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Outlaws
Année : 1997
Système : Windows
Développeur : LucasArts
Éditeur : LucasArts
Genre : FPS
Par Djib (19 mai 2003)

Dans la jungle des FPS, il existe heureusement des jeux qui contribuent à l'évolution du genre, qui ne se contentent pas d'appliquer une énième fois la recette basique d'Id software. Outlaws de Lucas Arts est l'un de ces titres qui apportent de « l'eau au moulin ». Cependant, il a sombré dans les oubliettes de l'Histoire (même notre dossier sur les doom-like n'en parle pas !) et c'est une véritable injustice que Grospixels se doit de réparer.

Peu de jeux vidéo ont exploité le thème, pourtant riche et prenant, du Western. On peut se rappeler des excellents Gunsmoke ou Sunset Riders en arcade ou plus récemment du très prenant Desperados de chez Infogrames. Mais avec Outlaws, c'est une autre dimension et une ambiance extraordinaire qui en est la source d'inspiration : le Western Spaghetti.

Alors qu'Hollywood avait imposé un type de Western basé sur un héros dur mais romantique et une vision plutôt humaniste de la civilisation, Sergio Leone en 1962 avec Pour une poignée de dollars donne naissance à un nouveau genre de Western, plus cynique, plus cruel, très stylisé et désencombré de toute morale. Puisant dans le folklore italien (vendetta, Mafia, religion, Commedia dell'Arte), tous les poncifs figés par 60 ans de Western américain et symbolisé par John Wayne sont détournés. A ce petit jeu, Sergio Leone réalisera des films désormais mythiques mettant en scène des stars d'Hollywood, avec l'aide d'Ennio Morricone pour la musique : Le bon, la brute et le truand ou encore Il était une fois dans l'Ouest (scénarisé par un Dario Argento débutant) et ouvrira la voie à de nombreux réalisateurs (qu'il méprisera ouvertement) comme son ex-assistant Sergio Corbucci (Django, avec la star du bis Franco Nero) ou Sergio Sollima (le Grand Silence) - décidément ça aide de s'appeler Sergio pour réaliser des bons Western ! - ou encore Enzo Castellari (Keoma) pour ne citer que les meilleurs.

Ensuite, Terence Hill (de son vrai nom Mario Girotti) & Bud Spencer (Carlo Pedersoli sur sa carte d'identité) vont définitivement faire sombrer le genre dans la décadence et le nanar spécial 2ème partie de soirée sur M6 (avec la série des Trinita). A noter tout de même entre les deux périodes le célèbre Mon nom est personne, réalisé par Tonino Valerii (mais Sergio Leone était dans le coin...), qui fut la page de gloire d'un Terence Hill pas encore tourné vers le comique.

Du plus grand chef d'oeuvre au pire nanar...

C'est l'héritage de l'âge d'or du Western Spaghetti que reprend Outlaws. Les personnages, cinématiques, décors et la sublime musique du jeu sont directement inspirés de ces grands classiques des années 60.

Lucas Arts dans son style si particulier (proche de Full Throttle) a élaboré une véritable histoire épique pour ce doom-like ponctué de scènes narratives en dessin animé. Les références au Western spaghetti sont explicites et l'ambiance très réussie. Le héros que vous êtes amené(e) à incarner se nomme James Anderson. Marshall mis à la retraite prématurément à cause de ses méthodes trop expéditives, il vit désormais paisiblement avec sa femme et sa fille dans une modeste ferme. Un jour, il est contacté par le magnat du chemin de fer, Bob Graham qui veut lui racheter ses terres pour y poser des rails. Devant le refus d'Anderson, Graham tue sa femme, enlève son enfant et brûle sa ferme. Anderson se lance alors à la recherche de sa fille et de l'homme qui a brisé sa vie.

Si les cinématiques sont de toute beauté et ponctuent de fort belle façon le déroulement des missions, les graphismes du jeu lui-même ont beaucoup déçu la presse et le public à l'époque où Quake II avait imposé un nouveau standard en la matière. Basés sur le moteur de Dark Forces (qui datait déjà de plus de 2 ans), les graphismes sont extrêmement pixélisés et les ennemis sont des sprites en 2D dont il ne faut pas trop s'approcher. Malgré cela, le choix des couleurs, la cohérence des niveaux et les détails et clin d'œil aux clichés du genre font de Outlaws un vrai régal pour les aficionados du Western Spaghetti. La sublime musique (dont on jurerait qu'Ennio Morricone en est l'auteur), directement lue sur le CD du jeu est absolument exceptionnelle et l'impression d'être au cœur de l'Ouest version Sergio Leone est parfaite.

Outlaws, en 1997, introduit quelques nouveautés fort intéressantes qui seront ensuite reprises dans la plupart des fps. Ainsi, il faut obligatoirement recharger ses armes manuellement pour ne pas avoir à être pris de court au moment ou plus une balle n'est dans votre barillet. Mine de rien c'est le genre de petite touche qui change le gameplay. Ainsi en plein gunfight dans un saloon, vous êtes obligé(e) de vous abriter derrière le bar et recharger à la hâte votre six-coups tandis que des balles sifflent et explosent des bouteilles autour de vous.
Autre nouveauté, Outlaws fut l'un des premiers Doom-like à introduire le désormais indispensable fusil à lunette pour des séances de snipe particulièrement géniales.
Enfin, une maigre partie aventure est présente avec par exemple, à chaque niveau, la nécessité de trouver un ou deux objets (au delà des clefs pour les portes verrouillées, une pelle, un pied-de-biche, une lanterne) qui vous donnent accès à d'autres endroits.

Les différents niveaux (villes de l'ouest, mines abandonnées, scierie, canyon, train en marche...) sont extrêmement bien conçus et obligent le joueur à bien observer les environs avant de se lancer à découvert. Ils procurent une grande satisfaction par la subtilité de leur agencement et la dose de réflexion nécessaire pour les aborder au mieux. Les affrontements avec les boss de fin de niveau donnent un côté « duel final » très sympathique. (Les dialogues sont notamment excellents).

Le jeu n'a connu qu'un succès très modeste, ce qui retiendra Lucas Arts de se lancer dans une suite. Preuve que le jeu est cependant toujours joué par ses fans, on trouve sur le web plus de 300 niveaux supplémentaires, un add-on gratuit sur le site officiel et en 2001, soit 4 ans après sa sortie, les développeurs gratifièrent leurs fans d'un nouveau patch avec support de Direct3D et de Win2000. Quand à l'Ouest de Sergio Leone, il sert toujours d'inspiration à de nombreux créateurs en herbe qui nous concoctent des mods Western pour les meilleurs fps du moment comme Quake 3...

Pour ceux qui veulent poursuivre dans cette ambiance, quelques bonnes BD exploitent les codes du Western spaghetti avec bonheur : la série des Durango de Yves Swolf ou bien Adios Palomita et 500 Fusils aux éditions Delcourt sont de vraies réussites. Comme quoi y'a pas que Lucky Luke et Blueberry !

Bonne chevauchée dans l'Ouest, « blondin », en attendant que Lucas Arts se décide enfin à nous pondre une suite...

Djib
(19 mai 2003)
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