Mastodon
Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
Empire City 1931
Année : 1986
Système : Arcade ...
Développeur : Seibu Kaihatsu
Éditeur : Seibu Kaihatsu
Genre : Arcade / Action
Par Laurent (02 août 2001)

C’est un scandale, une honte. Dans le domaine du jeu d’arcade, quand quelqu’un cherche à sortir des sentiers battus, faire dans l’original, le jamais vu, l’anti-commercial, il ne suscite que l’indifférence. Ainsi, il s’est avéré très difficile pour moi de trouver sur le net toute information concernant ce joli jeu sorti en 1986, complètement oublié aujourd’hui, alors qu’on le trouvait un peu partout dans nos salles d’arcade. Mais Grospixels est là pour soutenir les oubliés du système !

Loin des ambiances SF, guerrières ou médiéval-fantastique qui fournissent le background d’une majorité de jeux vidéo, Empire City : 1931 nous renvoie aux polars des années 30. Mafia, flingues, mitraillettes Thomson à camembert, imperméables, truands, musique jazzy et ambiance urbaine sont les composantes de ce jeu dont seul le nom de son éditeur nous révèle les origines nippones.

Bien sûr, il s’agit d’un jeu d’arcade donc il sera essentiellement question d’action. Le joueur se retrouve en vue subjective dans la peau d’un tueur à gages, et dirige le viseur de son fusil à lunette sur d’amples décors en 2D figurant les rues de New York, pour éliminer les membres d’un gang opposé. Ceux-ci se postent aux fenêtres des immeubles, derrière des poubelles, dans des bouches d’égout, ou derrière des voitures. L’action n’est pas comparable à celle d’un jeu comme Virtua Cop, car il n’y a jamais plusieurs tireurs en même temps. On les élimine un à un, et la difficulté consiste à les débusquer, dans un décor qui fait au moins 25 fois les dimensions de l’écran. Une flèche indique dans quelle direction latérale le prochain tueur se trouve, mais ses apparitions sont capricieuses, elle ne donne pas la hauteur, et elle ne dit pas si on est arrivé à destination. La clé de la réussite est donc la mémorisation, d’autant qu’à partir du deuxième niveau il ne faut pas perdre une seconde.

Après un certain temps, un petit compte à rebours apparaît (dans un phylactère), et lorsqu’il arrive à zéro, c’est trop tard, le tueur adverse a tiré le premier.

Les méchants peuvent être n'importe où.

Certains prennent une femme en otage, qu’il vaut mieux éviter de tuer si l’on ne veut pas perdre un bonus à la fin du niveau, et les munitions sont limitées, même si c’est rarement un problème et qu’on peut les recharger en tirant sur de petites caisses. Toutefois, une seule balle suffit par ennemi, et les balles conservées donnent également un bonus. Lorsque le compte à rebours arrive à zéro, la mort n’est pas inévitable, du reste beaucoup de joueurs ayant pratiqué Empire City sont passés à côté et ont trouvé le jeu trop difficile. Il y a un deuxième bouton, appelé "defense bouton", qui, si on le presse précisément au moment ou le compte à rebours atteint zéro, permet d’esquiver la balle et donne une autre chance d'éliminer la crapule à chapeau mou qui nous veut du mal.

Défense.

Le jeu comporte huit niveaux, situés à des dates différentes au cours des années 1931 et 32, et on remonte ainsi jusqu’au chef mafieux ennemi, réfugié dans son bureau au dernier étage d’un immeuble. Le tout dernier niveau exige ainsi que ce boss soit tué du premier coup. Pas question de perdre une balle, sinon il faut recommencer le stage précédent.

Empire City : 1931 attire surtout par son ambiance inhabituelle. On a bien déjà vu des jeux d’aventures à l’ambiance comparable, mais certainement pas d’autres jeux d’arcade du même genre. Les graphismes sont superbes, d'un style BD bienvenu. Les ennemis meurent dans des postures dramatiques et longuement affichées, dans un but esthétique, mais cela eut surtout pour résultat de pousser les joueurs à les mitrailler inutilement, croyant qu’ils allaient se relever. Les phases importantes du jeu sont ponctuées par de magnifiques illustrations qui occupent tout l’écran, ce qui lui donne un côté cinématographique rarissime pour un jeu d’arcade de son époque. Quant aux bruitages et à la musique, ils sont bien dans l’ambiance, notamment les bruits des tirs et les cris des femmes prises en otages qui évoquent les vieux films de gangsters.

Trop tard, le malfrat a tiré. Le héros rend son dernier souffle.

Malgré son charme, le jeu n’a pas connu le succès escompté et sa suite, nommée Dead Angle (1988), n’a pas eu droit à une commercialisation hors du Japon.

Dead Angle.

Signalons une erreur de conception qui a peut-être nui au succès du jeu (et provoqué beaucoup de retours en garantie). Sur la machine d’arcade originale, en "attract mode" (mode de démonstration lorsque personne ne joue), le logo du jeu, en grand format, était visible la plupart du temps, au point qu’après quelques mois d’utilisation ce logo imprimait sa trace sur l’écran de façon irréversible, ce qui était très gênant pendant le jeu.

Admirez le logo en incrustation.

Empire City : 1931 est un jeu très sympathique, original, qui a la particularité rare (pour une machine d’arcade) de permettre un temps de jeu important à chaque pièce insérée même sans être expérimenté, et qui aurait pu faire parler un peu plus de lui. La société Seibu Kaihatsu s’est plus tard illustrée avec un énorme hit : Raiden, un shoot’em’up vertical que certains (pas moi) voient comme l’incarnation ultime du genre, et qui a été adapté sur 16-bits (PC compris), puis sur Playstation. Les suites de Raiden sont même devenues la principale - pour ne pas dire unique - activité de cet éditeur.

Laurent
(02 août 2001)