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Nibbler
Année : 1982
Système : Arcade
Développeur : Joe Ulowetz, John Jaugilas, Joe Bak, Lonnie Ropp
Éditeur : Rock-Ola, Taito (Japon)
Genre : Arcade / Labyrinthe
Par JPB (05 octobre 2017)

On dit que les serpents, ça mange n'importe quoi, jusqu'à en éclater. Vrai ou faux ?
Vrai. Et des fois, ça se termine mal pour eux, ils en meurent.
Mais si je commence mon entrée en matière de cette façon, ce n'est pas pour rien. En effet, je voudrais vous parler d'un jeu d'arcade dans lequel on dirige... un serpent qui a les yeux plus gros que le ventre. Ce jeu s'appelle Nibbler.

Le flyer. Cliquez sur une image pour une version plus grande.
Merci au site Arcade Flyer Archive !

Dans Nibbler, le principe "d'avoir les yeux plus gros que le ventre" est fondé sur la quantité d'objets à avaler, non sur la taille d'un seul. Mais bon, ça revient un peu au même...
Ce jeu, je l'ai connu au Jean Bart, ce café de Clermont-Ferrand qui m'a fait découvrir tant de jeux vidéo de la grande époque. J'avoue que je n'accrochais pas trop à Nibbler, et malgré mes tentatives pour m'améliorer, je n'ai jamais dépassé le 4ème niveau.

Le terrain de jeu

Quand on lance une partie, on se retrouve face à un carré de 212x212 pixels, qui composent le terrain sur lequel vous évoluez. Chaque niveau a son propre terrain, plus ou moins labyrinthique, qu'on voit du dessus. Dans cet espace, 28 pastilles (chacune vous rapporte 10 points au niveau 1, 20 points au niveau 2, etc.) sont disséminées régulièrement. Pour vous donner une idée, le premier niveau de Nibbler - et beaucoup d'autres par la suite - ont des allures de Pac-Man.
On compte 32 tableaux qui se suivent dans un ordre défini à l'avance, et qui sera toujours le même d'une partie sur l'autre.

Le titre.
Les instructions.

Tout tableau possède un compte à rebours qui commence à 990 et diminue progressivement. Attention : si vous ne bougez pas, la vitesse de défilement s'accélère énormément pour vous forcer à vous déplacer. Si vous finissez un tableau avant la fin du compte à rebours, vous gagnez les points restants comme bonus (10 points, multipliés par le n° du niveau, multiplié par le nombre de secondes restantes). Si le compte à rebours atteint 0, vous perdez une vie.

Le serpent

Il est tout petit. Au début. Il a presque la tête plus grosse que le reste, c'est dire ! Et deux gros yeux qui semblent dire que, même avec, le serpent est incapable de se diriger tout seul...

Au départ le serpent est bleu pendant
quelques secondes...
... puis il passe au rouge et là, c'est à vous !

C'est donc vous qui le guidez, avec la manette aux 4 directions ; pas de boutons pour tirer ou sauter, il n'y a rien que la manette. Vous commencez toujours en bas au milieu de l'écran, et votre but est d'arriver à manger toutes les pastilles présentes à l'écran. Le serpent ne s'arrête pas aux intersections ; il tourne de lui-même après un petit délai quand il y a un quart de tour obligatoire (les deux passages en L en bas de la première capture par exemple), mais s'arrête systématiquement quand il percute un mur à angle droit : à vous de lui indiquer alors dans quel sens tourner. Faites-le vite où le compte à rebours s'affolera.

Qu'est-ce qui se passe quand vous commencez à avancer ? Toute pastille avalée par le serpent le fait un peu grandir : en gros, une pastille correspond à 2 losanges sur son corps. Donc si au début, il est facile de se diriger dans le labyrinthe, de passer dans les couloirs qui vous font rapidement revenir sur vos pas, vous imaginez bien qu'au bout d'une dizaine de pastilles englouties, le serpent traîne une queue de belles proportions derrière lui. Pendant qu'on en est là, je précise que je vais souvent parler de queue dans cet article, en tout bien tout honneur rassurez-vous.

Le deuxième niveau du début à la fin. 

Les virages, qui se font tous à angle droit, vont vous obliger à réfléchir dès lors que la trajectoire que vous voulez suivre vous fait percuter une partie de la queue du serpent, qui n'a pas encore fini de passer. Et plus le serpent est long, plus les virages sont délicats et l'anticipation indispensable. Si vous vous rendez compte d'avoir fait une erreur, neuf fois sur dix c'est déjà trop tard.

En fait, comme vous l'avez sûrement compris, il n'y a pas d'adversaires ou de pièges dans Nibbler. Le seul ennemi, c'est la gloutonnerie du serpent, et sa propre queue.

L'évolution

On pourrait penser que plus on avance dans les niveaux, plus le labyrinthe est retors, mais ce n'est pas forcément vrai. C'est surtout la concentration dont vous devez faire preuve qui va finir par vous manquer, vu qu'à part les cinq premières secondes sans gros danger, votre vigilance ne doit pas se relâcher. Pour vous donner une idée, le serpent fait toute la longueur d'un côté du labyrinthe après avoir ingurgité 10 pastilles... Et il y en a 28 dans tout l'écran !

