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Ristar
Année : 1995
Système : Game Gear, Megadrive
Développeur : Sonic Team
Éditeur : Sega
Genre : Action / Plate-forme
Par Jika (18 août 2014)

Fondée en 1990, la Sonic Team est l'un des studios internes de Sega les plus connus du grand public. Tout au long de son histoire, ce studio de prestige a fourni à l'éditeur certains de ses plus gros succès commerciaux. La Sonic Team est d'ailleurs à présent à la tête de trois des plus importantes licences de Sega Japon, à savoir les franchises Sonic The Hedgehog, Phantasy Star(depuis Phantasy Star Online en 2001) et Puyo Puyo (depuis Puyo Pop sur Game Boy Advance en 2002). Néanmoins, résumer tout le travail de la Sonic Team à ces licences iconiques serait une erreur, car si sa renommée s'est majoritairement faite grâce à ces titres majeurs, il existe d'autres productions de ce studio qui firent également les grandes heures de Sega. Impossible par exemple de ne pas citer Nights into Dreams (1996), ChuChu Rocket! (2000), Samba de Amigo (2000) ou encore Billy Hatcher and the Giant Egg (2003). Tous ces titres figurent très souvent parmi les jeux qui viennent immédiatement à l'esprit quand on pense à la Sonic Team, ou même à Sega en général... Cependant, ce studio a également pu travailler sur d'autres productions moins célèbres alors qu'elles auraient dû rencontrer elles-aussi un succès certain. Parmi elles, Ristar (1995), un titre mettant en scène une petite étoile filante qui s'est malheureusement évanouie trop vite dans la galaxie de Maître Sega...

Le design du personnage de Ristar est l'œuvre de Yuji Uekawa qui est également connu pour être à l'origine du nouveau look de Sonic dans Sonic Adventure (1999).

Un lapin, un hérisson et une étoile filante...

Outre le fait que Ristar et Sonic aient été créés par la même équipe de développement, il est aussi important de noter que leurs genèses respectives sont étroitement liées... Nous sommes au début des années 90 et le but de Sega à cette époque-là était très simple : la firme voulait absolument créer un nouveau personnage qui lui servirait de mascotte afin d'attaquer directement Nintendo et son Mario. C'est dans cette optique-là que Sega demanda à AM8 (le studio qui deviendra par la suite la Sonic Team) de concevoir un jeu mettant en scène cette nouvelle mascotte. L'équipe menée par le programmeur Yuji Naka et l'artiste Naoto Oshima se mit alors à plancher sur le sujet. L'un des premiers prototypes mis en place mettait en scène un lapin capable d'attraper des objets ou des ennemis avec ses oreilles. Seulement voilà, le moteur utilisé pour ce projet était pensé pour gérer un jeu très rapide et très vif, et du coup cette idée de jouer un personnage qui prenait le temps d'attraper et de jeter des objets semblait ne pas correspondre parfaitement à la technologie en place. C'est pour cette raison que le lapin fut écarté et que l'équipe partit dans une autre direction. Quelques temps après, Sonic apparut...

Bien plus tard, alors que le hérisson connaissait un succès planétaire grâce à la sortie de Sonic the Hedgehog (1991) et de ses suites, la Sonic Team se mit à réfléchir en parallèle à un autre jeu de plateformess avec un personnage différent. Elle prit alors la décision de s'inspirer des premiers travaux préparatoires menés par le studio lors de la création de Sonic. C'est ainsi que le petit lapin utilisé avant que le hérisson bleu n'apparaisse ressurgit et que le projet répondant au nom de code Feel fut lancé. Après une phase de recherche et de prototypage, le gameplay fut conservé mais le personnage ne correspondait plus à ce que l'équipe souhaitait faire. Ainsi le lapin laissa sa place à une étoile filante appelée dans un premier temps Dextar, avant de devenir finalement Ristar.

Dans l'histoire du jeu, Ristar est l'enfant du Héros Légendaire et ce dernier a été capturé par Greedy, le grand méchant de service. Cette image qui apparaît quand on termine l'aventure montre Ristar retrouvant son père. Signalons que ce point de scénario n'existe pas dans la version japonaise.
Le fameux lapin qui donna indirectement naissance à Ristar.

