 1978 mais a renouvelé l'expérience en croisant ses mécaniques avec celles d'un jeu de puzzles "match four", créant une merveille de gameplay et d'amusement. Antecrypt fait encore plus fort : il revient en 1982 jusqu'à Robotron : 2084, mais au lieu de croiser ou ajouter à partir de là, il innove en cassant la formule, en la privant d'une de ses bases, le contrôle de la visée, et ça marche (!) : ne pas diriger le viseur est certes un handicap et un inconfort, mais cela produit des mécaniques ludiques inédites, qui sont ensuite équilibrées et affinées par PUNKCAKE Délicieux grâce à divers ajustements et beaucoup de créativité...

Le viseur de Antecrypt bouge donc tout seul, dérivant lentement dans un sens tiré aléatoirement au début de chaque niveau puis ricochant sur les murs, alors que des hordes ennemies affluent dans l'aire de jeu. Comment rester en vie ? Il y a deux méthodes spontanées : soit suivre le viseur et le coller pour toujours conserver la possibilité de basculer rapidement la direction du tir en se repositionnant – mais on est alors imprécis car très proche du viseur et l'on doit sans cesse réajuster sa position pour garder un tir stable, avec bien sûr le risque que le viseur se dirige droit vers un groupe hostile ; soit rester au contraire éloigné du viseur, ce qui nous laisse plus libre de nos mouvements (on peut ainsi zigzaguer entre les ennemis) et permet d'avoir un tir beaucoup plus stable et plus précis – mais on ne peut alors pas changer son orientation rapidement...

Cette alternative, prise isolément, avantage plutôt la stratégie de se tenir loin du viseur – être libre de ses mouvements est en effet un meilleur atout, mais pour rééquilibrer les deux options et rendre les choses plus intéressantes, le jeu utilise deux mécaniques : d'abord, on peut comme on l'a dit lancer des bombes à l'emplacement du viseur – si on reste proche de ce dernier, ce mouvement offensif jouera donc aussi le rôle de "panic button" puisque la bombe explosera près de notre emplacement et nous protégera des ennemis environnants ; et ensuite, tirer n'est pas infini, ça use une batterie, que l'on devra recharger (cf. ci-dessus) en se plaçant sans tirer dans un certain périmètre autour du viseur. Rester près de ce dernier présente ainsi de nouveaux avantages, et en être éloigné des inconvénients – le dilemme devient donc plus dur à trancher, chaque option pouvant primer au gré des circonstances...

L'autonomie du viseur, par rapport à un twin stick shooter, nous impose donc d'être plus attentif, plus réactif, de mieux anticiper les situations, et d'adopter les bonnes stratégies au bon moment en tirant à bon escient et en se positionnant avec beaucoup de soin. Dans un twin stick shooter, il faut garder un œil sur notre personnage (pour qu'il ne heurte rien et ne meurt pas) et sur les ennemis (pour cibler l'ennemi le plus pertinent à un instant donné et le détruire), mais ici, il faut en plus surveiller la trajectoire du viseur pour anticiper par où il va passer et s'il est sage de le coller ou non : parfois, le viseur ira vers un mur ou dans un angle où sont groupés des ennemis dangereux, et il est plus approprié de rester sur place et laisser tout simplement le viseur rebondir vers nous, ou bien d'aller là où il sera plutôt que là où il est. De même, dans Robotron : 2084, on peut tirer constamment tout en se déplaçant, cela devient même très vite une seconde nature qui se réappliquera telle quelle dans d'innombrables autres jeux, alors qu'ici, tirer là où l'on aimerait est bien plus compliqué, on doit constamment faire des compromis et improviser : il faut se positionner correctement, corriger le mouvement du viseur pour stabiliser le tir, gérer la batterie en faisant des pauses régulières lors du tir, et lorsqu'on doit s'éloigner du viseur, ne tirer que lorsque c'est vraiment utile pour ne pas se retrouver à sec – quoi qu'on fasse, on devra composer avec de longs moments passés sans tirer, en esquive pure, jusqu'à pouvoir enfin se rapprocher du viseur puis tirer là où l'on peut...