Plus de temps... Une vie en moins.

Ensuite, il faut bien reconnaître ce que je considère personnellement comme LE défaut de ce jeu, ce qui fait que je n'y joue jamais plus de quelques parties de suite : le maniement. Il est parfois très difficile de faire aller le serpent où on veut. Je ne parle pas ici de la direction à choisir quand le serpent s'est arrêté contre un mur ; non, je parle des passages qu'on veut emprunter en tournant à droite ou à gauche en pleine ligne droite. Normalement, il faut incliner la manette dans la direction voulue, mais parfois le serpent n'effectue pas le quart de tour, ce qui vous fait rater l'embranchement et peut conduire rapidement à la perte d'une vie.

Au bout d'un moment, vous allez forcément faire une bêtise, soit sans faire attention, soit à cause de la maniabilité du serpent. Vous allez vous retrouver à tourner et horreur ! votre queue est encore là, devant vous, et pas moyen qu'elle ait eu le temps de passer avant que... PAF ! vous ne la percutiez.

J'ai voulu tourner à gauche juste avant
(passer par le trou vers la droite de
l'écran pour récupérer la dernière
pastille) mais le serpent n'a pas voulu.
Là, c'est de ma faute. J'ai voulu faire de
grandes lignes droites, je pensais à
autre chose et je n'ai réalisé ma bêtise
que trop tard.

Une vie de moins, plus que 2 ! Le serpent disparaît (en partant de la queue), l'écran clignote, et vous reprenez au point de départ pour tenter de terminer le tableau. Le serpent a repris sa taille du début, il ne vous reste plus qu'à avaler les pastilles du niveau restantes ; en général, ça se passe plutôt bien.

Ensuite, eh bien, le serpent se déplace de plus en plus vite, vous demandant d'affûter vos réflexes et votre coordination pour continuer à jouer.

Un peu de technique

Nibbler abrite un M6502, et deux chipsets pour le son : un SN76477 et un "custom". La résolution d'écran est standard, de 224 x 256 pixels pour 8 couleurs.

Graphiquement, Nibbler ne casse pas trois pattes à un serpent. Mais ça suffit pour permettre de jouer. Et puis, la bestiole a une bonne tête avec ses yeux globuleux.
L'animation est sans reproche. Honnêtement, encore heureux ! Mais comme je l'ai déjà dit, il arrive que le maniement du serpent ne se fasse pas correctement, ce qui entraîne la plupart du temps une perte de vie. Et c'est rageant !
Le son est très moyen, mais ça n'empêche pas de jouer non plus.

Le gameplay est très facile à comprendre. C'est une évolution du jeu de serpent, dont l'ancêtre est Blockade (jeu d'arcade de Gremlin sorti en 1976). Ce type de jeu a été décliné dans d'innombrables versions et sur d'innombrables machines par la suite, et était même devenu un test obligatoire pour ceux qui se lançaient dans un langage de programmation. Comme exemples de jeux dérivés de Blockade, je citerai Surround sur VCS Atari, Snafu sur Intellivision... ou la course des Cycles-Lumière dans le film Tron, puis dans le jeu d'arcade dérivé.

Tim McVey en 1984.

Nibbler fut le premier jeu permettant d'afficher un score d'un milliard de points.

Anecdote au sujet du record : Rock-ola décida d'offrir une borne Nibbler gratuite au premier joueur atteignant le milliard de points. Ce fut finalement Tim McVey, un adolescent de 17 ans, qui réalisa le 28 janvier 1984 un score de 1 000 042 270 points (ce fut le McVey Day).
Malgré la tentative d'Enrico Zanetti, dont le record de 1 001 073 840 points le 29 septembre 1984 ne fut pas homologué, Tim McVey resta champion du monde jusqu'au 22 février 2009, lorsque Dwayne Richard le battit avec 1 004 328 140 points. Le 10 avril 2009, McVey tenta de récupérer son titre de champion, mais dut s'avouer vaincu (il attrapa une ampoule dans la main qui l'empêcha de continuer) après près de 40 heures de jeu et 945 939 420 points. Puis ce fut Rick Carter qui atteignit 1 002 222 360 points le 31 juillet 2011 et devint le nouveau recordman, le score de Dwayne Richard n'ayant finalement pas été retenu pour vérification.
Enfin, le jour de Noël 2011, et devant des centaines d'internautes qui suivaient sa performance en live, McVey reconquit le record du monde à Nibbler avec un total de 1 041 767 060 points.

Il existe un reportage, "Man vs Snake" ("l'homme contre le serpent") au sujet de Tim McVey et de son record. Il n'est hélas plus disponible sur Youtube.

J'ai vu d'autres records mais pas établis dans les mêmes conditions, et donc pas forcément "officiels" (les infos entre les différents sites sont parfois contradictoires). Ainsi, Elijah Hayter a atteint 1 042 774 470 points, et il a été battu par Rick Carter avec 1 231 372 670 points.
Bonne chance si vous voulez tenter de battre ce record à votre tour, vous devrez tenir plus de 50 heures d'affilée devant la borne !

JPB
(05 octobre 2017)