Comme nous l'avons vu précédemment, le cœur du concept de Feel puis de Ristar était de proposer un jeu de plateformes avec un personnage capable d'attraper des objets ou des ennemis. C'est pour cette raison que la Sonic Team donna à Ristar des bras extensibles lui permettant d'agripper plusieurs éléments différents... Dans les faits, Ristar est un jeu de plateformes 2D assez traditionnel dans son approche, mais ce dernier utilise intelligemment la capacité originale de son personnage principal pour créer beaucoup de situations de jeu. Grâce à ses bras extensibles, la petite étoile peut par exemple attraper les ennemis pour leur filer un grand coup de tête, s'accrocher aux murs ou aux plafonds, mettre des coups de boule dans des arbres pour les faire tomber et créer ainsi des ponts, s'accrocher à des barres métalliques pour ne pas être emportée par un courant marin, etc. La Sonic Team a trouvé de nombreuses idées pour tirer profit de cette capacité du héros afin d'enrichir son level design. Ristar a par ailleurs la possibilité de s'accrocher à certaines tiges de métal disséminées dans les différents niveaux, afin de tourner autour à toute vitesse et de se projeter dans les cieux. Le joueur a alors la possibilité de propulser sa petite étoile filante dans n'importe quelle direction, ce qui permet au level design de proposer un certain nombre de passages secrets et de trésors à récupérer dans des endroits apparemment inaccessibles. En s'appuyant sur ce large panel d'utilisations de la capacité du héros ainsi que sur des contrôles réactifs et précis, la Sonic Team a ciselé un gameplay à la fois simple à appréhender (deux boutons : un pour le saut, un pour étendre les bras) et particulièrement riche. Un vrai tour de force.

Tout le gameplay du jeu est construit autour des bras élastiques de la petite étoile filante.
Deux autres exemples illustrant la richesse des situations rencontrées: à gauche, Ristar attrape des bonus cachés au fond de certains trous dissimulés dans le décor ; à droite, l'étoile doit transporter ce métronome d'un point A à un B pour progresser dans certains niveaux.

Le chant du cygne de la Megadrive

Ristar connut les honneurs d'une sortie mondiale en février 1995. Malheureusement pour lui, à cette époque-là, le monde entier avait déjà les yeux tournés vers les consoles 32-bits, la Playstation de Sony ou la Saturn de Sega occupant toute l'attention des joueurs. Du coup, au même titre que Comix Zone (Sega Technical Institute, 1995), Earthworm Jim 2 (Shiny Entertainment, 1995) ou encore Light Crusader (Treasure, 1995), Ristar fait partie des dernières grosses productions sorties sur Megadrive avant que la console ne cède définitivement sa place. Ristar est d'ailleurs le dernier jeu de la Sonic Team sur la machine, le studio passant ensuite sur 32X avec Knuckles' Chaotix (1995) et sur Saturn avec Nights into Dreams... La Sonic Team livre avec Ristar l'un des plus beaux titres de la console, la Megadrive étant ici poussée dans ses derniers retranchements. La direction artistique très colorée de Ristar ainsi que les merveilleuses musiques de Tomoko Sasaki (à qui l'on doit également les mélodies de World of Illusion (Sega AM7, 1992) ou encore celles de Nights into Dreams) assurent un spectacle de tous les instants. Les différents niveaux du jeu sont par ailleurs tous très différents les uns des autres, et chaque planète visitée par Ristar est construite autour d'un thème central très marqué. Sonata, le monde de la musique, est par exemple composé de clarinettes et de claviers, alors que Undertow est une planète recouverte par les océans, avec des créatures marines et des algues par dizaines. Le jeu est une réussite artistique indéniable, qui est de plus soutenue par une réalisation technique de haute volée.

« Ristar est un jeu qui attire l'attention sur chaque élément de l'action, comme tout scénario et environnements uniques propres à chaque planète, ainsi que les motivations des personnages et des habitants. Dans Ristar, au lieu de se précipiter au niveau suivant, nous avions pensé qu'il serait intéressant que le joueur puisse prendre son temps, profiter du jeu et en apprendre plus sur l'histoire de chaque planète. » (Akira Nishino, Game Planner sur le jeu).