Toutes ces mécaniques, très riches et que je n'ai jamais vues auparavant dans un jeu du genre, découlent de l'initiative folle d'avoir cassé un acquis, un seul acquis qui est une norme quasi universelle, ce qui par effet domino crée une multitude de défis induits...

Antecrypt aurait pu arrêter là son innovation, se contenter de reposer uniquement sur son gimmick en présentant notamment un bestiaire simplement copié sur celui de Robotron : 2084, mais au lieu de ça, il approfondit ses bases ludiques tout en conservant l'accessibilité rétro de son gameplay...

Le jeu propose dix types d'ennemis distincts et deux boss (un mini-boss et le boss de fin), dont j'ai ici francisé certains noms quand cela me semblait pertinent. Les icônes entre parenthèses représentent les ennemis tels qu'affichés par le menu lorsqu'on choisit sa mission, la composition précise (et dans l'ordre) des vagues ennemies que l'on aura à affronter est alors clairement détaillée :

  • 4LMAR ("6QID") : c'est l'ennemi de base, qui se dirige lentement vers nous et que l'on pourrait un peu trop vite associer aux "Grunts" de Robotron : 2084, alors que son comportement est plus fin que ça – les 4LMAR bougent en effet en file indienne, la "tête" nous vise et les autres se suivent, prenant soin de reformer une file bien serrée même après que l'on en ait détruit quelques-uns. Comme on ne peut pas viser où l'on veut, ils peuvent ainsi former des "murs" assez difficiles à contourner malgré leur fragilité (les 4LMAR sont très faciles à détruire), on devra donc bien anticiper leurs trajectoires.
  • Mindsucker : là encore, on dirait un ennemi très simple, qui va lui aussi droit vers nous en étant tout bonnement bien plus rapide et endurant que les 4LMAR, mais il comporte lui aussi une subtilité qui le rend plus retors – il va d'autant plus vite que notre batterie est chargée. Comme ces ennemis peuvent se mouvoir vraiment très vite, qu'ils arrivent en groupe et sont assez longs à détruire, il vaut donc mieux tirer dès qu'on les aperçoit pour vider tout de suite une bonne partie de notre batterie, même si on le fait dans le vide, ça nous laissera le temps de nous repositionner pour mieux les affronter.
  • Cyclope ("Cyclop") : ces ennemis ne quittent pas les murs de l'aire de jeu, sur lesquels ils patrouillent à l'aide de leurs deux pattes ventousées en tournant toujours dans le même sens et en tirant une grosse balle sur nous toutes les quinze secondes (ou dès que l'on s'approche trop près). Ils sont endurants, durs à viser, et nous forcent à beaucoup esquiver, d'autant plus que leurs balles sont assez lentes et peuvent donc s'accumuler.
  • Canonhead : cet ennemi tire le même type de balles que les cyclopes, mais il se promène dans l'aire de jeu sans être rattaché aux murs, et il tire toujours horizontalement ou verticalement alors que les cyclopes peuvent le faire à 360° ; ça équilibre sa dangerosité. Un Canonhead peut prendre deux formes : roulé en boule où il est 25% plus résistant mais ne peut pas tirer, et avec sa trompe apparente prête à faire feu. Il ne cherche pas à s'approcher de nous – en fait, lorsqu'on s'en approche, il se roule en boule, rester près de lui peut donc être un bon moyen de limiter le nombre de projectiles à l'écran si l'on n'est momentanément pas en position de le neutraliser.
  • Spiderbot : le Spiderbot a l'air d'un ennemi de base comparable au 4LMAR puisqu'il est très peu endurant et attaque lui aussi en groupe, mais il a son originalité – comme certains charognards, il n'attaque que lorsqu'il fait partie d'une grande meute. Ainsi, quand ces espèces d'araignées arrivent dans l'aire de jeu, elles s'approchent de nous puis... s'arrêtent, et restent là à attendre des renforts – on peut même les intimider et les faire reculer en avançant vers elles ! Lorsqu'elles sont assez nombreuses, cependant, on est en danger immédiat, et leur manie de nous encercler gêne terriblement nos mouvements, il faut donc bien veiller à contrôler leurs effectifs.