Avec sa réalisation étincelante, son gameplay précis et ses niveaux très variés, Ristar a tout pour plaire. Alors qu'il est aujourd'hui très souvent oublié au profit des grands classiques de la plateforme sur Megadrive comme Aladdin (Virgin Games, 1993), Castle of Illusion (Sega AM7, 1990) ou bien évidemment les différents épisodes de Sonic, Ristar est très certainement l'un des meilleurs jeux du genre sur ce support. En plus d'être une vitrine technologique de la Megadrive, c'est un jeu d'une grande générosité, pullulant d'idées en tout genre. Les boss sont par exemple particulièrement inspirés et certains combats contre ces derniers sont très réussis. La confrontation contre le boss de Sonata, ce gros oiseau chantant atrocement faux sur la scène d'un opéra, est d'ailleurs l'un des meilleurs passages du jeu... Tout au long de l'aventure, Ristar multiplie les situations originales afin de ne jamais paraître redondant. Par exemple, le joueur devra participer à une bataille de boules de neige contre certains monstres de Freon, la planète de glace, ou encore transporter des cristaux pour les placer dans des machines qui ouvriront les portes de Automaton, le monde industriel clôturant le périple de notre petite étoile. Ceci dit, si vous souhaitez atteindre Automaton puis combattre Greedy (le boss de fin du jeu), il faudra vous accrocher car le titre est plutôt difficile et si on progresse rapidement dans les deux ou trois premiers mondes, la deuxième moitié du jeu est bien plus compliquée. Cependant, le titre de la Sonic Team a la bonne idée de proposer un système de mots de passe facilitant votre progression. On notera également la présence d'un bonus stage caché par niveau, ce qui rajoute encore à la dimension ‘exploration' du titre. Finir le jeu avec tous les bonus stages trouvés et terminés représente un beau challenge pour tout joueur qui cherche un peu d'adversité.

Petite sélection de boss de fin de niveau. En haut, la fameuse scène de l'opéra durant laquelle Ristar doit faire tomber un oiseau qui chante de manière cacophonique, afin de permettre au petit rossignol de remonter sur son perchoir pour poursuivre son récital.
En bas à droite, le bonus stage du premier niveau. Le jeu vous attribuera un adjectif qualifiant votre performance quand vous terminerez l'aventure en fonction du nombre de bonus stages que vous aurez complétés (si vous complétez les douze tableaux bonus du jeu, vous aurez droit au message « Good Job !! »).

La malédiction du hérisson

Comment un titre comme Ristar, avec ce personnage qui avait tout pour devenir l'une des stars de Sega, a-t-il pu ne jamais connaître les honneurs d'une suite ? Il y a quelques éléments de réponse à cette interrogation, à commencer par la sortie tardive du jeu alors que la Megadrive commençait à s'éclipser doucement. C'est très vraisemblablement un élément qui a compté, mais il y a certainement d'autres explications. On peut tout-à-fait se dire que Ristar a dû également souffrir du succès phénoménal de Sonic. Les deux jeux venant du même studio de développement, on peut penser que la petite étoile a bien eu du mal à exister dans l'ombre du hérisson bleu, ce dernier devenant alors la poule aux œufs d'or de Sega. Par la suite, la Sonic Team préféra également expérimenter de nouveaux concepts en 3D, la 2D n'étant plus réellement à la mode à cette époque-là (avec des titres comme Nights into Dreams ou Burning Rangers en 1998).

« Est-ce que Ristar reviendra ? Probablement pas. Bien sûr, en tant que développeur de jeux vidéo, j'aimerais que ça se fasse. Tout de suite après la parution de l'original, je pensais déjà à une suite. Nous avions même déjà créé des personnages, mais ça ne s'est pas fait pour diverses raisons. » (Akira Nishino, Game Planner sur le jeu).

Même si la petite étoile filante n'eut pas la chance de revenir sur nos écrans pour une nouvelle aventure, la Sonic Team proposa en 2008 avec Sonic Unleashed une sorte de fusion entre le gameplay de Sonic et celui de Ristar. En effet, impossible de ne pas voir des éléments de Ristar dans le gameplay du Hérisson-Garou, le nouveau personnage de cette aventure du hérisson bleu. Le Hérisson-Garou est doté de grands bras extensibles, et il peut du coup attraper des ennemis avec ses pattes pour leur coller de grandes claques, transporter des objets pour résoudre de petits puzzles ou encore s'agripper à des éléments du décor pour se projeter en hauteur... Autant d'actions que la petite étoile filante réalisait déjà en 1995 ! La partie ‘Hérisson-Garou' de Sonic Unleashed peut en quelque sorte être vue comme une transposition du gameplay de Ristar en 3D, le tout habillé aux couleurs du hérisson bleu... Ristar ne connaîtra probablement jamais de nouvel épisode, mais l'unique jeu le mettant en scène mérite d'être découvert aujourd'hui. Il s'agit très certainement d'un des meilleurs jeux de la Sonic Team sur Megadrive, et à ce titre, il mérite de figurer aux côtés des quatre épisodes de Sonic sur la 16-bits de Sega, parmi les meilleurs jeux de plateformes de cette machine.

Le Hérisson-Garou, fusion improbable de Sonic et de Ristar...

Annexes

  • Ristar avait conquis la presse française lors de sa sortie en 1995, même si Joypad regrettait une certaine absence de difficulté.

« Une étoile est née, elle se nomme Ristar et risque de faire des ravages. Sega cherche apparemment une nouvelle mascotte. Sonic se ferait-il trop vieux ? » (Christophe Delpierre, alias Chris – 90% dans le Player One numéro 50 de Février 1995).

« Un bon jeu de plateforme au croisement d'un Sonic et d'un Dynamite Headdy. Original. » (89% dans le Consoles+ numéro 39 de Janvier 1995).

« Au niveau du fun, on s'amuse énormément à étirer les bras de la chose et à s'enrouler autour des arbres à la manière d'un serpent ! Dommage pourtant que les décors et les couleurs soient un peu fades au regard du reste. Si on avait pu avoir celles de Mr Nutz, le jeu aurait pris une toute autre dimension. Dommage également que la difficulté soit un peu faiblarde. Ce qui me fait dire illico presto que ce jeu est destiné avant tout aux plus jeunes d'entre vous... » (Nourdine Nini, alias Trazom – 89 % pour les moins de 12 ans, 81% pour le autres dans le Joypad numéro 39 de Février 1995).

  • Voici une publicité américaine pour Ristar :
  • Même si Ristar n'a jamais connu de suite à proprement parler, un jeu sur Game Gear fut commercialisé en même temps que la version Megadrive. Le titre, développé par Biox, reprend beaucoup du gameplay du jeu 16-bits, tout en proposant certains passages et certains niveaux inédits. Il s'agit là-aussi d'un des derniers grands jeux de la petite portable de Sega.
Biox était un studio ayant beaucoup travaillé sur Game Gear. On lui doit par exemple Streets of Rage sorti sur cette machine.
  • Maître Sega n'a pas tout-à-fait oublié son étoile filante, et Ristar a pu faire quelques apparitions dans certains jeux de la firme. Il fait par exemple partie des jouets collectionnables dans Shenmue (AM2, 2000) et il est également à l'honneur dans le fameux Segagaga (Hitmaker, 2001). C'est ensuite dans Sonic & Sega All-Stars Racing (Sumo Digital, 2010) qu'il fera une apparition dans un circuit disponible en téléchargement, avant de donner le départ des courses dans sa suite, Sonic & All-Stars Racing Transformed (Sumo Digital, 2012).
Une image de Segagaga montrant Ristar en compagnie de Astal (du jeu éponyme sorti en 1995), de Pepperouchau de Clockwork Knight (Sega, 1994) et du fameux Alex Kidd.
Ristar agitant son drapeau à damier dans Sonic & All-Stars Racing Transformed. Dommage néanmoins qu'il ne soit pas jouable.
  • Pour ceux qui voudraient jouer à Ristar sur des machines plus récentes que la Megadrive, sachez qu'il est disponible en dématérialisé sur la console virtuelle de la Wii et également sur PC. Ristar est également disponible dans plusieurs compilations rétro de l'éditeur, dont Sega Megadrive Ultimate Collection (Backbone Entertainment, 2009) sur Playstation 3 et Xbox 360.
  • Toutes les citations présentes dans cet article proviennent d'ailleurs d'un bonus issu d'une des compilations rétro de Sega. Cette vidéo est consultable à cette adresse.
Jika
(18 août 2014)
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