  • Lierre ("Polymorphic Vine") : encore un ennemi peu endurant qui attaque en meute, le lierre se distingue par sa nature végétale – seule sa fleur est mortelle, mais c'est surtout sa tige qui est remarquable, permettant au lierre de se déplacer en s'allongeant puis en se "plantant" au sol pour servir de point d'accroche. Les endroits où le lierre se "plante" sur l'aire de jeu ont tendance à être toujours les mêmes, les groupes de lierre ondulent donc autour de zones précises, avec des moments de pause suivis d'accélérations brusques à la manière de champs d'algues flottantes ballottés au rythme des vagues. Attention : si la tige du lierre nous attrape, elle essaiera de nous attirer vers sa fleur !
  • Corrupteur ("Corruptor") : le corrupteur est littéralement un "bug" vivant, qui corrompt des secteurs de l'aire de jeu en passant dessus ; ceux-ci auront alors l'air de buguer pendant quelques temps avant de redevenir normaux. Lorsqu'on passe sur un secteur corrompu, on est bien plus lent, et les "bugs" corrupteurs cesseront alors de traiter la corruption comme une priorité et avanceront plutôt droit vers nous – il est donc vital de préserver autant que possible une zone non corrompue assez large jusqu'à s'être débarrassé de la vermine, même si marcher exprès sur une zone corrompue pour regrouper les corrupteurs en une masse compacte a son intérêt.
  • Fantôme ("Ghost") : cet ennemi évoque évidemment les fantômes du bon vieux Pac-Man des salles d'arcade, mais il se comporte en réalité plutôt comme les fantômes de Pac-Man Championship Edition 2 – par défaut, il n'est pas très hostile, se déplaçant mollement vers nous, mais si on lui fait du mal (avec une arme ou nos bombes), il sursautera puis nous prendra en chasse. Lorsqu'il est calme, il est invincible, alors qu'il est facilement destructible lorsqu'il est énervé, mais son sursaut puis sa vitesse le rendent très dangereux (le sursaut le rend difficile à viser), il faut donc bien anticiper ses actions avant de le provoquer.
  • Bouclier ("Shield Generator") : peut-être l'ennemi le plus haïssable du jeu, le bouclier intercepte nos tirs avec un champ de force circulaire généré autour de lui. Heureusement, ce champ de force dépend d'une batterie non rechargeable qui s'épuise peu à peu, le champ rétrécit donc toujours plus, et quand il s'éteint enfin, le bouclier part en vrille (littéralement) en se cognant contre les murs tout en tirant des projectiles. Le bouclier cesse de bouger lorsqu'il intercepte nos tirs, et il est incapable d'intercepter nos bombes.
  • Scarabée ("Beetle") : le scarabée a deux formes : élytres refermés où il est lent et résistant mais ne nous chasse pas particulièrement (même si on lui tire dessus), et en vol, forme qu'il adopte si l'on s'éloigne trop de lui, où il est 25% plus vulnérable, où il nous vise spécifiquement, et où il se déplace évidemment bien plus vite. Là encore, comme pour le Spiderbot ou le Canonhead, il est possible de coexister momentanément avec cet ennemi sans l'affronter.
  • 4KEN ("Giant 6QID") : ce mini-boss est un gigantesque 4LMAR qui tire des balles et pond des œufs d'où sortiront des 4LMAR. Il essaie de se positionner le plus loin possible de nous sur l'aire de jeu, sauf lorsqu'il nous charge brutalement juste après une ponte.
  • Reine ("Queen") : le boss final de Antecrypt, une espèce d'énorme cyclope à trois pattes qui n'a pas forcément besoin de s'accrocher aux murs. Je ne vous gâcherai pas la surprise de son comportement, me contentant de rappeler que les bombes sont très efficaces contre les boucliers.

Comme on peut le constater, les malwares de Antecrypt vont plus loin que les habituels clichés du genre ; ils présentent tous des subtilités dont il faut tenir compte pour les combattre efficacement : si leur comportement reste simple et intuitif, lorsqu'ils sont en meute et conjugués avec le mouvement indépendant du viseur et la gestion de la batterie, ils deviennent parfois très compliqués à vaincre, surtout quand différents types se succèdent ou se combinent, créant d'authentiques casse-têtes remarquablement variés dans chacun des 40 niveaux du jeu.

Mais le casse-tête présenté par chaque niveau est d'autant plus riche à résoudre que notre mode d'attaque et les ennemis ne sont pas les seuls facteurs à prendre en compte – Antecrypt ajoute en effet à sa base ludique très "arcade" des couches de gameplay plus tactiques : nettoyer un nouveau fichier de tous ses malwares débloque à chaque fois un nouvel outil pour nous aider, soit un gain de statistique à choisir parmi deux (à la Rogue-lite), soit une ou plusieurs "routines" qui changeront notre façon de combattre !

Les statistiques sont au nombre de six. Au mode de difficulté "NORMAL", chacune d'elles se trouve au premier cran de puissance dès le tout début de l'aventure (et pas à zéro) :

  • SCAN : même si l'on joue au mode de difficulté "HARD" ou "CRYPTIC", cette statistique démarre avec un cran activé (c'est alors la seule à ne pas être à zéro), et pour cause – il s'agit du nombre de niveaux non battus auxquels on peut accéder ; en clair, l'augmenter permet de sauter des niveaux. Ne choisissez jamais cette statistique au détriment d'une autre, ce serait du gâchis, toutes les autres sont plus intéressantes : lorsqu'on bloque sur un niveau, il vaut bien mieux utiliser des routines pour progresser, qui dépendent de la...
  • VRAM : cette statistique indique le nombre de routines modificatrices que l'on peut activer à la fois dans un niveau. Au mode de difficulté "NORMAL", on peut toujours activer au moins une routine, mais ce n'est pas le cas dans les modes plus durs, où elles deviennent assez vite indispensables, alors que presque tout le mode "NORMAL" est faisable sans.
  • BATT : lorsque cette statistique est à zéro, on dispose de quatre piles dans notre batterie, et un cran ajoute une pile ; cela nous accorde donc plus d'autonomie en pouvant tirer plus longtemps – vital, mais à mon avis moins que la ZONE.
  • BOMB : il ne faut pas sous-estimer l'importance des bombes, qui bien utilisées peuvent détruire tout un amas compact d'ennemis en un seul coup et faire pencher la balance jusqu'à nous accorder la victoire. S'il est important de disposer d'au moins une bombe, augmenter leur nombre (un cran par bombe) est à mon avis moins important que la...
  • ZONE : chaque cran supplémentaire dans cette statistique augmente la surface de recharge de notre batterie de 25%, c'est-à-dire que le périmètre du cercle de recharge autour du viseur augmente. Comme la surface de départ est très petite, c'est évidemment une capacité très importante, qui nous évite de devoir suivre le viseur à la trace.
  • POWR : la puissance de notre tir, dans mon expérience à privilégier absolument sur tout le reste, chaque nouveau cran augmente les dégâts infligés de 10%.

Attention : les choix de gain de statistique sont définitifs, une fois effectués ils sont impossibles à corriger, on doit donc assumer un mauvais choix jusqu'au bout ou réinitialiser sa partie, ce qui n'est heureusement pas trop long, Antecrypt étant un jeu très dense.

Quand la victoire sur un niveau ne nous accorde pas un gain de statistique, elle débloque des routines que l'on pourra par la suite choisir d'activer avant de démarrer une mission pour modifier le déroulement du jeu. Si idéalement on cherchera toujours à plutôt vaincre un niveau sans routine (on verra pourquoi), à partir d'un certain point elles paraîtront indispensables.

Les routines se classent en quatre catégories que l'on distingue par leur extension, comme un nom de fichier :

  • .GUN (arme) : ces routines modifient notre arme ; soit pour améliorer le rayon en le rendant par exemple deux fois plus puissant ou en le faisant tirer à la fois devant et derrière nous ; soit en adoptant un type de tir très différent, comme par exemple "SHTGUN.GUN" (cf. ci-dessus), qui nous fait tirer notre énergie à la façon d'un fusil à pompe avec un cône de dégâts extrêmement puissant à bout portant. On ne peut choisir qu'une seule routine ".GUN".
  • .TRG (viseur) : ces routines prêtent une propriété particulière au viseur, parfois radicale, par exemple en doublant notre rayon qui tirera alors en forme de 'V', ou en redirigeant automatiquement le rayon vers l'ennemi le plus proche, ou alors en faisant rebondir le viseur au sein d'un carré de taille réduite au centre de l'écran. Certaines routines ".TRG" ne sont compatibles qu'avec les routines ".GUN" gardant le rayon, et on ne peut choisir qu'une seule routine ".TRG".
  • .BMB (bombes) : ces routines, peu nombreuses, affectent les bombes, par exemple en nous téléportant à l'endroit de leur explosion ou, plus original, en métamorphosant en 4LMAR tous les ennemis (boss exceptés) pris dans l'explosion, ce qui est particulièrement utile contre les fantômes. Là encore, on ne peut choisir qu'une seule routine ".BMB".
  • .UPG (amélioration) : cette catégorie de routines est fourre-tout, avec des changements de règles très variés – accroître exceptionnellement le nombre de bombes ou de piles de batterie, doubler les dommages des bombes, régénérer une bombe toutes les six secondes, survivre à un choc, bénéficier d'un tir satellite qui vise automatiquement l'ennemi le plus proche, etc. Plusieurs routines ".UPG" peuvent être choisies.

Selon le nombre de crans activés en VRAM, on peut ainsi cumuler diverses routines pour élaborer des configurations redoutables : par exemple, on peut sélectionner à la fois "DSIDER.GUN" et "DFRACT.TRG" pour obtenir une sorte de rayon trident dévastateur qui évidemment changera complètement la donne (cf. ci-dessous), additionnant le tir arrière du rayon et le viseur dédoublant déjà évoqués plus haut comme exemples...

Ce potentiel destructeur est cependant modéré par une caractéristique fondamentale : toutes les routines qui ont servi à gagner un niveau sont immédiatement gelées ; on ne pourra les récupérer et les utiliser dans un autre niveau que si l'on gagne de nouveau la mission sans utiliser de routines, ou avec d'autres routines.

Cette dernière mécanique combinée avec les gains de statistiques crée une boucle de gameplay assez originale : on progresse le plus loin possible en exploitant les routines à notre disposition, puis lorsqu'on arrive à court de routines disponibles, on rejoue aux anciens niveaux où des routines sont gelées afin de les récupérer grâce aux gains de statistiques acquis entretemps, à la suite de quoi on pourra reprendre sa progression grâce à ces routines, etc. De façon imagée, c'est comme faire avancer une locomotive en enlevant les rails derrière elle pour les placer devant, avec une locomotive qui deviendrait toujours plus performante.

La complexité apportée par la gestion des statistiques et des routines est bienvenue pour plusieurs raisons : elle enrichit le jeu en complétant avantageusement les bases "arcade" de Antecrypt, elle apporte une certaine souplesse avec différentes façons de triompher d'un niveau qui nous bloque, et elle procure à l'occasion des sensations de surpuissance franchement jouissives – après s'être cassé les dents plusieurs fois sur un même niveau, y faire un carnage grâce aux bonnes routines apporte un soulagement libérateur, sur le mode : "Alors, on fait moins les malins !?". Comme la base ludique de Antecrypt, l'autonomie du viseur, est une perte de contrôle et de confort assez drastique pour le joueur, il fallait bien proposer quelque chose pour rééquilibrer et ainsi éviter toute frustration potentielle...

Enfin, pour compléter l'exposition de ce jeu remarquable mais terriblement sous-expliqué (l'essentiel de ce qui est détaillé ici n'est pas ou peu évoqué par le jeu), il faut parler des niveaux de difficulté : on commence en "NORMAL" qui nous accorde d'emblée un cran de puissance à chaque statistique, puis après avoir vaincu ce mode, on peut continuer en "HARD" où l'on commence avec un unique cran en "SCAN" et où les ennemis sont 50% plus résistants, après quoi on pourra se frotter à "CRYPTIC", qui est voisin de "HARD" mais avec cette fois des ennemis 100% plus résistants (c'est-à-dire avec une endurance double de celle en "NORMAL").

Comme évoqué précédemment, "NORMAL" est potentiellement gagnable aux trois quarts sans jamais utiliser de routines, mais la bizarrerie de la mécanique principale de Antecrypt demande un certain temps d'adaptation, et ce mode ne donne donc vraiment pas l'impression d'être facile ! Par la suite, il faut bien choisir ses statistiques, en particulier obtenir son premier cran en VRAM dès que l'on en a l'occasion (au douzième niveau, qui est franchement difficile). En "CRYPTIC", chaque fichier nettoyé est une grande victoire, et l'exploitation fine des comportements ennemis et des routines est indispensable.

Le jeu est par ailleurs bien réalisé et lisible (sauf les cyclopes verts sur fond vert, mais c'est voulu), avec des bruitages informatifs signalant l'efficacité du tir, l'explosion d'un ennemi, quand une pile est rechargée, etc. ce qui est très pratique dans un jeu où il faut simultanément surveiller notre personnage, les ennemis et le viseur se baladant tout seul. Par défaut, un flash et des déformations d'écran apparaissent pour chaque ennemi détruit, mais leur intensité peut se régler dans les options (désactivé dans les captures d'écran jusqu'à présent). En plus de ces effets, le jeu est affiché avec un filtre très réussi imitant les moniteurs professionnels de la seconde moitié des années 1990, avec un léger désalignement vertical.

La direction aléatoire prise par le viseur au début d'un niveau empêche le "par cœur" bête et méchant et nous force à improviser, mais le jeu est sinon très prédictible et très juste : on connaît à l'avance la composition des vagues dans un niveau, les ennemis sortent toujours de la même façon des mêmes portes dans le même ordre, et un tableau de bord exhaustif en bas de l'écran nous informe sur l'imminence de la prochaine vague ennemie, la santé du boss, l'état de notre batterie, notre nombre de bombes, ainsi que diverses données relatives aux routines spéciales.

J'ai envie de dire que Antecrypt est un de mes twin stick shooters préférés, mais ça n'est évidemment pas un twin stick shooter... Au lieu de cela, je dirai donc que c'est un de mes jeux à la Robotron : 2084 préférés, avec bien sûr Robotron : 2084 lui-même, Black Widow, satryn deluxe, Mutant Storm Reloaded ou Geometry Wars Galaxies.

La première chose que j'admire dans Antecrypt est bien sûr son énorme culot, ou plutôt son audace – casser ce qui fonctionne et ainsi créer quelque chose de nouveau avec son viseur autonome ; mais je l'aime encore davantage pour ne pas s'être arrêté à son gimmick et avoir élaboré un bestiaire subtilement original tirant pleinement parti de ses dynamiques ludiques (je n'ai pas vu ailleurs beaucoup d'ennemis dont il faut rester proche pour qu'ils soient moins hostiles, ou qui reculent lorsqu'on les intimide), et pour avoir rajouté par-dessus plusieurs couches de profondeur tactique (et d'expérimentations amusantes).

Au-delà de la réussite d'un jeu, il s'agit de la réussite d'une vision, et bien sûr de la réussite de PUNKCAKE Délicieux, à qui l'on doit un certain nombre d'autres coups de génie – mais c'est là une autre histoire...

Simbabbad
(10 février 2023)
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Cet article a été publié initialement sur le blog de Simbabbad, à cette adresse.